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Que retenir des résultats de Montréal?

Si la composition fragmentée du conseil de ville peut suggérer l'absence de monopole partisan tel qu'on le connaît dans d'autres municipalités du Québec, les résultats du 3 novembre sont loin de représenter une révolution pour Montréal.
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C'est fait. Denis Coderre est élu maire de Montréal. Ce n'est pas une grande surprise. Les sondages le plaçaient gagnant, loin devant ses principaux adversaires.

La surprise vient plutôt du côté de Mélanie Joly. Parfaite inconnue il y a quelques mois, la jeune avocate de 34 ans a su s'imposer au fil de la campagne, notamment à travers les débats, les rencontres avec les citoyens et son message de renouveau. Un sondage CROP du 15 octobre plaçait la candidate en deuxième position dans la course avec 24% des intentions de vote, loin derrière Denis Coderre avec 41%. Les résultats du 3 novembre réduisent considérablement l'écart entre les deux candidats, avec Denis Coderre élu maire avec 32,13% des voix contre 26,47% pour Mme Joly. Richard Bergeron termine avec 25,5%, bien devant Marcel Côté (12,8%). Qui plus est, l'Équipe Denis Coderre n'a pas la majorité au Conseil de ville, avec 27 conseillers. Si la composition fragmentée du conseil de ville peut suggérer l'absence de monopole partisan tel qu'on le connaît dans d'autres municipalités du Québec, les résultats du 3 novembre sont loin de représenter une révolution pour Montréal.

L'Équipe Denis Coderre, comme la continuation imparfaite de 2009

Une analyse des résultats électoraux de Montréal par arrondissements permet, avant tout, de constater la persistance de la fracture urbaine en vigueur depuis l'administration Tremblay, soit le clivage entre les arrondissements de l'ancienne ville-centre et ceux des anciennes municipalités indépendantes. En 2009, les arrondissements des anciennes municipalités de la communauté urbaine de Montréal (CUM) (Anjou, Lachine, LaSalle, L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève, Montréal-Nord, Outremont, Pierrefonds - Roxboro, Saint-Laurent, Saint-Léonard et Verdun) avaient tous élu des maires d'arrondissement, des conseillers d'arrondissement, et des conseillers municipaux d'Union Montréal, à l'exception d'Outremont et de L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève, qui avaient aussi élu chacun un conseiller d'arrondissement indépendant. Bien que l'Équipe Denis Coderre se soit constituée à 25% d'anciens élus d'Union Montréal, il serait faux de prétendre que rien n'a changé.

Du côté des mairies d'arrondissement, cinq des dix arrondissements des anciennes municipalités de la CUM (Montréal-Nord, Pierrefonds - Roxboro, Saint-Laurent, Saint-Léonard et Verdun) ont élu des maires de l'Équipe Coderre qui, à l'exception de Jean-François Parenteau dans Verdun, sont des anciens d'Union Montréal. Dans les cinq autres arrondissements des anciennes municipalités, les citoyens ont plutôt opté pour le changement. Dans L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève, les citoyens ont élu Normand Marinacci du Groupe Mélanie Joly. Dans les quatre autres arrondissements, les nouveaux maires sont issus de formations politiques exclusives à ces arrondissements (Équipe Dauphin, Équipe Barbe, Équipe conservons Outremont, Équipe Anjou). Notons cependant que ces nouveaux maires d'arrondissement, issus de nouvelles formations politiques, sont tous des anciens candidats d'Union Montréal : Manon Barbe dans LaSalle, Claude Dauphin dans Lachine, Luis Miranda dans Anjou et Marie Cinq-Mars dans Outremont. Et nous ne serions pas surpris si, dans les semaines qui suivent, ces maires d'arrondissement décidaient de rejoindre les rangs de Denis Coderre.

Si l'on s'attarde maintenant aux conseillers municipaux et d'arrondissement, on constate l'absence de monopole de l'Équipe Coderre dans les arrondissements des anciennes municipalités. Dans Verdun et Outremont, Projet Montréal fait une percée, tout comme le Groupe Mélanie Joly dans L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève et Pierrefonds - Roxboro, et la Coalition de Marcel Côté dans Saint-Léonard avec Domenico Moschella, élu de justesse dans Saint-Léonard-Est comme conseiller municipal.

Le billet se poursuit après la galerie

La chute de Vision Montréal et la percée de Projet Montréal

Les grands perdants du 3 novembre sont sans aucun doute la Coalition de Marcel Côté et Vision Montréal. En 2009, la formation politique dirigée par Louise Harel avait fait élire des maires d'arrondissement dans le Sud-Ouest, Rosemont - La Petite-Patrie, Villeray - Saint-Michel - Parc Extension et Mercier - Hochelaga-Maisonneuve. Le 3 novembre, l'Équipe Denis Coderre a remporté l'arrondissement de Villeray - Saint-Michel - Parc Extension. L'arrondissement de Rosemont - La Petite-Patrie, quant à lui, était déjà passé aux mains de Projet Montréal lorsque son maire François W. Croteau, réélu le 3 novembre, a quitté Vision Montréal en novembre 2011. Dans le Sud-Ouest, la Coalition a remporté la mairie, mais de justesse (27,5% contre 27% pour Projet Montréal). Seul Réal Ménard demeure confortablement installé à la mairie de Mercier - Hochelaga-Maisonneuve.

Sur le plan des conseillers municipaux et d'arrondissements, le bilan est difficile pour la Coalition et Vision Montréal. Dans Mercier - Hochelaga-Maisonneuve, c'est l'Équipe Denis Coderre et Projet Montréal qui se partagent les sièges de conseillers municipaux. Pire encore, Vision Montréal et la Coalition sont complètement rayés de la carte dans Mercier - Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont - La Petite-Patrie, Rivière-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles, Ahuntsic - Cartierville et le Sud-Ouest. De son côté, Projet Montréal maintient son monopole dans Le Plateau-Mont-Royal, et fait une percée dans Mercier - Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont - La Petite-Patrie, Villeray - Saint-Michel - Parc-Extension, Ahuntsic - Cartierville, le Sud-Ouest, Verdun, Côte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Grâce, Outremont et Ville-Marie. En 2009, le parti de Richard Bergeron n'avait réussi à faire élire que deux maires d'arrondissement, huit conseillers municipaux, et quatre conseillers d'arrondissement. Aujourd'hui, Projet Montréal compte 18 conseillers municipaux, huit conseillers d'arrondissement et deux maires d'arrondissement. M. Bergeron a beau regretter que son parti demeure dans l'opposition depuis huit ans, sa formation politique sort tout de même du scrutin du 3 novembre plus forte que jamais.

La vague de séduction de Mélanie Joly

Si Mélanie Joly a su séduire une bonne partie de l'électorat montréalais et recueillir un peu plus du quart des suffrages, cette vague Joly ne se reflète pas vraiment sur le plan des mairies d'arrondissement et des conseillers municipaux et d'arrondissements. En effet, le Vrai changement pour Montréal n'a véritablement réussi à percer que dans L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève, et devra se contenter de quatre sièges au conseil de ville. À titre de comparaison, Marcel Côté, qui n'a recueilli que 12,8% des suffrages, voit sa Coalition décrocher six sièges au conseil de ville. Cela illustre bien le fait que la popularité d'un(e) candidat(e) à la mairie ne se reflète pas toujours dans la composition du conseil de ville. Dans son cas, le Vrai changement pour Montréal a plutôt été une occasion, pour les Montréalais, d'exprimer leur sympathie envers la personnalité de Mélanie Joly, plutôt que le fondement d'un véritable changement.

Malgré la percée de Projet Montréal, la chute de Vision Montréal et la montée de la popularité de Mélanie Joly, la fracture urbaine persiste entre les arrondissements des anciennes municipalités et ceux de l'ancienne ville-centre. En cette voie, on peut dire que l'élection de 2013 maintient la tendance de 2009.

Absentéisme

On dit souvent, en parlant de démocratie, que les absents ont toujours tort. On peut donc s'intéresser aux faibles taux de participation à Laval et Montréal, à la suite des révélations de la commission Charbonneau. Alors que le moment semblait idéal pour voter et changer les choses, les Montréalais ne se sont pas pressés aux bureaux de vote. Est-ce dû à la faible culture politique de la métropole, en comparaison au taux significativement plus élevé de la Ville de Québec, ou à une perte de confiance envers nos élites politiques et/ou le système lui-même?

On pourrait penser que l'ordre gouvernemental municipal est celui qui se rapproche le plus du citoyen. Cueillettes d'ordures, déneigement, réparations de routes, d'égouts, de canalisation, sécurité, ou même embellissement des parcs : ce sont là des enjeux qui nous touchent directement au quotidien. Or, c'est au fédéral où le taux de participation est le plus élevé alors qu'il est considéré comme l'ordre gouvernemental nous touchant le moins. On peut également s'interroger sur le taux de participation de la Ville de Québec de 53,4%. Alors que tous les scandales de corruption étaient concentrés à Laval et Montréal et que le maire Labeaume était assuré de sa réélection, tant il est populaire, comment se fait-il que le taux de participation de Montréal soit de 10 points inférieur à celui de la capitale nationale?

Pour plusieurs électeurs rencontrés, il était question d'une perte de confiance marquante envers les politiciens. Triste réalité. Plusieurs évoquent la piètre qualité des candidats; ils ne leur inspirent aucun désir profond de changer le mode de fonctionnement de la Ville de Montréal. Triste réalité, encore une fois. Plusieurs se contentent de dire que rien ne changera et qu'aucun(e) candidat(e) ne mérite que l'on se déplace pour lui/elle. Encore une fois, très triste. Comportement cynique ou simplement une perte de l'engouement pour la politique municipale?

Nous verrons bien vite si la confiance envers Denis Coderre pourra transformer la ville de Montréal. Ce dernier n'a, à notre connaissance, aucunement présenté de programme clair autre sa propre popularité. Il n'a pris aucun engagement clair envers les citoyens de Montréal. Aucune plateforme solide. Si monsieur Coderre considère qu'il a un mandat légitime, pourrions-nous considérer que son mandat soit celui de ne justement avoir aucune plateforme? Il aura sans doute la plateforme la plus facile à respecter tant elle est inexistante. Monsieur Coderre répétait sans cesse qu'il « ferait le ménage », sans définir ce qu'est ce fameux ménage. En quoi consiste-t-il? Le congédiement d'un(e) fonctionnaire ou un réel redressement de l'appareil?

Un beau défi. Un beau défi pour Denis Coderre. Celui de n'avoir aucun engagement à respecter.

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