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Québec, il faut qu'on parle du Fonds des générations

Ne croyez jamais un économiste ou un politicien qui vous affirme que nous n'avons «pas le choix» d'agir comme il voudrait que collectivement nous fassions.
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Beaucoup de choses ont été dites sur le dernier budget de l'État québécois. On a beaucoup parlé de la diminution de la croissance des dépenses en santé et en éducation. Enfin, un budget «équilibré», entend-on. Ou plein de «coupures sauvages», déplore-t-on. Par contre, peu d'analystes (à ma connaissance seul Gérald Fillion de Radio-Canada en a parlé) ont mentionné l'impact que peut avoir le Fonds des générations sur l'augmentation de la dette.

Cela vous semble paradoxal comme affirmation? Comment un fonds destiné à rembourser la dette peut-il contribuer à l'augmenter?

On vous dit dans les médias que le déficit pour l'année se terminant (2014-2015) sera de 2,3 milliards. C'est techniquement vrai. Sauf que si l'on déduit les versements au Fonds des générations, le portrait des finances publiques est beaucoup moins noir. Avant les versements au Fonds des générations, on constate un surplus de 227 millions de dollars pour les sept premiers mois de l'exercice 2014-2015. Et si on fait le même exercice pour 2015-2016, où le versement au Fonds des générations monte à 1,9 milliard, on n'arrive plus au déficit zéro comme l'annonce le gouvernement, mais à un assez important surplus budgétaire.

L'idée derrière ce «Fonds des générations» peut sembler logique en premier lieu. On met de l'argent dans ce fonds, on le place sur le marché, ce qui fera en sorte qu'il croitra plus vite que l'intérêt que l'on paie sur la dette. Le gouvernement espère tirer un rendement du fonds de 6,5%, alors qu'il paie environ 4% d'intérêt sur sa dette. On peut donc ainsi théoriquement rembourser notre dette un peu plus vite.

Sauf qu'il y a deux problèmes majeurs.

Primo, si tout va bien sur les marchés, le truc fonctionne. Sauf que lorsque les marchés vont moins bien, on peut se mettre à perdre de l'argent. C'est arrivé en 2008-2009. 326 millions sont disparus du fonds à cause de la crise financière. De l'argent qui aurait pu être dirigé directement sur le remboursement de la dette, ce qui aurait éliminé un peu de paiements d'intérêts (à peu près 13 millions annuellement). Il y a donc un risque inhérent de pertes financières à placer cet argent dans le Fonds au lieu de le consacrer directement au remboursement de la dette ou tout simplement à équilibrer le budget de l'État.

Deuxio, puisque l'on parle de l'équilibre budgétaire, mettre de l'argent dans le Fonds alors que l'on est en situation de déficit (ce que fait le gouvernement depuis plusieurs années), c'est d'ajouter aux 11 milliards de services de la dette que l'on paie collectivement chaque année. Tout ceci sans avoir la certitude que ledit Fonds des générations sera assez performant pour compenser l'augmentation de ce service de la dette due aux emprunts supplémentaires faits par le gouvernement pour équilibrer son budget. Parce que l'on croit que le rendement du Fonds sera supérieur aux intérêts de la dette, on choisit ce moyen risqué alors que l'on pourrait choisir d'utiliser cet argent pour être sûr et certain de rembourser notre dette et d'ainsi d'éliminer pour toujours une part des intérêts qui y sont reliés.

En fait, ce Fonds des générations est un bidule avec une fin politique et non pas économique. On veut montrer à la population québécoise que l'on «fait quelque chose pour la dette», qui serait bien sûr en croissance exponentielle et incontrôlée. On est dans l'apparence d'agir ici. D'ailleurs, en 2012, le gouvernement affirmait que «les citoyens ne pourraient pas savoir, au fil du temps, de combien la dette est réduite grâce aux revenus dédiés». Comme s'ils n'étaient pas capables de le savoir autrement... il faut que ce soit simple pour qu'ils comprennent, voyez-vous? D'autre part, étant donné que les contributions au Fonds des générations sont comptabilisées comme une dépense comme les autres, cela permet de noircir encore davantage le portrait des finances publiques québécoises. On se sert souvent du prétexte de la fragilité financière du gouvernement pour effectuer des compressions importantes, notamment dans le dernier budget en santé et plus encore en éducation. Avoir l'air encore davantage dans le «trouble» est donc très utile dans ce contexte. Or, on est ici devant une pure manipulation comptable à des fins idéologiques (l'État, c'est mal et il faut donc en «réduire la taille»).

Ce 1,9 milliard de dollars que met le gouvernement cette année dans ce fonds... serait-il possible de s'en servir pour atténuer un tant soit peu les coupures à venir dans le prochain budget? Pourquoi couper dans un domaine comme l'éducation, si crucial à notre avenir économique, alors que l'on fait au fond des surplus? Il faut sortir de la politicaillerie et avoir un débat sur l'existence de ce fonds ainsi que l'utilisation que nous pourrions en faire. Presque 7 milliards y sont en ce moment. On pourrait faire plein de belles choses avec cet argent, ne serait-ce que rembourser directement la dette, ce qui nous ferait économiser en intérêt 276 millions de dollars par année en intérêt (à tout jamais!). Ou encore investir dans l'économie verte, créant des emplois payants qui nous aideront entre autres à rembourser notre dette...

La fatalité en économie et en politique n'existe pas. Tout est question de choix. Ne croyez jamais un économiste ou un politicien qui vous affirme que nous n'avons «pas le choix» d'agir comme il voudrait que collectivement nous fassions. Ce discours se réclamant du «gros bon sens» cache souvent en fait une adhésion bornée à une idéologie.

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