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Quelle place pour les juniors dans le marché de l’emploi?

J’en suis donc à me demander si ce manque de talents, tant décrié par les départements de ressources humaines, ne serait-il pas simplement le reflet d’un manque d’ouverture.
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Il serait malhonnête d’affirmer que les nouvelles générations de travailleurs ne valorisent pas la sécurité d’emploi et veulent délibérément changer d’emploi.
TommL via Getty Images
Il serait malhonnête d’affirmer que les nouvelles générations de travailleurs ne valorisent pas la sécurité d’emploi et veulent délibérément changer d’emploi.

Ces derniers temps, il n'est pas rare qu'on lise ou entende des directrices et directeurs des ressources humaines parler d'un manque criant de talents. Les entreprises recherchent de plus en plus des travailleurs avec des profils types très spécifiques, qu'ils ont peine à trouver localement que l'on nomme «talents». Le résultat? Des entreprises se disputent ces fameux talents, à coup de surenchères et de promotions, puisqu'ils seraient les éléments clés de la réussite dans une économie créative et innovante.

D'un autre côté, on retrouve des juniors, soit des jeunes travailleurs ayant acquis bon nombre de connaissances liées à l'exercice d'un emploi, sans détenir les savoirs pratiques qui sont l'apanage de l'expérience. Le problème est qu'on ne veut pas de cette main-d'œuvre à en devenir puisqu'elle constituerait un coût important.

Un directeur de projet dans l'industrie du jeu vidéo m'a déjà dit que : «des juniors, moins qu'on en a dans une équipe, mieux c'est!» Au minimum, beaucoup d'entreprises exigent des intermédiaires et n'offrent que de minces opportunités à ces jeunes qui, conduits par leur motivation et leur énergie, veulent mettre les mains à la pâte. Pour l'avoir moi-même expérimenté, je dirais que cette situation est tout à fait palpable du côté d'emplois exigeant des diplômes universitaires.

Il n'est guère surprenant que le peu d'élus, qui réussissent à se glisser au panthéon des talents recherchés ne développent aucune appartenance avec leur employeur et prêtent leurs bras au plus offrant.

Ce comportement est inacceptable en deux points. D'abord, quel message envoie-t-on à la relève si, comme entreprise, on ne souhaite qu'embaucher les «meilleurs», déjà tout prêts, sans investir dans le développement de cette main-d'œuvre? Il n'est guère surprenant que le peu d'élus, qui réussissent à se glisser au panthéon des talents recherchés ne développent aucune appartenance avec leur employeur et prêtent leurs bras au plus offrant.

Ainsi, il serait malhonnête d'affirmer que les nouvelles générations de travailleurs ne valorisent pas la sécurité d'emploi et veulent délibérément changer d'emploi. Surtout lorsqu'on favorise ces comportements, en profitant de ces talents sans pourtant être à prêt à investir dans leur développement. Je mets au défi les tenants de telles idées d'envisager une relation inverse, où leur entreprise investirait dans la formation de juniors pour en faire de réels talents, qui évolueront et apporteront une réelle valeur ajoutée à leur entreprise. Beaucoup de ces juniors, dont je fais partie, ne souhaitent qu'on leur fasse confiance et qu'on les encadre dans leur développement professionnel. Gageons que l'appartenance des jeunes envers leur employeur s'en trouverait décuplée.

Force est de rappeler que l'université ne forme pas que de la main-d'œuvre, elle forme des humains et des têtes.

Mon second point est lié au fait que l'on relègue la responsabilité de la formation à l'université. Il s'agit d'une forme de désengagement de la part d'employeurs qui aimeraient voir venir une relève clé en main, dans laquelle ils n'auraient pas à investir temps et argent. Force est de rappeler que l'université ne forme pas que de la main-d'œuvre, elle forme des humains et des têtes.

Des humains avant tout, qui auront évolué dans un milieu dynamique d'apprentissage et qui auront développé de nombreuses qualités pouvant enrichir n'importe quel milieu de travail. Des têtes ensuite, puisqu'ils auront eu la chance de côtoyer des chercheurs de renommée, qui sont le premier maillon de la création de connaissances. Autrement dit, ces jeunes n'arrivent pas dépourvus sur le marché du travail. Ce n'est pas non plus qu'un seuil minimal de connaissances pour occuper un poste. Ils sont prêts à prendre une part active dans les organisations et ont réellement quelque chose à apporter.

Paradoxalement, j'ai côtoyé des étudiants qui n'en savaient que faire des connaissances théoriques et des réflexions qu'on leur proposait. Elles leur semblent souvent déconnectées de la réalité, d'autant qu'elles ne s'apparentent pas à un guide d'utilisation directement applicable dans une situation donnée. C'est que le reflet de bon nombre d'organisations les obligent à être sélectifs dans leur quête de connaissances, qui bien souvent se transforme en une quête de diplôme pour exercer un poste précis. Et on dit vouloir des talents?

J'en suis donc à me demander si ce manque de talents, tant décrié par les départements de ressources humaines, ne serait-il pas simplement le reflet d'un manque d'ouverture, voire d'un manque de talent de leur part, au sens propre du terme.

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