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La question à 1000$ : le G7, ça sert à quoi?

Ça coûte cher. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle?
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Le sommet du G7, qui réunira les dirigeants des sept plus grandes démocraties libérales à La Malbaie les 8 et 9 juin prochains, engendrera une facture d'au moins 605 millions de dollars pour les contribuables canadiens, selon le plus récent budget fédéral. Les chefs d'État du Canada, des États-Unis, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie, du Royaume-Uni et du Japon se réuniront au Manoir Richelieu.

Devant une facture aussi salée, il y a lieu de se demander si un tel sommet a véritablement sa raison d'être. Pour répondre à cette question, le HuffPost Québec s'est entretenu avec Louis Bélanger, directeur de l'institut des Hautes études internationales du l'Université Laval.

Un peu d'histoire

Les premiers balbutiements de ce groupe de puissances ont eu lieu en 1974, en pleine crise mondiale des prix du pétrole. À l'époque, le G5 réunit les États-Unis, le Japon, la France, l'Allemagne de l'Ouest et le Royaume-Uni.

L'année suivante, l'Italie rejoint le groupe et le premier sommet du G6 a lieu en France. L'inclusion du Canada, l'année suivante, mettra au monde le G7.

«Le sommet a été créé à l'époque de la guerre froide. Donc il y avait une nécessité pour les démocraties libérales d'avoir un forum où échanger véritablement entre elles», explique M. Bélanger.

Avant tout une plateforme de discussion informelle, le sommet permet aux grandes puissances économiques libérales de définir des objectifs communs dans des domaines comme l'économie, la sécurité internationale, l'éducation et l'environnement.

Le chancelier Kohl, François Mitterrand, John Major, George Bush, Brian Mulroney et Boris Eltsine lors du sommet du G7 le 6 juillet 1992 à Munich, en Allemagne.
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Le chancelier Kohl, François Mitterrand, John Major, George Bush, Brian Mulroney et Boris Eltsine lors du sommet du G7 le 6 juillet 1992 à Munich, en Allemagne.

«Dans les années 1990, on pouvait avoir l'impression que la démocratie libérale était partout dans le monde. Donc, avoir un club de démocraties libérales pouvait avoir l'air inutile», concède-t-il. Dès 1997, la Russie est même la bienvenue à la table, privilège qui sera suspendu en 2014 lors de la crise de Crimée.

Mais il estime que la montée récente de régimes populistes et autoritaires à travers le monde a redonné de l'importance au G7. «Le G7 redevient aujourd'hui davantage utile qu'il ne l'avait semblé après la brève période de l'après-guerre froide, la période de la démocratie libérale triomphante», croit-il.

Club informel

«La première particularité du G7 c'est que les leaders discutent seuls autour d'une table sans tout l'appareil formel et à l'abri des caméras, des regards et des oreilles», affirme M. Bélanger.

Selon lui, ce cadre «informel et intime» a l'avantage d'être plutôt imperméable aux hauts et aux bas de grandes institutions internationales comme l'Organisation mondiale du commerce ou l'Organisation des Nations Unies. «Ce sont des forums où ça devient difficile d'avoir des discussions productives lorsqu'il y a des blocages, pour toutes sortes de raisons», évoque-t-il.

Par comparaison, la formule du G7 semble plus facile à naviguer pour les leaders, notamment parce que les discussions ne sont pas accessibles aux médias.

Quels résultats?

Donc, le sommet donne lieu à de bonnes discussions. Mais est-ce que les bottines suivent les babines? En gros, ça dépend.

«C'est un lieu d'initiative. Ensuite, elles seront ou non couronnées de succès en fonction de la capacité des leaders à les faire fonctionner dans d'autres forums», répond M. Bélanger.

«Ce n'est pas complètement "canné"»Louis Bélanger

Il cite le Conseil de stabilité financière (CSF), créé en 1999 à l'initiative du G7, comme un exemple probant de ce que peut apporter le sommet.

Sous la présidence du Canadien Mark Carney, le CSF regroupe 26 autorités financières nationales et plusieurs organisations internationales, qui coopèrent pour une meilleure supervision des institutions financières autour du globe.

Mais Louis Bélanger concède que «la formule "sommet" est une formule qui demeure toujours assez légère». Les résultats concrets du sommet du G7 sont donc difficilement quantifiables.

Souvent, les avancées sont plutôt faites en amont du sommet, lors des nombreuses rencontres bilatérales entre les pays membres du G7.

«Ça oblige d'une certaine façon les leaders à se rencontrer face à face et à faire avancer leurs échanges et leurs relations. Et il n'y a pas véritablement d'autres mécanismes qui permettent ce type de contacts très directs», souligne l'expert.

Imprévisible Trump

Du propre aveu de M. Bélanger, il est «très rare» que le communiqué final du G7 comporte des surprises. Mais parfois, les silences parlent plus que les mots. Comme l'an passé au sommet de Taormina, en Italie, alors que les leaders n'ont pas été en mesure de s'entendre sur le phrasé de la traditionnelle déclaration finale.

«Ça donne une bonne idée de l'état des discussions et du niveau d'entente qui existe entre les leaders», juge-t-il. «Ce n'est pas complètement canné. C'est quand même possible d'utiliser ce sommet-là pour voir où il y a des points de convergence et où il y a des points de conflit.»

Et cette année, un impondérable pourrait venir brouiller les cartes à La Malbaie: le président américain Donald Trump.

Leah Millis / Reuters

«Trump est imprévisible. Comme on l'a souvent vu, il est capable de prendre des décisions politiques importantes et même de modifier ses opinions de façon radicale à la suite de discussions personnelles», rappelle l'universitaire.

«C'est quelqu'un qui veut, lorsqu'il est dans une pièce avec d'autres personnes, recevoir leur approbation. Il va souvent prendre des positions étonnantes dans des circonstances comme celles-là», croit M. Bélanger, ajoutant que Trump risque davantage de se faire «prendre au jeu du sommet» que d'autres leaders.

Le président risque notamment de subir les pressions des autres leaders dans des dossiers comme le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien et les politiques commerciales protectionnistes de son administration.

«Enfermer Donald Trump dans une pièce avec six autres personnes, on ne sait pas ce que ça peut produire. Avec d'autres politiciens, on sait que ça ne donnera rien. Mais avec lui, on ne peut rien exclure», conclut-il.

Faites vos jeux!

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