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Ultimatum aux sans-bras-de-distance du conseil d'ingérence de la broadcast canadienne

L'enjeu de la survie de Radio-Canada, ce n'est plus le silence, c'est évident. L'avenir parle fort, dit tout et n'importe quoi. L'enjeu, c'est de pouvoir entendre et voir ce qui se passe au-delà du bruit et de la neige dans l'écran.
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D'aussi loin que je me souvienne, chez mes grands-parents, la radio jouait dans toutes les pièces. Tout le temps. Tellement tout le temps que ça jouait même la nuit, allez savoir pourquoi. Fidèle au poste comme un ami bienveillant. J'y entendais des voix forgées par le métier, la curiosité et la conviction. J'étais convaincu, moi le ti-cul de Thetford, qu'il s'agissait d'amis proches qu'ils avaient connus étant jeunes, tellement mes grands-parents parlaient de ces voix avec affection. Je crois même que mon grand-père leur jasait ça le soir entre deux coups de circuit.

Vous allez rire, mais la vérité, c'est que mes grands-parents étaient pauvres et faisaient jouer la radio parce que comme ils disaient: «Tant qu'à payer pour, aussi bien que ça joue tout le temps». Peut-être aussi parce que quand ton homme est parti huit mois par année à Fermont pour chasser le chevreuil et les dettes, bien, tu as les amis que tu peux. Peut-être qu'à Fermont c'étaient les seuls sons qui te faisaient du bien après 10 heures de blast. Peut-être parce que, au fond, ils connaissaient bien le prix du silence. Ils l'avaient payé souvent celui-là: à l'école, à l'église, à l'armée, chez les sœurs grises, dans les champs, à la shop, à chaque lock-out, dans la chambre à coucher, au tribunal unilingue, au parlement.

À chaque soir où l'avenir ne veut rien dire, où l'avenir reste muet.

Ça leur appartenait cette radio. Ils en connaissaient le prix et chaque piasse qu'ils avaient mise faisait reculer un peu plus le silence. L'avenir pouvait enfin gazouiller, balbutier ses premiers mots, se nommer tranquillement.

Vous, vous connaissez bien ce prix. Le silence est dans votre plateforme, dans votre budget, dans votre langage. Le mystère, le secret, le silence jouent dans toutes les pièces de votre Chambre. Tout le temps. Vous avez envoyé vos manchots mettre du silence partout, des pions muets pour en fixer le prix. Ils hocheront leur tête de démembrés et jureront que s'ils avaient eu des bras, ils n'auraient pas mis leur nez partout. Vous avez envoyé vos manchots s'asseoir dans tous les conseils possibles et «potentables» pour projeter votre ombre et attendre comme des bombes à retardement.

Vous avez fixé le prix du silence par habitant: 29 dollars. Le prix de l'étouffement. Le prix d'une muselière. C'est aussi ça le prix du silence. C'est aussi ça le plan des manchots à cravate: un fond de bruit et de la neige dans l'écran. Étrangement, c'était au même prix qu'on payait les scabs à la journée en 49 pendant la grève de l'amiante. Dans la minute où mes grands-parents avaient entendu ça à la radio, ils étaient partis comme 5000 autres de Thetford-les-Mines avec de la bouffe et de quoi briser le silence. Ma grand-mère m'a dit que ça c'était même rendu jusqu'aux oreilles du pape.

Par habitant, il nous en coûterait le prix d'une paire d'écouteurs pour changer ça. Juste s'enlever les bouchons des oreilles et affronter notre siècle de bruit. L'enjeu, ce n'est plus le silence, c'est évident. L'avenir parle fort, dit tout et n'importe quoi. L'enjeu, c'est de pouvoir entendre et voir ce qui se passe au-delà du bruit et de la neige dans l'écran. Il nous faut un chef d'orchestre, un metteur en scène, un filtre, un phare.

Aujourd'hui, le silence siffle sur nos visages rougis par le vent et nos cœurs battent fort. Nous marchons dans ce siècle électrique, dans l'avenir qui veut se dire toujours et encore dans la nuit numérique. Nous partons à la recherche d'un navire. Tenez-vous-le pour dit : «Nous partons à la chasse aux manchots».

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