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Le deuil de notre système de santé

L'opinion du public sur notre système de santé a suivi les 5 phases du deuil: le déni, la colère, la négociation, la dépression, l'acceptation.
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Même si les raisons de s'indigner ne manquent pas, du moins en ce qui concerne notre système de santé, il semble plutôt que la résignation soit devenue l'apanage de notre population.

En réalité, depuis tant de décennies, toutes les mesures qui devaient régler les problèmes et toutes les tentatives de solutions ont été vouées à l'échec.

Lorsque le manque d'argent fut invoqué, on augmenta les budgets en santé, et tous ont cru que le problème se réglerait. Mais non! Alors ce fut la notion de pénurie de médecins, d'infirmières, etc. On attendit patiemment le temps nécessaire à l'arrivée de nouvelles cohortes, mais, ces sauveurs arrivés, le problème n'est toujours pas résolu. On appliqua des mesures de gestion, en apparence fort efficaces, aux règles d'opération des urgences et, encore là, ce fut un constat d'échec.

En réalité, l'opinion du public sur notre système de santé a suivi les 5 phases du deuil anticipé tel que définies par la psychiatre américaine Elizabeth Kübbler-Ross :

1) Le déni

Lorsqu'on vous annonce que vous souffrez d'une terrible maladie, le premier réflexe est le déni. On s'est trompé de diagnostic, ce n'est pas possible que ça m'arrive à moi, je n'y crois pas ; voilà ce qu'on entend très souvent. En ce qui concerne notre système de santé, le déni fait partie de notre quotidien. De tous temps, on nous a incité à croire que nous avons le meilleur système au monde. Même des délégations venaient, disait-on, d'un peu partout à travers la planète pour prendre des leçons de notre système de santé. Remarquez qu'aucun pays n'a copié notre modèle, mais nous avons persévéré à nous gargariser d'illusions comme si nous avions le plus meilleur système de santé.

2) La colère

Encore ici, à l'annonce d'une tragédie, la colère représente le deuxième réflexe le plus fréquent. Le raisonnement pourrait se résumer ainsi : c'est injuste, je n'ai rien fait pour m'attirer cela, la vie me fait une vacherie!

Malheureusement, en ce qui concerne notre disponibilité à contester, la colère n'est pas l'apanage du peuple québécois. De mon propre souvenir, la dernière fois que j'ai vu le bon peuple en colère fut le 17 mars 1955 alors qu'une rébellion éclata devant le Forum de Montréal suite à la décision de Clarence Campbell de suspendre Maurice Richard. La fois précédente fut la révolte des Patriotes en 1837.

Alors, attendre une manifestation de colère des Québécois face à leur système de santé est quelque peu utopique. D'autant plus que lorsqu'on réalise vraiment que le système fonctionne mal, on est souvent soit trop vieux ou trop malade pour organiser quelque manifestation que ce soit.

3) La négociation

Si pour ce qui est de la colère, nous faisons plutôt piètre figure, nous sommes par contre les champions de la négociation. La liste interminable des commissions d'enquête et la succession des ministres en titre nous fournissent, si tant est qu'il y ait besoin, la preuve de notre patience et de notre endurance en termes de négociation.

4) La dépression

Lorsqu'on se rend finalement compte qu'il n'est plus possible de renier la situation, que notre colère vis-à-vis celle-ci s'est révélée tout aussi inefficace que nos tentatives multiples de négociation, arrive un stade où nous réalisons notre impuissance à régler le problème. Il peut y avoir alors une certaine dépression. Cette dépression se fait sentir par un sentiment d'inaction.

En santé, la tactique fut assez simple, bien que son résultat fut des plus complexes. En somme, s'étant ingéré dans cette sphère de notre vie, l'État en vint à nous faire accepter que la santé et son système sont des plus complexes. Devant cette édification de la complexité, il devient plus facile de baisser les bras.

5) L'acceptation

Bien souvent, vous entendrez parler ici de résignation. Une fois que toutes les étapes précédentes ont été traversées, le patient en vient à se résigner à son sort. Pourtant, telle n'est pas la solution. Il y a toute une différence entre la résignation et l'acceptation. Dans la résignation, il ne reste que peu de place à l'action. Accepter le fait que notre système de santé en soit rendu à un tel niveau de coûts avec si peu d'accessibilité est une chose, se résigner à ce qu'il en soit toujours ainsi en est une autre.

Il est donc non seulement possible, mais hautement souhaitable de comprendre à quel point nous en avons peu pour notre argent, et que nous sommes en droit d'exiger plus en termes d'accessibilité aux soins de santé.

Mais pour ce faire, nous devrons accepter de changer les choses.

Des changements dans le chaos

Au moment d'écrire ces lignes, nous assistons enfin à des actions concrètes en vue d'un grand changement. Et nous y sommes tellement peu habitués qu'un tollé sans précédent risque toujours de forcer un retour au statu quo.

Il faut bien noter que ce mouvement de contestation au changement ne vient pas de la part du public ou des patients. Il vient essentiellement de ceux qui ont, de tout temps, tiré profit du système. Les médecins, les pharmaciens et les infirmières sont en effet montés aux barricades.

Quand formera-t-on enfin une structure qui donnera droit de parole aux patients? Si plusieurs ont utilisé jusqu'à ad nauseam le désir de placer le patient au centre du système, quand oserons-nous le placer à la tête du système?

Il faudra bien un jour que le patient puisse parler avec son ministre, lui soumettre ses doléances, ses besoins et ses suggestions. Il faudrait faire table rase de tous les comités existants pour faire place à un guichet unique qui laisserait le citoyen parler, et qui aurait son bureau tout près de celui du ministre pour favoriser une communication constante entre le patient et celui qui dirige le ministère.

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