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C'est un signe de notre époque un peu échevelée que le déroulement de l'affaire Jutra. Je me réjouis grandement des progrès qu'elle met en relief.
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C'est un signe de notre époque un peu échevelée que le déroulement de l'affaire Jutra. En moins d'une semaine, le cinéaste décédé en 1986 est passé d'icône culturelle respectée à un déchet de l'histoire que plus personne, avec raison, ne veut plus ni toucher ni voir.

Les révélations sur le passé pédéraste du cinéaste sont apparues dans l'espace médiatique la fin de semaine dernière. Le mercredi suivant, tout était fini. Le gala changera de nom, de même que le prix accordé aux meilleurs de nos cinéastes. Une petite mésentente subsiste sur la date du gala, que d'aucuns souhaiteraient reporter de quelques mois, mais tous s'entendent sur le sort réservé dans l'espace public à Claude Jutra. Les rues et places publiques seront rebaptisées, et on passera à autre chose.

L'éclair

Ce qui s'est passé depuis quelques jours à peine aurait été impensable il y a 40 ou 50 ans.

D'abord, à cette époque, les autorités contrôlaient davantage l'opinion publique et les outils pour influencer cette opinion étaient plus limités. Puis, le silence régnait encore beaucoup dans notre société à l'égard des autorités, certes, mais aussi des vedettes et des artistes. Leur vie réellement privée, on n'y touchait pas. Ça ne nous regardait pas, pensait-on.

Enfin, la médiatisation était très limitée. Une révélation sur la préférence sexuelle de Jutra envers les jeunes garçons ne se serait pas rendue dans les médias. À l'époque, les nouvelles «artistiques» sur la vie des vedettes ou sur les spectacles n'étaient pas des nouvelles. On préférait laisser cela à Écho-Vedettes.

Aujourd'hui, en 2016, rien de cela n'existe plus, heureusement. L'information est à la fois partout et instantanée. Les médias sont omniprésents et multiformes. L'information se répand à la vitesse de la lumière. Ce qui fait, en définitive, que le «procès» in absentia de Claude Jutra et son lynchage ont eu lieu à la vitesse de l'éclair.

Un réel progrès

À mon âge vénérable (71 ans), on pourrait croire que je regrette l'ancien temps de l'information. Il m'arrive certes de déplorer du travail journalistique bâclé, ou de regretter que des journalistes, manifestement, n'aient pas eu le temps de fouiller davantage leurs histoires. Qui bene amat bene castigat... Qui aime bien châtie bien, disaient les anciens Romains.

Je me réjouis grandement des progrès que l'affaire Jutra met en relief. D'abord, cette affaire nous dit que l'information est plus libre qu'il y a 40 ans, quand j'étais journaliste. Elle est plus libre et elle circule plus librement, grâce, notamment, à Internet et à la multiplication des plateformes de diffusion.

Deuxièmement, si nous avons connu une libéralisation des mœurs depuis 50 ans, il demeure que le comportement de Claude Jutra durant sa vie a fait l'objet d'une condamnation générale, au point que les hommes et femmes politiques n'ont pas procrastiné avant d'annoncer les changements que la situation exigeait. Le public ne l'aurait pas toléré.

Enfin, cet épisode démontre que, dans notre société, nous sommes encore capables d'une forte indignation collective face à des comportements immoraux ou amoraux dont notamment les enfants sont les victimes.

Si on ajoute à cela l'émoi créé récemment par l'exploitation sexuelle des jeunes fugueuses, on doit se réjouir de voir que notre société demeure saine. Voilà qui fait un bien immense.

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