Les communautés d'Oka et de Kanesatake, toujours profondément marquées par la crise qui a duré 78 jours, tentent de rebâtir les ponts entre elles, grâce à des cérémonies qui se tiennent 25 ans jour pour jour après le début du conflit.
Une centaine de personnes issues pour la plupart des deux communautés voisines de Kanesatake et d'Oka se sont réunies pour commémorer ces événements, là même où le conflit a éclaté il y a un quart de siècle, dans la forêt de la pinède d'Oka.
Les Mohawks de Kanesatake, pour qui cette forêt est sacrée, revendiquent toujours ce territoire. Le litige concernant ce terrain que la municipalité d'Oka voulait utiliser pour agrandir son terrain de golf n'est toujours pas réglé, même si le dossier progresse. D'un commun accord, Kanesatake et la municipalité d'Oka ont convenu, le 9 juillet dernier, de travailler à protéger définitivement la zone de la pinède.
Plusieurs personnalités, dont le grand chef de Kanesatake, Serge Simon, le chef de l'Assemblée des Premières Nations pour le Québec et le Labrador, Ghislain Picard, le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, et le maire d'Oka, Pascal Quevillon, étaient sur place pour souligner cet anniversaire.
Toutefois, une absence a été très remarquée : celle du gouvernement fédéral dont aucun représentant n'était présent, malgré les litiges territoriaux qui persistent.
« C'est ce genre d'absence qui fait que les esprits s'échauffent [...] et qui explique que les affrontements soient encore possibles », a réagi Ghislain Picard.
Des discussions sont néanmoins en cours avec Ottawa pour que ces terres de la Pinède appartenant à la Couronne soient enfin rendues aux Mohawks.
Un pas dans la bonne direction
Le maire Quevillon, qui a remercié toute la communauté de Kanesatake pour son invitation aux cérémonies, a eu droit à des applaudissements nourris lorsqu'il a fait mention justement de la collaboration de la Ville d'Oka et du conseil de bande.
« Le grand chef et moi, avec le soutien de nos conseils respectifs, avons pavé la route à un dialogue pour faire en sorte que la pinède soit préservée. »
— Pascal Quevillon, maire d'Oka
« Cette pinède qui nous est chère a une grande symbolique d'une part et d'autre, elle fait partie de qui nous sommes. Au-delà des différends, elle réunit deux cultures qui partagent un désir profond d'une saine cohabitation. Pour cela, il faut mieux dialoguer et nous sommes aujourd'hui dans la bonne direction », a ajouté le maire d'Oka.
Les événements qui se sont déroulés dans la pinède sont encore frais dans la mémoire de plusieurs personnes, a de son côté souligné Ghislain Picard. Ces événements ont, pour lui, mis en évidence non seulement sur le plan local, mais aussi national et international, « le fossé extrêmement profond qui nous sépare, qui sépare nos gouvernements, nos autorités, nos dirigeants d'avec ceux avec lesquels nous sommes appelés à collaborer ».
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Par sa présence à ces cérémonies, le chef Picard voulait démontrer aujourd'hui la même solidarité qu'il y a un quart de siècle à l'égard d'« une de nos nations soeurs qui a décidé de monter au front pour faire valoir des positions que nous défendons tous et toutes à travers le pays ».
Tous ont appris de cette crise, selon lui, qui a amené les communautés à travailler plus étroitement ensemble. Il a aussi salué le courage du grand chef Simon et du maire d'Oka.
« Cela prend le courage de même que la volonté parfois de seulement deux individus pour apporter ces ajustements et ce soutien pour que nous puissions nous rassembler malgré nos différences ».
Le grand chef de Kanesatake se réjouit, pour sa part que, pour la première fois, « nous avons un conseil unifié, qui n'a qu'un seul objectif en tête : améliorer la vie et les conditions des gens de Kanesatake (...) mais nous allons devoir avoir des partenaires, des Premières Nations, le niveau fédéral et provincial ». Le mandat de M. Simon a été reconduit en mai 2014, mais le conseil de bande, marqué par les dissidences, a été en grande partie renouvelé.
La soeur du caporal Lemay émue
La soeur du caporal Marcel Lemay, qui a perdu la vie lors de cette crise, était également présente aux cérémonies en matinée. Encore bouleversée par les événements, Francine Lemay estime qu'« il faut bâtir un avenir ensemble, en changeant nos mentalités ».
« On ne peut pas oublier tout ce qui s'est passé ici. J'ai subi une perte énorme, il n'y a rien qui peut la remplacer, mais de l'autre côte, si on ne se concentre pas seulement sur notre perte, on peut voir qu' il y a eu des pertes de ce côté-là aussi ».
Elle a raconté, émue, que lorsqu'elle est venue à Kanesatake, il y a cinq ans, un groupe a formé un cercle autour d'elle et ses membres lui ont offert leurs condoléances. « Pour moi, c'était vraiment le début d'un deuil véritable, de voir qu'eux autres aussi considéraient ma perte et aussi qu'ils avaient composé un chant pour ma famille ».