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Relance verte: les Québécois risquent de rester sur leur faim

Un sondage révèle qu'une majorité de Québécois souhaite une relance économique respectueuse de l'environnement. Mais un rapport du commissaire au développement durable jette le doute sur cette possibilité.
Construction engineers discussion with consultant people at construction site of highrise building with blueprints.
Sornranison Prakittrakoon via Getty Images
Construction engineers discussion with consultant people at construction site of highrise building with blueprints.

Alors qu’un sondage Léger laisse entendre que les Québécois souhaitent une relance verte après la crise de la COVID-19, le commissaire au développement durable déplore dans un nouveau rapport que les programmes d’aide gouvernementale ne tiennent pas compte de l’enjeu environnemental.

L’enquête réalisée pour le compte de plusieurs organismes écologistes suggère que l’opinion publique veut un plan de relance économique respectueux de l’environnement.

Le dévoilement de ce sondage arrive en plein débat sur le projet de loi 61, qui assouplit les règles pour réaliser plus rapidement des projets d’infrastructures, ce qui suscite l’inquiétude des partis d’opposition en ce qui a trait à l’enjeu environnemental.

Selon le sondage, pas moins de quatre répondants sur cinq veulent que le plan de relance du gouvernement caquiste en fasse au moins autant, sinon plus, dans la lutte aux changements climatiques et la protection de l’environnement.

Pas moins de 50 % des citoyens soutiennent que le gouvernement devrait en profiter pour en faire plus pour la lutte aux changements climatiques et la protection de l’environnement, tandis que 33 % affirment qu’il doit en faire autant, pour un total de 83 %.

En outre, un autre bloc de 82 % des interlocuteurs a dit être soit totalement en accord, soit plutôt en accord avec l’urgence d’agir pour lutter contre les changements climatiques et protéger l’environnement.

De même, les trois quarts des répondants affirment se percevoir comme des personnes très préoccupées par les problèmes environnementaux.

Pas de «signal clair»

Or, dans son rapport annuel 2020-2021, déposé mercredi à l’Assemblée nationale, le commissaire au développement durable Paul Lanoie constate que les centaines de programmes d’aide financière orchestrés par les ministères du gouvernement québécois ne tiennent pas compte de la question environnementale.

Tous ces programmes, qui représentaient 7,6 milliards $ de fonds publics en 2018-2019, pourraient servir de précieux leviers pour favoriser l’adoption de mesures de protection de l’environnement, fait valoir M. Lanoie.

Mais ce n’est pas le cas, peut-on lire dans le rapport de plus de 200 pages déposé par le commissaire, qui relève du Vérificateur général du Québec.

Le ministère de l’Environnement, dirigé par Benoit Charette, est pointé du doigt. Les gestes ne suivent pas les beaux discours.

Le premier ministre Legault a été interpellé à plusieurs reprises sur sa décision de ne pas inclure le ministre de l'Environnement Benoît Charette dans le comité spécial sur la relance économique post-pandémie. (Mario Beauregard/La Presse canadienne)
Mario Beauregard/La Presse canadienne
Le premier ministre Legault a été interpellé à plusieurs reprises sur sa décision de ne pas inclure le ministre de l'Environnement Benoît Charette dans le comité spécial sur la relance économique post-pandémie. (Mario Beauregard/La Presse canadienne)

Le gouvernement s’engage à utiliser des instruments économiques pour assurer une transition vers une économie verte et responsable, mais, dans les faits, le ministère de l’Environnement n’a pas mis en place “les conditions nécessaires” pour tirer profit de ces instruments.

Il reproche au ministère de ne pas avoir “envoyé de signal clair” à l’ensemble des autres ministères et organismes gouvernementaux, quant à leurs responsabilités en ce domaine. Ils ne sont tout simplement pas incités à intégrer des conditions pro-environnementales à leurs programmes d’aide financière.

Résultat: sur 106 ministères et organismes gouvernementaux dotés d’un plan d’action en développement durable, seulement cinq ont prévu inclure des conditions reliées à la protection de l’environnement pour accorder leur aide financière.

Qui plus est, ce laxisme de l’administration publique n’entraîne “aucune conséquence” pour les fautifs, note M. Lanoie dans son rapport.

“L’octroi de l’aide financière est rarement lié au respect des conditions environnementales.”

- Paul Lanoie, commissaire au développement durable

En agissant de la sorte, le gouvernement Legault se prive de “l’adhésion des citoyens et des entreprises aux pratiques de production et de consommation responsables”, une condition essentielle en vue d’atteindre ses objectifs en matière de développement durable.

“L’octroi de l’aide financière est rarement lié au respect des conditions environnementales”, conclut le commissaire Lanoie.

Parmi les lacunes identifiées, il déplore notamment le fait que Québec n’a pas développé le réflexe d’utiliser la fiscalité pour mieux protéger l’environnement, alors que les mesures fiscales pourraient s’avérer “avantageuses”.

Comparé à 36 pays de l’OCDE, le Québec est parmi ceux qui tirent le moins de recettes de taxes liées à l’environnement.

L’efficacité des rares mesures fiscales existantes n’est d’ailleurs pas évaluée au fil des ans.

Un exemple: la contribution des automobilistes au transport en commun, soit 30 $ par année, n’a pas été revue depuis 1992.

Le gouvernement s’est aussi donné comme objectif de réduire de 40 % sa consommation de produits pétroliers de 2013 à 2030. Or, la taxe en vigueur sur les carburants n’a pas permis d’infléchir la consommation d’essence. Au contraire, durant cette période, elle a augmenté de 24 %.

Pendant ce temps, la vente de véhicules énergivores ne cesse d’augmenter. Au Québec, les ventes de gros véhicules (mini-fourgonnettes, véhicules utilitaires sport, camions) représentaient 62 % des ventes totales de véhicules neufs en 2018.

Des nuances à comprendre

La Stratégie gouvernementale de développement durable 2015-2020 visait pourtant une utilisation accrue de l’écofiscalité, de l’écoconditionnalité et de l’écoresponsabilité, conformément à la Loi sur le développement durable.

Il appert que cette stratégie “manque de précision”, a commenté M. Lanoie, en conférence de presse. Personne ne semble capable d’indiquer clairement aux divers ministères “la contribution attendue” d’eux sur le plan de la protection de l’environnement.

L’écoconditionnalité consiste à rendre l’aide financière gouvernementale conditionnelle au respect d’exigences environnementales.

L’écoresponsabilité vise plutôt à promouvoir des pratiques favorables à la protection de l’environnement.

Enfin, l’écofiscalité désigne des mesures économiques visant à limiter l’impact sur l’environnement, comme l’application du principe de pollueur-payeur.

Le sondage web de Léger a été réalisé du 29 mai au 2 juin dernier auprès de 1000 Québécois, avec pondération des résultats selon de nombreux facteurs, âge, sexe, langue, entre autres, afin de rendre l’échantillon représentatif de la population.

La marge d’erreur pour un échantillon d’un sondage probabiliste équivalent serait de plus ou moins 3,1 %, 19 fois 20.

Avec La Presse canadienne

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