ÉDUCATION - Après l'effort, le réconfort? Non, après l'école, les devoirs. Ils sont un passage obligé pour tout élève français. Pour apprendre, il faut réviser et s'entraîner seul chez soi. Les devoirs sont dans l'idéal, un facteur de réussite, et, dans la réalité, un facteur d'inégalité. Seuls 6% des collégiens reçoivent "systématiquement" l'aide de leurs parents, selon un sondage OpinionWay de 2016.
La donne va changer pour les collégiens après les vacances de la Toussaint 2017. Avec le programme "Devoirs faits", proposé par le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer en mai dernier, les collégiens pourront faire leurs devoirs au sein de leur établissement, et ce gratuitement.
Dans le secondaire, les jeunes Français passent environ 5 heures par semaine sur leurs devoirs à la maison. C'est tout pile dans la moyenne des pays de l'OCDE. Cela représente une quantité bien moindre que dans certains pays (près de 10 heures par semaine en Russie, 14 heures en Chine).
Mais si les devoirs représentent vraiment une source d'inégalités, pourquoi ne pas tout simplement les supprimer ou du moins les réduire a minima? Des pays ont fait ce choix et ce n'est pas forcément un rêve éveillé pour les élèves.
En Finlande, le temps libre est roi
L'exemple le plus souvent évoqué est celui de la Finlande. Non seulement les écoliers finlandais peuvent attendre sept ans pour commencer l'école mais en plus, ils ont très peu (ou pas) de devoirs à faire en rentrant chez eux le soir. Les plus jeunes n'en ont tout simplement pas et devront attendre l'adolescence (environ 16 ans) pour devoir s'y mettre, comme le souligne le New York Times.
"Ils n'ont pas de devoir. Ils doivent avoir plus de temps pour être des enfants, pour être jeunes, pour profiter de la vie", expliquait à propos des plus jeunes écoliers Krista Kiuru, ancienne ministre de l'Education finlandaise, au réalisateur Michael Moore dans son documentaire "Where Do We Invade Next", pour lequel il parcourt le globe à la recherche d'idées innovantes à ramener aux Etats-Unis. Il demande ainsi, surpris, à une enseignante: "mais alors, ils font quoi? Ils grimpent aux arbres?" "Oui, ils peuvent grimper aux arbres, mais peut-être qu'ils vont découvrir de nouveaux insectes et qu'ils vont m'en parler en classe le lendemain", répond-elle du tac au tac.
Cette absence ou quasi-absence de devoirs n'est que l'un des aspects étonnants du système éducatif finlandais. Les classes comptent peu d'élèves. Les établissements n'entrent pas en compétition et le concept de "bonne école" n'existe pas. Les tests et examens n'existent pas, sauf à la fin du lycée. Les classements non plus. Les notes sont quasi-inexistantes. Les vacances d'été durent 10 ou 11 semaines et le nombre de cours par an est de 190. Le temps passé chaque jour en classe est bien moindre qu'en France: une vingtaine d'heures par semaine en primaire.
Résultat pour la Finlande: ça marche et plutôt très bien. Le système finlandais est d'ailleurs souvent cité comme étant le meilleur en Europe. Et pour cause, le pays réalise régulièrement le meilleur score aux tests Pisa de l'OCDE qui évaluent tous les trois ans le niveau des élèves de 15 ans aux quatre coins du monde.
En Corée du Sud, pas de devoirs mais pas de vie non plus
Autre exemple, à l'opposé du modèle finlandais cette fois, de système scolaire qui ne fait pas la part belle aux devoirs. Mais pour une raison totalement différente: les élèves sud-coréens passent tellement de temps en classe ou en cours privés qu'il ne leur reste plus de temps pour rien. Le site de la BBC décrit par exemple le cas de Hye-Min Park, 16 ans, qui se lève à 6h30 pour aller à l'école à 8h, finit à 16h-17h, passe rapidement chez elle pour manger puis commence sa deuxième journée avec des leçons de 18h à 21h. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle peut faire des devoirs. Donc forcément pas beaucoup (même si elle en fait pendant deux heures).
En moyenne, les élèves sud-coréens étudient 50 heures par semaine. Donc si la Corée du Sud est le deuxième pays, derrière la Finlande, à donner peu de devoirs (2,8 heures par semaine en moyenne), ce n'est que l'arbre qui cache la forêt.
Pour la Corée du Sud, ce système autoritaire, compétitif, marqué par la pression de la performance, porte ses fruits. En termes de statistiques du moins, puisqu'ils sont certes des champions de la réussite scolaire, les élèves font partie des moins heureux de l'OCDE.
Des exemples isolés aux Etats-Unis et en France
Aux Etats-Unis, quelques écoles ont elles aussi tenté l'exercice. C'est par exemple le cas de cette école primaire de Floride qui, propose à chacun de ses élèves de lire pendant 20 minutes chaque soir le livre de leur choix.
C'est aussi le cas de cette école primaire du Massachussets, l'Essex Elementary School, qui tient à ce que ses élèves passent plus de temps à jouer ou à se détendre en famille. "Nous espérons que nos étudiants ressentent moins la pression et ont plus de temps pour s'impliquer dans d'autres activités et passions à l'extérieur de l'école", explique auprès du Boston Globe la professeure Emily Dwyer. Comme pour l'école de Floride, les enseignants encouragent toutefois leurs élèves à lire le soir.
En France une école a ouvert à la rentrée dernière avec un modèle complètement différent de ce que l'on connaît. À Bihotza, dans le Pays basque, les élèves font ce qu'ils veulent, quand ils veulent. Et évidemment, ils n'ont pas de devoirs. Pour la directrice de l'école, Émilie Mendieta, ce n'est en rien nécessaire à leur réussite. Il faudra attendre quelques années pour voir si l'évolution de ses élèves lui donne raison.
Les devoirs ne sont pas la clé de la réussite
Les devoirs écrits sont interdits en primaire depuis 1956 en France. Théoriquement, seuls des devoirs oraux (lecture ou recherche) sont autorisés. Mais les devoirs écrits n'ont pourtant jamais vraiment disparu et font toujours l'objet de vifs débats dans le pays. En octobre 2012, 68% des Français se disaient opposés à la fin des devoirs scolaires à la maison. En Finlande, les plus jeunes enfants peuvent être récupérés dès 14h par leurs parents. Les autres, qui ne rentrent chez eux qu'en fin d'après-midi, peuvent participer à des activités sportives ou artistiques qui sont payées par l'Etat et qui ont lieu au sein de l'école ou dans un centre communautaire, rapporte le média québécois L'Actualité.
En octobre 2016, l'association ZupdeCo demandait même à supprimer les devoirs à la maison au collège. À travers son manifeste intitulé "Dites non aux devoirs à la maison, oui aux devoirs à l'école", cette association imaginait une école plus équitable, exacerbant moins les inégalités ou encore causant moins de stress pour les enfants comme pour les parents.
Selon des chercheurs australiens, trop de temps passé à faire ses devoirs, au pire réduit le taux de réussite scolaire, au mieux ne l'améliore pas. Mais pour d'autres, comme le professeur de psychologie Harris Cooper, il existe une corrélation positive entre les devoirs à la maison et la réussite de l'élève, surtout à partir de la 5ème. Mais là encore, difficile de savoir si c'est le temps passé à travailler chez soi qui accroît la réussite ou si c'est tout simplement que ceux qui ont de meilleurs résultats sont de plus gros bosseurs.
Alors que faire? Si le programme "Devoirs faits" permet d'encadrer des collégiens qui ne sont pas en mesure d'obtenir de l'aide de leurs parents, on est encore loin d'une remise en question de l'essence même des devoirs à la maison. Et si cette idée devenait un projet, encore faudrait-il pouvoir proposer, comme en Finlande, d'autres activités pour que les élèves ne soient pas totalement livrés à eux-mêmes en fin de journée.
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