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La reprise de Syrte à l'État islamique ne signifie pas la fin du chaos en Libye

L'État islamique n'étant implanté à Syrte que depuis 2015, ce n'est donc pas lui qui a provoqué une anarchie libyenne ayant commencé en 2011, mais les milices salafistes de Tripoli et celles des Frères musulmans de Misrata.
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Prenant acte de la reprise de Syrte à l'État islamique pour le nouveau Gouvernement d'Union nationale en Libye, l'émissaire des Nations unies pour la Libye, Martin Kobler, s'est déclaré «impressionné» par les «progrès rapides» des pro-GNA à Syrte, le 11 juin 2016.

Mais de là à tourner la page du chaos libyen, ce serait faire preuve d'une grande naïveté...

De fait, «les groupes qui se battent contre l'EI à Syrte sont des milices illégitimes, loyales à un gouvernement illégitime», avait dénoncé la veille un porte-parole des pro-Haftar, Ahmed al-Mesmari.

Tandis que le chef du GNA, Fayez al-Sarraj appelait «toutes les forces militaires à s'unir face à l'ennemi commun et à rejoindre les forces victorieuses (de la bataille de Syrte)» qui «assiègent l'EI dans un réduit où il n'a plus d'autre option que de mourir».

L'État islamique est un commode «ennemi de confort» permettant d'éviter de désigner les vrais responsables du chaos

À l'instar de l'Africaniste Bernard Lugan, on arguera volontiers que l'État islamique est un commode «ennemi de confort» permettant d'éviter de désigner les vrais responsables du chaos.

L'État islamique n'étant implanté à Syrte que depuis 2015, ce n'est donc pas lui qui a provoqué une anarchie libyenne ayant commencé en 2011, mais les milices salafistes de Tripoli et celles des Frères musulmans de Misrata.

Or, soutenus militairement tout à la fois par Ankara, par Doha, l'Union européenne et Washington, ceux qui sont somme toute à l'origine du chaos, viennent assurément de se refaire une vertu auprès de la Communauté internationale en chassant de Syrte un État islamique qu'ils avaient pourtant longtemps toléré...

Or on le sait, la Libye se retrouve scindée entre ses trois grandes composantes historiques que sont la Tripolitaine à l'Ouest, la Cyrénaïque à l'Est et le Fezzan au Sud.

Entre 2014 et 2015, deux gouvernements s'affrontaient. L'un, islamiste, en Tripolitaine, l'autre plus proche du nationalisme arabe en Cyrénaïque.

Mais devant la montée de l'État islamique et les conséquences migratoires de la dislocation libyenne, les Occidentaux ont encouragé la mise en place d'un gouvernement d'Union nationale, formé en janvier 2016 et installé à Tripoli en mars 2016....

Quoi qu'il en soit, on est toujours à la recherche du successeur de Khadafi, celui-ci avait pourtant réussi la prouesse de répartir équitablement la manne pétrolière entre ces tribus, tout en la redistribuant en infrastructures et biens publics de sorte à garantir la paix sociale, regrette Caroline Galacteros, dans son Blog Bouger les lignes

Dans ce contexte, l'Algérie tend à soutenir le gouvernement de Tripolitaine, non par proximité idéologique avec les Frères musulmans, mais davantage pour pouvoir tenir sa frontière de l'Est.

L'Égypte appuie la Cyrénaïque pour la même raison. Le président égyptien apprécie le nationalisme arabe et la relative laïcité du général Haftar, un futur Maréchal Abdel Fattah Al-Sissi sans doute.

Et Moscou continue à armer et soutenir la nouvelle armée libyenne du général Haftar, même si cette dernière apparaît affaiblie par les avancées des forces armées du gouvernement d'Union nationale, mais elle contrôle pour autant à ce jour la majeure partie de la Cyrénaïque, précise l'experte en géopolitique Caroline Galacteros.

Toute pacification de la Libye passe par le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux actuellement tenus à l'écart du processus politique

On l'aura compris, toute pacification de la Libye passe assurément par le rééquilibrage entre les vrais acteurs tribaux actuellement tenus à l'écart du processus politique, et ces acteurs secondaires que la communauté internationale s'obstine à vouloir installer au pouvoir à travers le gouvernement dit d'Union nationale dominé par Misrata et placé à la merci de ses milices, peste Bernard Lugan.

Et Mohamed Ould Abdel Aziz, le président de la Mauritanie de conclure:

«La crise libyenne a permis de quintupler les capacités militaires des terroristes qui se sont servis en armement et en équipements dans l'arsenal de Kadhafi. C'est une catastrophe pour la région au même titre que toutes ces révolutions arabes qui se sont produites».

«En pensant que des États laïques et démocratiques verraient le jour, que les dictateurs disparaîtraient. Et finalement, c'est pire. La situation est dramatique, elle s'est répandue au-delà de ces États et a touché l'Europe. Je ne privilégie pas les dictateurs, mais, entre deux maux, il faut toujours choisir le moindre. Si la Syrie n'avait pas été déstabilisée, il n'y aurait certainement pas eu d'attentats en France» avait-il confié à l'Opinion.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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