Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Résistances et postures dans la lutte contre Trump

Donald Trump est le symptôme d'une grande maladie qu'il faut traiter sérieusement.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Trump est un danger pour les Américains qui ne font pas partie du 1% les plus riches, un danger pour la planète et il est la marionnette du complexe militaro-industriel.
Kevin Lamarque / Reuters
Trump est un danger pour les Américains qui ne font pas partie du 1% les plus riches, un danger pour la planète et il est la marionnette du complexe militaro-industriel.

Récemment le New York Times a publié un entretien avec Noam Chomsky. Le journal l'avait autrefois (1979) qualifié d'intellectuel le plus important au monde, mais il ne lui donne pas souvent l'occasion de s'exprimer. Chomsky disait l'essentiel en ce qui concerne le désastre d'une présidence Trump, à savoir que le président et son parti mettaient la planète en danger et que, d'autre part, le risque de guerre nucléaire était accru. Chomsky dit souvent, ailleurs, que le parti républicain est l'organisation la plus dangereuse de l'histoire humaine et si la première réaction est de penser : quoi de plus dangereux qu'Hitler ou Staline? On comprend que cela signifie que ce parti est tellement anti-règlementation écologique que la planète pourrait disparaître. Aucune complaisance pour Trump le casseur, mais un désir de comprendre ceux qui se sont fait berner par la rhétorique frauduleuse du candidat.

À la fin de son entretien, il s'exprime sur ce qu'il est convenu d'appeler le russiagate, l'histoire de l'intervention, réelle ou supposée, dans la campagne électorale américaine. Chomsky dit que les effets de l'intervention sont quasi-indétectables alors que les effets des interventions du monde des affaires est lui massif et négatif, mais ne fait pas partie du débat public. Il ajoute que les États-Unis ont fait bien pire que ce qui est reproché à la Russie dans leur histoire, y compris vis-à-vis de cette même Russie.

Il y a là une position progressiste cohérente : opposition systémique à Trump et à tous ceux qui l'ont rendu et le rendent possible, jumelée à un effort de compréhension de ceux qui parmi les exclus ont voté pour lui. Ces exclus ne sont pas cependant la majorité des électeurs de Trump lesquels font plutôt partie des classes favorisées.

Cette position tranche cependant avec tout un tas d'oppositions plutôt superficielles à Trump. Parmi celles-ci, citons les médias, tels CNN ou MSNBC qui ont choisi de réduire leur opposition à Trump à l'intervention russe. Rachel Maddow s'est fait une spécialité de cette réduction aux relents maccarthystes. S'il est important de savoir ce qui s'est passé lors de la campagne, il est important aussi de ne pas oublier que les deux candidats ont cherché des informations compromettantes pour détruire la crédibilité de l'autre. Et les deux ont été chercher leurs infos et leur boue, pour partie, en Russie. Dans le cas de Clinton, il s'agit du dossier Steele.

Les médias américains avaient contribué à la victoire de Trump en le traitant en formidable numéro de cirque, ils lui avaient offert des heures de publicité gratuite, bien plus qu'à Sanders qu'ils diabolisaient, par exemple.

Les médias américains avaient contribué à la victoire de Trump en le traitant en formidable numéro de cirque, ils lui avaient offert des heures de publicité gratuite, bien plus qu'à Sanders qu'ils diabolisaient, par exemple. Maintenant tous les grands médias sont en opposition apparente à Trump, mais ils soignent leur audience grâce au numéro de cirque permanent que Trump alimente par ses tweets et les démonstrations de son ignorance des dossiers. Dans ce petit jeu, Trump a déjà montré qu'il était gagnant, car la détestation des médias est plus forte encore que celle du personnel politique.

Les médias, qui étaient sûrs de la victoire de Clinton et de la raison sur le bateleur, n'ont pas intégré la leçon que le fact checking, nécessaire évidemment, ne pouvait pas grand-chose contre un maître de la manipulation dans la société du spectacle. Il arrive aussi aux médias qui attaquent les fake news de pratiquer les fake news eux-mêmes. Le Washington Post a lancé des attaques injustifiées visant certains sites alternatifs de gauche accusés d'être des propagandistes de la Russie (ProOrNot). Le New York Times a mis des mois pour admettre que le dossier des agences de renseignement publié en janvier n'avait pas été rédigé par 17 agences, mais 3 seulement (plus le DNI). Les services secrets font fuiter (illégalement) les infos publiées par les grands médias et il est légitime de se méfier de leur influence et de leurs mensonges aujourd'hui bien documentés.

Clinton était l'amie de Wall Street et de l'Arabie saoudite, ce qui explique, pour partie, la désaffection à son égard.

Les émissions satiriques à la télévision focalisent sur le personnage Trump, sa chevelure, ses outrances verbales et son ignorance. Ignorance crasse, certes, et dangereuse, mais qui ne l'a pas empêché d'arriver au pouvoir, car elle est un symptôme d'une plus vaste maladie américaine qu'il s'agit d'appréhender de façon systémique. La longue dérive droitière du parti républicain qui a commencé au début des années 60 fait d'Eisenhower un quasi-gauchiste, par exemple lorsqu'il met en garde contre le complexe militaro-industriel. Le parti démocrate a couru après la droite et le financement des millionnaires et milliardaires en délaissant ceux qui, depuis le New Deal, étaient sa base électorale. Clinton était l'amie de Wall Street et de l'Arabie saoudite, ce qui explique, pour partie, la désaffection à son égard.

De nombreux groupes sont fort légitimement opposés à Trump le raciste, sexiste, xénophobe, pollueur, mais ils ne peuvent espérer gagner contre lui, et contre tout le parti hyperréactionnaire qui met la planète en danger qu'en formant ce que Jesse Jackson, le leader afro-américain avait appelé une coalition arc-en-ciel. Cela suppose que la critique quitte le superficiel, le personnel et ne soit pas que juridique.

Que la Russie espionne ou pas (elle espionne, bien sûr, comme le fait la NSA partout dans le monde et depuis l'ambassade américaine à deux pas de l'Élysée) n'est donc pas le sujet le plus important. Les États-Unis ont d'énormes problèmes internes à traiter qui sont plus importants que les poubelles fouillées par les deux candidats durant l'élection.

Un problème politique important est le soi-disant nettoyage des listes électorales pour éliminer des fraudeurs, mais en fait des électeurs surtout noirs ou des minorités. À elle seule, cette fraude explique la défaite de Clinton. Cependant, les libéraux des médias et le parti démocrate se focalisent sur la Russie, l'agent extérieur au lieu de se regarder dans le miroir. Le mot néolibéralisme n'apparaît pas dans leurs analyses, mais Poutine prend toute la place.

On sait que la campagne Clinton était chaotique et que la proximité avec les milieux d'affaires des époux Clinton rebutait beaucoup d'électeurs, y compris parmi ceux qui avaient voté Obama. Les démocrates pensent éviter un examen de conscience, se dédouaner de toute responsabilité dans leur échec ou plutôt leurs échecs, car au niveau local ils sont en déroute, en accusant la Russie. Bizarrement, cela donne une image de puissance extraordinaire à ce pays qui ne dépense pour sa défense que 10% de ce que dépensent les États-Unis et dont l'économie n'est pas vraiment au beau fixe.

C'est la stratégie Saddam Hussein : celui qui avait été soutenu par l'Occident fut soudain déclaré un danger mondial, en 1990 on disait qu'il avait la 4 armée du monde et 2003 qu'il avait des armes de destruction massive. En somme, le petit tyran sanguinaire local avait été promu diable global qu'il fallait détruire pour sauver le monde. Le tyran était bien un tyran, mais il n'avait ni le pouvoir ni les armes pour menacer les États-Unis. Triomphe de la propagande qui n'a pas besoin de feu pour faire de l'enfumage.

Trump est un danger pour les Américains qui ne font pas partie du 1% les plus riches, un danger pour la planète et il est la marionnette du complexe militaro-industriel.

Trump est un danger pour les Américains qui ne font pas partie du 1% les plus riches, un danger pour la planète et il est la marionnette du complexe militaro-industriel et, à ce titre, il pourrait devenir un docteur Folamour qui déclenche une guerre nucléaire avec la Russie (à la suite d'une provocation polonaise, par exemple). Mais il est le symptôme d'une grande maladie qu'il faut traiter sérieusement. Maladie qui comprend les dérives de la société du spectacle, de la télé-réalité, de la culture de l'excès et du triomphe de l'oligarchie sur la démocratie.

La stratégie de diabolisation de Saddam Hussein, un vrai tyran par ailleurs, a conduit à la catastrophe. Ne voir que Poutine est derrière les multiples problèmes électoraux, politiques et sociologiques des États-Unis est un tour de passe-passe qui risque d'aboutir à une destitution de Trump le clown et à l'accession au pouvoir de Pence le quasi-fasciste lisse à la tête d'une armée victorieuse de républicains dinosaures. Les résistances qui restent ancrées dans la société du spectacle ne conduisent qu'à des changements de personnages, pas de politiques. Le maccarthysme des démocrates libéraux est une impasse qui ne sauvera ni le parti démocrate ni les États-Unis qui sont pris dans une crise très grave.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.