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Rêver le métro : Le SLR, qu'ossa donne?

Le SLR, qu'ossa donne?
Caisse de dépôt et placement du Québec

» Ce texte a été publié dans le cadre de «Rêver le métro», une vaste analyse de données qui s'est penchée sur la question du prolongement des lignes de métro à Montréal. Consultez le dossier au complet ici.

Annoncé comme le projet de transport en commun le plus important depuis 50 ans, le système léger sur rail (SLR) de la Caisse de dépôt et placement du Québec suscite l'engouement général. En reliant plusieurs axes de transport importants, la Caisse estime qu’elle sera en mesure d’attirer 150 000 personnes sur ce nouveau réseau qui devrait coûter 5,5 milliards de dollars.

« La Caisse n’avait pas le mandat de régler les problèmes de mobilité sur l’ensemble de l’île. Mais elle a trouvé une solution imaginative et rapide. Je pensais qu’on ferait le pont Champlain et qu’on étudierait le reste après. Mais non, ils arrivent avec une solution d’ici 2020. On n’avait pas vu ça dans notre boule de crystal » avait déclaré Philippe Schnobb, président de la Société de transport de Montréal (STM), dans une entrevue antérieure accordée au Huffington Post Québec.

Même son de cloche du côté de l’organisme Transport 2000. « Le mandat initial c’était le SLR sur le pont Champlain et le lien entre l’aéroport et le centre-ville de Montréal. Ce que la Caisse nous propose aujourd’hui c’est une vision beaucoup plus globale pour inclure l’ouest de l’île, c’est une belle approche et ça leur garantit de l’achalandage», se réjouit François Pépin, président de l’organisme.

Certaines voix se sont tout de même élevées, dénonçant le fait que l’essentiel des 24 stations et 67 kilomètres du réseau ne desserviront que l'ouest de l'île. Les données analysées par le Huffington Post Québec prouvent que même s'il ne réglera pas tous les problèmes de mobilité des Montréalais, le SLR demeure un projet incontournable pour diminuer la congestion routière.

Beaucoup de voitures en moins sur les routes

La Caisse n’a pas caché son ambition de se servir de son projet pour encourager le développement économique de la région métropolitaine. Si l’est de Montréal attend depuis longtemps le prolongement de la ligne bleue pour stimuler sa propre croissance, la décision d’aller dans l’ouest se justifie.

Les branches proposées vers Deux-Montagnes et Sainte-Anne-de-Bellevue s’intègreront aisément au futur Réseau électrique métropolitain (REM), qui avait comme mandat initial de devoir assurer un lien entre l’aéroport de Montréal et le pont Champlain. Ces deux secteurs attendent depuis 1978 une meilleure alternative de transport que la voie réservée d’autobus mise en place à cette époque, et qui devait être temporaire. Avec ce nouveau système de transport collectif, les chances sont que plus d’automobilistes de cette région de la métropole soient tentés de changer leurs habitudes de déplacement.

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La congestion routière est un fléau qui ne cesse de prendre de l’expansion. Selon la plus récente étude du ministère des Transports du Québec à ce sujet, publiée en 2014, les coûts liés à la congestion étaient évalués à 1,9 milliard de dollars, ce qui correspond à une augmentation de 30% depuis l’étude précédente, réalisée 5 ans plus tôt. Il y a donc un gain économique clair à aller chercher de ce côté.

Les données de l’enquête Origine-Destination produite par l’Agence métropolitaine de transport (AMT) en 2013 révèlent que non moins de 75% des gens de l’Ouest de l’île utilisent l’automobile pour se rendre vers le centre-ville et vers l’arrondissement de Saint-Laurent, soit les deux secteurs vers lesquels convergent le plus grand nombre de travailleurs aux heures de pointe.

En comparaison, dans l’est de Montréal, ce n’est que 50% de la population qui utilise l’automobile pour se déplacer à l’heure de pointe vers le centre-ville et Ahuntsic, les deux principales destinations hors de leur propre secteur.

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Les données de l’AMT révèlent aussi que l’ouest montréalais est le secteur de l’île où l’utilisation du transport en commun pour aller au centre-ville est la plus faible. « Il y a donc un potentiel plus grand pour aller chercher de nouveaux utilisateurs et arriver avec des achalandages intéressants», analyse François Pépin.

Le président de la STM, Phillippe Schnobb, entrevoit déjà cette transformation des adeptes de l’automobile en usagers du transport en commun, déclarant que le SLR « va régler une bonne partie des problèmes de mobilité ». Notamment parce que « les gens dans l’ouest vont venir au centre-ville en transport collectif plutôt qu’en auto. Ça va améliorer la situation de l’engorgement ».

L'aéroport relié intelligemment

C’est aussi l’offre entre le centre-ville et l’aéroport qui sera bonifiée par le REM. C’est la ligne d’autobus 747 qui assurait jusqu’à présent ce rôle. « [Même] si on aime bien la 747, parfois on se demande si on va arriver à l’heure », admet Philippe Schnobb, content de voir un nouvel accès rapide vers l’aéroport pour la métropole.

Pour François Pépin, de Transport 2000, c’est en surpassant son mandat initial que la Caisse a évité de commettre le même faux pas qu’à Toronto. La Ville-Reine possède une ligne dédiée à son aéroport, le plus gros du pays, mais elle manque d’achalandage. À Montréal, la ligne d’autobus 747 connaît un achalandage quotidien d’environ 3000 passagers, ce qui serait insuffisant pour justifier un projet lui étant uniquement destiné.

M. Pépin estime qu’en mélangeant les navettes aéroportuaires à la déserte de transport collectif, comme le fait d’ailleurs la «Canada Line» à Vancouver, « on jumelle les besoins et on obtient un niveau d’achalandage suffisant pour maintenir un service attrayant ».

Petite vérification des chiffres

Les coûts annoncés par la Caisse de dépôt et placement du Québec sont assez semblables, quoiqu’un peu inférieurs, à ceux présentés par Metrolinx, l’agence gouvernementale en charge du transport public dans la région de Toronto, pour ses trois projets de train léger présentement en construction.

Avec un coût total estimé à 5,5 milliards, le projet de SLR de la Caisse correspond à un investissement de 82 millions par kilomètre. Les coûts pour les lignes Sheppard East et Flinch West, à Toronto, sont respectivement de 85 et 100 millions par kilomètre. Pour la ligne Eglinton Crosstown, même en enlevant les coûts liés à la portion souterraine du projet, on arrive à un montant de 125 millions par kilomètre.

Le coût plus faible du projet de Montréal peut possiblement être expliqué par le fait que près de la moitié du trajet proposé - 12 des 24 stations et 30 des 67 kilomètres - correspond à l’actuelle ligne de trains de banlieue Deux-Montagnes.

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Des stations importantes, mais sans garantie

Tel que proposé dans sa première phase de construction, le SLR offre un accès à deux importantes destinations, soit l’arrondissement de Saint-Laurent ainsi que le sud du centre-ville via la Gare centrale et la ligne orange.

Ce n’est que lors d’une deuxième phase que le REM pourrait être relié aux stations Édouard-Montpetit et McGill, connectant ainsi le futur réseau aux lignes bleue et verte. On aura donc accès à de nouvelles destinations achalandées, comme le pôle hospitalier autour de l’Université de Montréal et le nord du centre-ville.

Pour Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en Ville, « même si ça semble compliqué d’un point de vue technique, on perd beaucoup d’avantages sans ces morceaux, qui viendraient donner des options de transport à des milliers de personnes à Montréal ».

François Pépin voit lui aussi l’apport que ces stations intermodales apporteraient au projet. Il donne en exemple les usagers de la Rive-Sud qui « arrivent au 1000 de la Gauchetière et s’arrêtent là, alors qu’on pourrait leur ouvrir d’autres bassins de destination en les branchant sur un réseau plus étendu. »

Christian Savard, qui se dit tout de même globalement optimiste face au projet, déplore que sans ces stations, «on a un service plus le fun dans l’ouest, mais ça reste le même service. Il manque quelques réponses pour être 100% enthousiastes».

Un outil de développement ou de mobilité

Si l’aspect du développement économique a joué un rôle important dans la conception du projet de la Caisse de dépôt et placement, cela ne devrait pas être la principale motivation, selon Alon Levy, qui tient le blogue spécialisé en transport «Pedestrian Observations» et qui est mathématicien de profession.

Dans un récent billet portant sur le transport à New York, celui-ci estime que les grandes villes de pays industrialisés aux faibles taux de croissance démographique ne peuvent motiver cette logique. Il préconise plutôt des prolongements suivant les axes de transport existant vers des secteurs avec une plus grande densité de population afin de favoriser au mieux la mobilité de la population actuelle.

Si on analyse les transports avec cette autre prémisse en tête, on notera que 60% plus de travailleurs venant de l’est que de l’ouest convergent vers le centre de la ville, indiquant une plus forte densité d’utilisateurs potentiels dans la première zone que dans la seconde.

Il est vrai que le prolongement du métro vers Montmorency a encouragé la croissance dans ce secteur. Toutefois, Alon Levy rappelle, en se référant pour sa part à un prolongement du métro de Vancouver, « que même ces taux de croissance ne sont pas comparables à ceux que l’on peut observer dans les villes de pays en développement ».

La croissance démographique annuelle y est souvent trois à cinq fois plus élevée qu’à Montréal, et est accompagnée de taux de croissance du revenu par habitant encore plus significatif.

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