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Russie: les raisons de la colère

Frappé par des sanctions économiques sans précédent, le pays de Vladimir Poutine a décrété un «embargo total» sur une partie des produits alimentaires européens et américains. Dans la presse occidentale on semble trouver que Moscou ne manque pas d'air.
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La Russie organise sa riposte. Frappé par des sanctions économiques sans précédent, le pays de Vladimir Poutine a décrété un "embargo total" sur une partie des produits alimentaires européens et américains. Dans la presse occidentale, si l'on n'est pas surpris par ce retour de bâton, on semble toutefois trouver que Moscou ne manque pas d'air. On en voudrait presque au Kremlin de ne pas se laisser faire, de ne pas accepter bras ballants son châtiment. C'est oublier un peu vite que si pour Washington et Bruxelles la Russie est le coupable idéal, cette dernière s'estime dans son bon droit, et n'a peut-être pas tout à fait tort.

Et si Poutine n'avait pas de " véritable stratégie" en Ukraine?

La crise ukrainienne n'en finit pas, et semble prendre une tournure chaque jour plus toxique. Pourtant, si la situation n'a rien de rassurant, on ne peut pas dire que son traitement médiatique contribue à calmer le jeu. Il ne se passe pas un jour sans que les journaux/sites d'information de notre côté du monde n'attisent un certain sentiment d'insécurité, prêtant des intentions peu louables à la Russie.

Dernier scoop en date: 15.000, puis finalement non, 20.000 soldats feraient le pied de grue, "prêts au combat", à la frontière entre l'Ukraine et la Russie. Et qu'importe que Moscou ait démenti, arguant de l'impossibilité de déplacer autant d'hommes et de matériel en un temps si court, au nez et à la barbe des observateurs de l'OSCE. Sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, faute d'informations précises et sûres, on se contentera de suppositions.

Le problème, c'est que comme souvent depuis le début du conflit, dès lors qu'il y a supposition, c'est souvent celle du pire. Vladimir Poutine n'est pas tout à fait un saint, personne ne le conteste, mais enfin ce n'est pas Gengis Khan non plus. Son intention n'a jamais été de coloniser l'Ukraine couteau entre les dents, malgré ce qu'on semble en penser dans les chancelleries de l'Ouest.

Dans un entretien accordé à France Inter, Vladimir Fédorovski, écrivain et diplomate russe d'origine ukrainienne, confie que, selon lui, "Poutine n'a pas de véritable stratégie en Ukraine". La formule peut surprendre, paraître osée. Elle prend le contrepied de la tendance générale consistant à dépeindre le président russe comme un Machiavel en puissance, ayant toujours plusieurs coups d'avance. De fait, elle comporte sans doute une part de vérité.

Si l'on veut bien rembobiner un peu le fil de l'histoire, on se rend compte que l'origine de la crise ukrainienne est à chercher du côté de l'accord de libre-échange proposé au pays de Porochenko (à l'époque celui de Ianoukovitch) par l'Union européenne. Souhaitant "libérer l'Ukraine de l'orbite russe" (comme si elle était empêtrée dans la mâchoire d'un piège à loup), l'UE lui "tend la main", l'air de dire "signe, et ton calvaire prendra fin". L'ex-république soviétique a fini par signer. C'était en juin dernier. Las, son calvaire ne faisait que commencer.

Car en présentant de facto la Russie comme un tortionnaire, et en ne daignant même pas inviter Moscou à la table des négociations, l'UE, appuyée par Washington, a orchestré elle-même la polarisation du monde qui prévaut aujourd'hui. Les manoeuvres du Kremlin dans ce conflit ne sont effectivement pas les gages d'une "stratégie" visant à mettre en coupe réglée l'Ukraine, mais de simples ripostes. La Russie n'est pas contre l'Occident, elle œuvre juste pour la protection de ses intérêts, dont beaucoup sont liés à l'Ukraine, oui.

Ukraine - Russie, deux pays historiquement liés

Depuis la dislocation de l'URSS, la Russie en a fini avec la vampirisation des pays voisins. L'impérialisme n'est plus son truc, ce qui ne l'empêche pourtant pas d'entretenir des rapports privilégiés avec les anciens pays du bloc de l'Est. Rapports économiques, bien sûr, mais aussi culturels et historiques.

L'Ukraine, pays comportant une grande proportion de russophones, a toujours plus ou moins été en cheville avec la Russie. La Crimée par exemple, en rejoignant de façon controversée la Fédération de Russie, n'a après tout fait que se ramarrer au pays auquel elle appartenait, avant l'effondrement de l'URSS, depuis le XVIIIe siècle.

Si l'on peut reprocher à Moscou d'avoir validé un peu trop vite le souhait de cette ancienne province de l'URSS de faire sécession de l'Ukraine pour battre de nouveau pavillon russe, on est aussi obligé d'admettre que Poutine a par ailleurs voulu faire bonne mesure: les demandes émanant d'autres ex-provinces russes ont été refusées par le Kremlin. L'idée de la Russie, encore une fois, est moins de remettre le grappin sur ses anciens pays satellites que d'empêcher l'Occident de le faire. Peut-on le lui reprocher? Que diraient les États-Unis si, demain, la Russie prétendant faire basculer le Mexique dans son giron?

Fragilisée par l'élargissement de l'OTAN à l'Est, la Russie aimerait assez, n'en déplaise à l'UE et aux États-Unis, ne pas se retrouver isolée, coupée de ses partenaires commerciaux historiques. Le pays a beau être immense, il ne s'en sent pas moins menacé par les percées occidentales sur son flanc ouest.

Appliquer la loi du talion en répondant aux sanctions économiques par des sanctions économiques n'était sans doute pas la meilleure chose à faire. La Russie est coutumière du fait, mais à part une paupérisation des populations, ce genre de stratégie n'a que peu d'effets. Reste qu'il était inconcevable pour Moscou d'accepter sans réagir la "punition" occidentale. Ça aurait été perçu comme un aveu de culpabilité, or dans cette affaire la Russie s'envisage davantage comme la victime. En se mettant trente secondes à sa place, on est obligé d'admettre qu'elle a ses raisons, et qu'elles ne sont pas insensées.

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