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Sauvageau Sauvageau : Un corps tendu et des yeux doux

L'expression géniale de son immense sensibilité n'a pas suffi à le maintenir en vie. Son œuvre inachevée demeure toutefois. Et le spectacle de Christian Lapointe se transforme en un hommage à la vie, un cri de douleur qui doit être entendu.
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Qu'un garçon de 24 ans s'enlève la vie par désespoir est un acte scandaleux pour tous ceux qui regrettent ce jeune âge, ou qui savent que la vie va se retourner et apporter de bonnes choses, ou encore qu'il est possible - même si c'est difficile - de se débarrasser de ses démons intérieurs et d'aborder la vie autrement. Car cet acte définitif ne connaît pas de retour. Et il prend une tournure plus tragique encore lorsqu'il concerne un jeune homme brillant et courageux dans ses créations, qui a marqué le théâtre québécois des années 60.

Yves Hébert, alias Sauvageau, né en 1946, s'adonna très jeune au théâtre en fondant une troupe théâtrale, en remportant des prix, en interprétant des rôles et en écrivant plusieurs œuvres fortes. Habité d'un génie dramatique, il est resté dans les mémoires de certains comme un auteur avant-gardiste plein de promesses, mais qui ne s'est pas donné le temps d'épanouir son talent. Et pour les autres, le spectacle Sauvageau Sauvageau se charge de le faire mieux connaître.

Sauvageau Sauvageau © Photo Valérie Remise

La mise en scène de Christian Lapointe, qui a adapté l'œuvre d'Yves Sauvageau pour les dialogues, offre un spectacle remuant et touchant. Deux acteurs jumeaux - à la fois identiques et opposés - sur une scène. L'atmosphère en noir et blanc des projections des années 60. Un diaporama où défilent des clichés de Sauvageau de sa naissance à sa mort en passant par la scène; son écriture manuscrite nerveuse et ses phrases assassines ou pleines d'amour insaisissable. Une musique originale de David Giguère entendue sur un piano sans interprète ou animé par un fantôme invisible... Un portrait photographique géant de ce jeune homme souriant, mais aux yeux tellement tristes.

Gabriel Szabo dans le rôle de Sauvageau jeune, juste avant son suicide, est remarquable. Il entre en dialogue avec son double ou sa conscience. Paul Savoie - né le même mois et la même année que Sauvageau - tient aussi le même rôle, mais à l'âge qu'il aurait aujourd'hui s'il ne s'était pas suicidé en 1970.

Le spectateur est directement mis en contact avec l'énorme boule de douleur, rongeante et insoutenable, qui remplissait le tourmenté Sauvageau, mais qu'il avait le génie d'exprimer et qui émane de ses textes. Je sourirai même mort, dit-il. Je produis assez de bruit avec mon cerveau, je ne m'entends plus... J'ai peur, je m'excuse d'être... Mes bougies achèvent, bientôt elles brûleront mes petits doigts fanés... Je veux dormir, rien de plus. Ne surtout pas rêver... Et je me suis tué pour me retrouver...

L'expression géniale de son immense sensibilité n'a pas suffi à le maintenir en vie. Son œuvre inachevée demeure toutefois. Et le spectacle de Christian Lapointe se transforme en un hommage à la vie, un cri de douleur qui doit être entendu.

Sauvageau Sauvageau du 22 septembre au 10 octobre 2015 au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui (CTD'A)

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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