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Je suis séparée de mon copain américain depuis 5 mois. Et pour combien de temps encore?

L’amour, ce n’est pas du tourisme.
Jonathan Knowles via Getty Images

Je veux d’abord mentionner que je suis totalement en accord avec le fait que les frontières entre le Canada et les États-Unis soient fermées, en ce moment, surtout en voyant la très mauvaise gestion de la pandémie dans ce pays. Malgré tout, voici mon histoire, vécue aussi par plusieurs autres, alors que nous sommes pris dans un roman sans fin.

Je peux dire que ça a été le coup de foudre quand je l’ai vu presque chavirer en kayak à notre première date. Tyler vient du Maine. J’habite à Thetford Mines. La frontière nous sépare, mais au final, nous sommes seulement à 1h30 de route l’un de l’autre.

Ça fait deux ans que nous sommes ensemble, et depuis juillet 2018, nous avons vécu notre lot de péripéties et d’adaptations. J’ai entre autres dû apprendre à ma mère des verbes en anglais et expliquer à mon chum comment bien dire «homard» en français (pour ne pas qu’il y en ait dans mes sushis à cause de mon intolérance)! Qui aurait cru qu’un jour je sortirais avec un Américain et que je remercierais encore et encore mes parents de m’avoir envoyée au primaire en anglais?!

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à propositions@huffpost.com et consulter tous les témoignages que nous avons publiés.

Quand mon copain est parti de chez moi le lundi 16 mars pour retourner chez lui, je ne savais pas que c’était un au revoir pour au moins cinq mois (et sans doute plus...). Après la fermeture des frontières, j’étais triste, mais pas encore démolie, parce qu’il y avait toujours une certaine lueur d’espoir. J’ai fait comme tout bon Québécois et je me suis isolée, j’ai suivi les nouvelles, j’ai commencé à porter le masque, etc.

La frontière Canada-États-Unis était initialement fermée jusqu’au 21 avril. Je me doutais fort bien que la date allait être repoussée, alors on a attendu, encore. Nouvelle date: 21 mai. On avait quand même beaucoup d’espoir (quand même, deux mois, c’est bien assez!), et non...

Tranquillement, mes espoirs se sont transformés en rage et en tristesse. Nous étions censés partir au Portugal pour deux semaines en juillet pour nos vacances, ça a fini qu’on a les deux regardé les quatre murs de nos logements respectifs. On est rendu en août et maintenant, «les experts» estiment que les frontières ne rouvriront pas avant le milieu de l’année 2021.

“Nous avons des projets de vie ensemble même si nous ne sommes pas mariés”

Pendant ce temps, le gouvernement s’en lave les mains en disant que depuis début juin, les mariés et conjoints de fait peuvent se voir. Et les jeunes couples comme le mien? Ça fait deux ans que nous sommes ensemble, on est où dans ça? Nous avons des projets de vie ensemble même si nous ne sommes pas mariés, mais nous n’avons aucune reconnaissance de la part du gouvernement.

Il serait techniquement possible d’aller aux États-Unis par avion, mais j’ai un travail à temps plein, mon copain aussi, et des paiements à assumer à la fin du mois. Quelqu’un a 700$ pour un billet d’avion? Et en plus, il faudrait que je m’isole 14 jours en quarantaine après un voyage d’une semaine? Ridicule, à mon avis.

Je répète, je suis en accord avec la fermeture de la frontière pour prévenir la propagation du virus, mais je suis déçue de voir que le gouvernement nous dise simplement que nous devons tous faire des sacrifices dans le contexte de la pandémie. En tout cas, moi, je n’ai pas vu grand monde faire le sacrifice de ne pas voir l’être aimé pendant cinq mois (sauf certains travailleurs de la santé qui se sont isolés plusieurs semaines pour protéger leur famille, mille mercis pour votre dévouement).

Mon but n’est pas de jouer à la victime ici. Mon but est de faire entendre ma voix pour que le gouvernement se décide à faire bouger les choses pour les personnes qui sont, comme moi, prises au piège. Ces personnes qui, comme moi, aimeraient serrer leur amoureux ou leur amoureuse dans leurs bras et enfin pouvoir avoir un certain sentiment de tranquillité. Alors pour tous ceux qui portent un jugement, allez-y, mais sachez que plusieurs personnes, malgré qu’elles soient bien conscientes de la gravité de la pandémie, souffrent profondément.

L’amour, ce n’est pas du tourisme.

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