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David Hogg: dénoncer les injustices pour ne pas en devenir complice

Le militant et survivant de la tuerie de Parkland se prononce sur l’opposition au registre québécois des armes à feu, la haine contre les minorités et la polarisation en politique.
David Hogg, qui est l'un des visages du mouvement pour un meilleur contrôle des armes aux États-Unis, était de passage à Québec le 19 février 2019 pour parler de l'importance des mouvements citoyens.
Voltaic Photo
David Hogg, qui est l'un des visages du mouvement pour un meilleur contrôle des armes aux États-Unis, était de passage à Québec le 19 février 2019 pour parler de l'importance des mouvements citoyens.

QUÉBEC - Il y a un peu plus d'un an, David Hogg était réfugié dans une salle de classe de son école secondaire à Parkland, en Floride, ne sachant pas s'il allait y laisser sa vie. Il a finalement été épargné, mais le tireur dans son école a fait 17 morts.

Depuis, ce jeune homme de 18 ans est devenu l'un des visages de la lutte pour un meilleur contrôle des armes à feu aux États-Unis et mène un combat sans merci contre le puissant lobby de la National Rifle Association. Il est aussi l'un des instigateurs de la marche «March For Our Lives».

David Hogg aux côtés de son acolyte et ex-collègue de classe Emma Gonzalez. Les deux sont ciblés par des mouvements ultra-conservateurs aux États-Unis en raison de la force de leur mouvement.
La Presse canadienne
David Hogg aux côtés de son acolyte et ex-collègue de classe Emma Gonzalez. Les deux sont ciblés par des mouvements ultra-conservateurs aux États-Unis en raison de la force de leur mouvement.

Le HuffPost Québec s'est entretenu en exclusivité avec David Hogg, qui était de passage aux Rencontres Action jeunesse à Québec, sur l'opposition au registre québécois des armes à feu, la haine contre les minorités et la polarisation en politique.

Même si notre situation au Québec n'est pas comparable à celle des États-Unis en termes de violences liées aux armes à feu, il y a une résistance bien réelle ici à l'endroit d'un registre des armes à feu obligatoire selon la loi. À peu près le quart des détenteurs d'armes seulement acceptent de s'y conformer.

Quel est votre message pour ces gens qui refusent de s'inscrire à ce registre?

Un peu plus de tracas vaut la peine pour sauver la vie d'une seule personne, n'est-ce pas? Et même si vous croyez que vous ne serez pas affecté, que ça ne s'applique pas à vous parce que rien ne pourrait arriver, c'est un travail nécessaire pour sauver des vies dans le processus. Quelques inconvénients valent bien la peine pour s'assurer que quelqu'un n'aura pas à souffrir du vide immense créé par la mort d'un enfant ou d'un proche.

L'idée n'est pas de retirer les armes à quiconque, mais c'est de faire de la prévention. C'est de sauver des vies de toutes les façons possibles. C'est correct de discréditer le registre et de tout de même s'enregistrer pour s'assurer que les personnes qui ne devraient pas en avoir n'en aient pas en leur possession. Mais ce qui n'est pas correct, c'est de ne pas proposer une autre solution. Ce qui est encore pire, c'est de ne rien faire et de laisser un autre enfant mourir d'une tragédie qui aurait pu être prévenue.

Lors de votre allocution ici, vous avez aussi mentionné l'attentat à la mosquée de Québec. À votre avis, il ne faut pas avoir peur des mots et il faut dire haut et fort qu'il s'agit d'un crime haineux. Pourquoi avez-vous senti la nécessité de le préciser?

Quand des gens sont tués spécifiquement en raison de leur religion, de leur ethnicité ou de leur race, c'est un crime haineux. Un point, c'est tout. Si vous allez spécifiquement dans un lieu de culte et vous visez ces personnes, c'est un crime haineux. Ce n'est pas juste un autre fait divers.

Il faut comprendre que les gens ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas. La seule façon d'éradiquer cette peur et de mettre fin à ces crimes haineux est d'éduquer la population. De se parler. De parler à ces groupes sur lesquels on a parfois des idées préconçues. Et ces personnes vont dissiper leurs stéréotypes parce qu'en réalité, ces idées préconçues ne sont pas fondées.

L'Assemblée nationale a tenu une minute de silence en l'honneur des victimes de la tuerie de la mosquée de Québec. David Hogg est d'avis qu'il faut parler d'un crime haineux sans détour.
La Presse canadienne
L'Assemblée nationale a tenu une minute de silence en l'honneur des victimes de la tuerie de la mosquée de Québec. David Hogg est d'avis qu'il faut parler d'un crime haineux sans détour.

Notre premier ministre, François Legault, a dit récemment qu'il n'y a pas d'islamophobie au Québec. Il a tenté de rectifier le tir le lendemain en disant qu'il n'y a pas de «courant islamophobe» au Québec. Que pensez-vous de ses propos?

Je pense que la chose la plus importante à faire, d'un point de vue de leadership et d'un point de vue politique, est de reconnaître un problème afin de le résoudre. Même si vous dites que l'islamophobie n'existe pas, ça ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Vous ne l'avez peut-être pas vécue, parce que vous n'êtes pas un musulman.

Ce qu'il faut faire est d'aller sur le terrain et de parler aux personnes affectées dans le groupe en question, comme la communauté musulmane au Québec, et de leur demander comment ils ont été traités. Mais surtout, il faut les écouter comme leader, comme être humain - pas comme un politicien qui cherche juste à marquer des points.

Pensez-vous qu'il y a une certaine gêne de certains politiciens à nommer le racisme?

Je me souviens d'avoir lu ceci quelque part: «Dans une société raciste, ce n'est pas assez de ne pas être raciste, nous devons être antiraciste.» (Angela Davis, militante américaine des droits de l'homme)

En gros, nous devons tous être contre la haine et l'oppression, même si nous ne sommes pas nous-mêmes affectés par l'oppression. Si nous ne sommes pas contre l'oppression, nous faisons partie de cette oppression, même si nous pensons le contraire.

La polarisation dans l'opinion publique est bien réelle au Canada aussi. Ici, deux visions s'affrontent lors de contre-manifestations à Ottawa sur les pipelines, le 19 février 2019.
La Presse canadienne
La polarisation dans l'opinion publique est bien réelle au Canada aussi. Ici, deux visions s'affrontent lors de contre-manifestations à Ottawa sur les pipelines, le 19 février 2019.

Finalement, nous sommes en année électorale au Canada et nous voyons de plus en plus une polarisation dans l'opinion publique. Les gens sont divisés plus que jamais. Quel serait votre message aux politiciens et aux électeurs canadiens?

Je leur transmettrais le même message que je transmets aux politiciens américains: tout d'abord, arrêtez de vous pointer du doigt et commencez à vous attaquer à ces sources du mal dans leur ensemble. Ne blâmez pas les gens qui font en sorte que d'autres vivent dans des milieux ségrégués. Commencez à vous attaquer à la ségrégation. Ne blâmez pas les individus pour leur inaction en matière de contrôle des armes à feu. Commencez à vous demander pourquoi il y a de la violence par les armes à feu.

Nous avons besoin de leaders qui unissent, au lieu de diviser pour mieux régner. Tant et aussi longtemps que les individus qui forment le gouvernement continueront de se battre entre eux au lieu de s'unir et d'unir le peuple, il n'y aura jamais de progrès.

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