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La St-Jean-Baptiste de 1968: la répression et les détentions (3/4)

On en est plus aux civilités. Quelques policiers arrivés en renforts sont armés de longues matraques de bois, malheureusement, dans la majorité des cas, celles-ci, se fracassent lors des combats. Les manifestants, ou ceux qui le deviennent, sont armés de meilleurs bâtons et quelques policiers auront droit à des côtes, des jambes et des bras cassés.
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Souvenirs de la Saint-Jean-Baptiste de 1968 se veut une chronique sans prétention, en quatre épisodes: les préparatifs ou l'art de ne pas être prêt; l'éclatement et la stupeur; la répression et les détentions; et, finalement, les conséquences à court et long termes.

Les renforts arrivent de partout. Les policiers qui habituellement répondent aux appels, sont envoyés dans la mêlée. Ils seront assistés par tous ceux qui arrivent de congé ou devant commencer à minuit. Ce qui revient à dire que tout ce qui bouge, rampe ou se traine est ici devant le monstre incontrôlable qu'est devenue la foule.

Il y a longtemps maintenant que les édiles sont en sécurité. Les policiers ayant servi de bouclier devant l'estrade d'honneur peuvent maintenant donner libre cours à leur colère. Ils sont demeurés stoïques tout le temps ou ils devaient protéger le maire et sa suite. C'est maintenant la charge. Une seule constante, plus personne n'écoute les consignes des officiers supérieurs. Les seuls habilités à donner des ordres sont les sergents, grands frères fonçant au front avec les hommes.

On en est plus aux civilités. Quelques policiers arrivés en renforts sont armés de longues matraques de bois, malheureusement, dans la majorité des cas, celles-ci, se fracassent lors des combats. Les manifestants, ou ceux qui le deviennent, sont armés de meilleurs bâtons et quelques policiers auront droit à des côtes, des jambes et des bras cassés. Des hommes venus en voiture de police se retrouvent bien malgré eux, à l'envers. Ils sont secourus au prix de violents affrontements. Devant la foule déchainée, les forces de l'ordre se transforment en force du désordre. Les paniers à salade se remplissent sans arrêt, les transports se font avec rudesse et hargne.

Au poste 4, plus de cent policiers sont à l'œuvre pour accueillir les prisonniers. Bastonnades, bousculades, violence. Les arrivants apeurés s'engouffrent dans le poste, au sortir des paniers à salade. Ils ont droit sans exception au régime de terreur instauré par des hommes arrivant eux aussi du front. Ce qui en reste est passé aux renforts ayant eu l'horreur d'observer avec une colère non retenue, leurs confrères blessés, ramenés par la même porte que les détenus*. Les officiers grisonnants comprennent qu'ils n'ont que peu de pouvoirs sur ces hommes au regard fermé. Ils font de leur mieux, pour contenir la rage se propageant comme une trainée de poudre. Le directeur du poste finira par craquer et partira en dépression.

Le billet se poursuit après la galerie

Quelques images de la St-Jean-Baptiste de 1968

La nuit, en sera une d'épouvante. Des détenus ensanglantés, entassés à vingt par cellules. Il y en aura dans les couloirs attenants et jusqu'à la porte principale. Il s'y passera des scènes délirantes: coups de feu accidentels, policiers armés de mitraillettes et fusils de chasse accoudés aux fenêtres, détenus battus, laissés à l'état de pantins. Ici, un jeune est reconnu par un policier blessé, son crime: avoir participé à renverser une voiture de police dont il était occupant. Il aura une sentence douloureuse et immédiate. Plus loin, un autre ose défier du regard, il en sera quitte pour deux dents en moins. Les rumeurs ont libre cours, des policiers ont trouvé la mort, en fait ce n'est pas faux. Un capitaine de police sera victime d'une crise cardiaque. Les informations n'arrivent que par des postes de radio et le bouche à oreilles, tout est accueilli par une nouvelle tournée de brasse-camarade.

Cette façon de faire n'était pas la meilleure, ni la plus légale. Souvenons-nous, nous étions dans les années soixante dans un poste de police du centre-ville ayant une longue habitude du sang et des bagarres.

Tout le monde y passera à un degré plus ou moins grand. La fête se terminera dans le sang et la confusion. Au matin, les policiers auront enfin procédé aux arrestations, photos et bertillonnage. Le nombre de gueules en coin sera considérable. Quand ceux qui prendront la relève se pointeront au poste, ils verront dans les yeux des policiers finissants, l'indicible regard d'une horreur certaine.

La poussière prendrait des années à redescendre et pas totalement.

Prochain blogue: les conséquences à court et long termes

* Les directives du département de police étaient claires : lors d'une blessure, le policier blessé doit obligatoirement passer par le poste de police, avant de se rendre à l'hôpital. Tout ça, pour de la paperasse administrative.

Cette histoire est racontée au complet dans La nuit des désillusions (Libre édition Claude Aubin)

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