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Star Wars: de la problématique de la production cinématographique actuelle

Au-delà des menaces d'uniformisation bien réelles et d'une dévalorisation de la création dite nationale, il y a aussi et surtout l'échec cinématographique et artistique quepeut représenter aujourd'hui.
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Que Star Wars participe à l'impérialisme culturel américain, Antoine Robitaille a raison de le souligner et d'en élaborer les contours pernicieux dans son article du 28 décembre.

Cependant, au-delà des menaces d'uniformisation bien réelles et d'une dévalorisation de la création dite nationale, il y a aussi et surtout l'échec cinématographique et artistique que Star Wars peut représenter aujourd'hui -et par extension une majorité de grandes productions actuelles, notamment par le biais de la dernière trilogie et de la nouvelle qui s'amorce à peine, c'est-à-dire une certaine façon de faire du cinéma, ou plutôt de ne pas en faire...

Utilisation excessive et inintéressante d'effets visuels, uniformisation de la réalisation dans les productions, miser sur la «répétition des motifs» et la nostalgie, nécessité de remplir le cahier de charges pour faire plaisir «aux fans», prise de risque artistique faiblarde ou absente, là est bien la plaie générale de la cinématographie post-moderne.

Prenons le premier épisode de la trilogie récente, Star Wars, La menace fantôme, il fut l'un des premiers films à utiliser les images de synthèse et le tournage avec fond vert de manière outrancière et omniprésente, et ce fut un désastre d'une laideur abyssale sur 3 films; les acteurs se promenant dans de vastes et pixélisés fonds d'écran futuriste, alors que le tout est souvent bêtement filmé en champ/contrechamp, et qu'un côté clinique/impersonnel s'en dégage.

Si dans Le Réveil de la Force il y a moins d'effets visuels numériques et un recourt à davantage d'effets mécaniques, de même que l'utilisation de décors réels, il demeure qu'il y a du numérique dans presque chaque plan. C'est malheureusement aussi le cas dans une majorité des films actuels de science-fiction, fantasy, et même d'action. Un digne représentant de cette tendance est Jurassic World qui ne semble pas comprendre qu'à trop montrer, c'est comme ne rien montrer du tout, et que du numérique «en plein jour» est des plus risqué et laid. Parlant de Jurrasic World, c'est ironiquement dans cet univers que George Lucas débuta justement à imposer les images de synthèses à tout Hollywood, soit dans Jurrasic Park de Steven Spielberg.

Mais attention, une surenchère d'effets visuels n'est pas un argument en soi qui discrédite la qualité d'un film; ce n'est pas tant l'outil en tant que tel qui est mauvais, mais bien sa mauvaise utilisation-manipulation. Des films comme Blade Runner ou plus récemment Sunshine sont bourrés d'effets visuels et spéciaux, et pourtant cela n'en fait pas de mauvais films, car ses effets servent d'abord la mise en scène.

Écrivant alors sur le cas d'Avatar, le blogue Multa Paucis souligne fort justement ceci: «Alors certes on pourra se dire que tout cela est fort joli [les effets visuels], [...] sauf que revient toujours le moment [...] où l'on devrait s'attendre à un peu de matière filmique, soit de l'expression artistique passant par la caméra, le montage, l'échelle de plan... ici ce ne sont que de larges mouvements de caméra précalculés en fonction des story-boardeurs et des artisans des effets visuels pour en jeter le plus possible, et rien de plus.» Il poursuit: «Nous sommes bien à l'«ère geek» du design, de la HD et du photo-réalisme à tout crin. La vraisemblance, le design et son rendu, sont devenus des valeurs artistiques en soi, des qualités.»

Aujourd'hui, «des qualités», c'est également l'assurance qu'un film marchera en termes de recettes. Cependant, ni la tendance quantitative des blockbusters, remakes, suites et antépisodes en salles, ni l'avenue du «tout en 3D» ne semblent avoir su recréer le sentiment de «grand soir» chez les spectateurs. Mais qu'importe, les studios continuent d'étirer la sauce, encore et encore. Il s'agit de répéter un schéma et entretenir une ou des franchises; comme le fait présentement à merveille Marvel, à nous pondre, année après année, plusieurs films presque identiques, en terme de structure scénaristique et de réalisation impersonnelle. Et le plus triste, dans ce perpétuel festival de remakes et de franchises, ce n'est pas seulement l'industrie qui y trouve son compte, mais certainement aussi le spectateur, qui en redemande bien souvent.

Le Réveil de la Force n'échappe pas à la règle, celui-ci qui n'est d'autre qu'un remake presque scène par scène du premier épisode de la saga, Un nouvel espoir, et ne fonctionne qu'au respirateur artificiel, en s'abreuvant d'un lustre du passé.

Et alors survient l'inévitable: l'émotion est absente ou alors n'existe qu'en rapport à un Autre. Le scénario lui-même ne semble du coup, outre l'effet de remake incessant, ne faire aucun mystère de rien: les twists se sentent deux kilomètres à l'avance. Malgré les enjeux dramatiques du film, le nombre hallucinant de morts et de batailles, on regarde tout cela d'un regard détaché, sans qu'aucune (mais alors aucune) émotion, sans qu'aucun bouleversement n'ait lieu. Dans ce triste aboutissement, il y a à chercher du côté de la mise en scène. Si le tout est filmé de manière plus dynamique que lors de la précédente trilogie et que certains plans sont composés de belle manière, plusieurs scènes majeures sont filmées assez platement. C'est le cas d'une scène importante sur un pont où une scène de dialogue est filmée en laidissime champ/contrechamp, en gros plan ou presque, mais quelle misère...artistique! L'une des scènes les plus mythique et iconique du film est tourné comme un banal dialogue de la série Les Experts...

Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'au final, au-delà des partis-pris de direction artistique, dans le cas de SW7, la volonté de revenir à un film «en dur» avec «moins d'effets numériques», le film serait presque exactement mis en scène de la même manière s'il était réalisé par un autre réalisateur au service des producteurs.

Aseptisée et lisse, semblant être produite «en usine», aux plans souvent trop court ou alors trop long, et servi par un montage des plus fonctionnels ou alors illisible; la mise en scène dans les mégas productions, de manière générale, a malheureusement perdu de son éclat.

Co-écrit avec Yann Boromus, du site Matière Focale.

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