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Stéphanie Boulay assume sa vulnérabilité

Dans son premier album solo, «Ce que je te donne ne disparaît pas», l'artiste expose des côtés moins reluisants de sa personnalité et son désir de changement.
CARAZ

Dans son premier album solo, Ce que je te donne ne disparaît pas, Stéphanie Boulay se montre sous un jour plus vulnérable que jamais, assumant son sentiment d'insuffisance et d'inadéquation, ainsi que le désir de changer pour son neveu, le bébé de sa sœur Mélanie.

Voilà peut-être pourquoi elle trouve les mots si justes pour se glisser dans la peau d'un jeune garçon qui ne supporte plus le carcan que la société lui impose et qui est déjà épuisé d'être lui-même. Anatole qui ne séchait jamais est un album pour enfants éclatant de couleurs, fort de sa vérité, de sa fragilité, de sa candeur et de l'amour qui émane de chaque page.

Tu proposes cet automne un album de musique, un album jeunesse et une nouvelle littéraire dans le collectif Monstres et fantômes. Ressentais-tu l'urgence de créer en solo?

Quand j'ai commencé ces projets, j'étais dans l'urgence de trouver un sens à ma vie. Je savais que ma sœur et moi allions prendre une sabbatique et qu'elle aurait un bébé. Je me préparais mentalement. Mais comme elle ne feelait pas durant sa grossesse, on a annulé des shows et je me suis retrouvée en sabbatique abruptement en novembre 2017. J'ai toughé jusqu'en février sans vraiment rien faire et j'étais en train de virer folle. Tout le monde autour de moi était en couple, avec des bébés, avec des projets, et moi je n'avais rien. Tout ce à quoi je m'identifiais depuis six ans était en pause. Je me suis donc demandé qui j'étais et à quoi je servais. Pendant quelques mois, j'ai essayé de servir à rien, mais je n'ai pas été capable. J'ai donc plongé dans la création.

Ton roman À l'abri des hommes et des choses (2016) donnait la parole à une enfant et tu t'adresses cette fois aux enfants dans Anatole. Pourquoi stimulent-ils ton imagination?

Parce que j'ai de la misère à devenir une adulte. Quand on va dans party avec mes amis, on appelle «les adultes» les gens stressants, casés, rigoureux. Je me sens toujours jugée par les adultes, alors que les enfants sont mes personnes préférées. Je pense aussi que mon cerveau est encore excessivement immature. C'est le langage qui me vient naturellement.

Pourquoi créer une histoire en prenant le parti de la différence?

J'ai discuté avec une enfant de six ans qui avait dans sa classe un enfant du même âge en transition d'identité de genre. Ça m'avait complètement bouleversée. J'ai écrit l'histoire sans trop me poser de questions. Après coup, j'ai compris la charge du sujet et j'ai paniqué. Je me demandais si je pouvais publier ça, en tant que personne cisgenre. C'est probablement pour ça qu'inconsciemment, j'ai pris la voix de Régine la grande sœur, et non celle d'Anatole. Finalement, les enfants qui ont lu l'album n'ont pas pigé la question de genre, mais le droit d'être unique et d'assumer qui on est.

Est-ce que ça t'arrive, comme Anatole, de ne pas être heureuse d'être Stéphanie?

Au moins une fois par jour. Ce n'est pas le même niveau d'inconfort que si j'étais née avec les organes génitaux d'une fille et que je me sentais comme un garçon. D'ailleurs, je ne peux même pas prétendre comprendre ce que c'est. Mais je sais ce que c'est de se sentir inadéquat, de ne pas être à la bonne place ou de ne pas être la bonne personne. Je vais bien en général et je suis fière de moi par moments, sauf que ma confiance est trop ébranlable.

Pourquoi l'illustratrice Agathe Bray-Bourret a-t-elle privilégié un style qui évoque autant le trait enfantin?

C'est une fille excessivement instinctive, qui crée sans se poser de questions. En lisant le livre, elle a lu une histoire drôle. Moi, avec mes éditrices, je parlais du côté chargé de l'histoire. Si on avait traité ça de manière dense, ça aurait été trop lourd et ça aurait donné une couleur péjorative, car je veux véhiculer que ça peut être vécu légèrement et sainement. Finalement, Agathe et moi, on se complète parfaitement!

Écrire un roman ou un album seule, c'est une chose. Mais créer de la musique sans ta sœur, c'en est une autre. Comment ça s'est déroulé?

Ce que je préfère de la musique, c'est composer, écrire et être en studio, donc la fabrication de l'album a été assez facile. J'étais vraiment inspirée. Je lui demandais quand même son point de vue régulièrement. Si ma sœur approuve quelque chose, c'est bon dans ma tête. Cela dit, c'est difficile sur scène et en promo. Ma sœur est solide, elle sait où elle va, ce qu'elle veut dire ou non. Elle est assumée. Et elle plus solide vocalement et instrumentalement que moi. Je m'appuie sur elle en show. Elle chauffe le char et je suis passagère. Donc j'apprends à conduire en ce moment. Je trouve ça vraiment confrontant.

Préférais-tu aborder les thèmes de certains textes en solo?

Oui, il y a des affaires trop laides que je n'aurais pas imposées à ma sœur. Comme Ta fille, je trouve ça rough. Plusieurs personnes m'ont d'ailleurs écrit pour savoir si j'allais bien après l'avoir entendue. Je pense que ça me fait paraître sous un jour pas reluisant. Je n'aurais pas voulu imposer ça à ma sœur.

Dans Ta fille, tu parles de solitude, de défauts à cacher, de bobos à guérir, d'une fille qui se maquille pour être désirée, de relations perdues. Pourquoi exposer cette part de toi?

J'ouvre plus la porte à la vulnérabilité qu'avant, mais à la sortie de l'album, je ne savais pas si j'assumais tout ce qu'il y avait là-dedans. Pourtant, c'est aussi une force. Je m'approprie ma vulnérabilité, je l'expose à la lumière, donc j'en fais de la force en la disant.

La chanson Printemps évoques la nécessité de se tenir debout et d'apprendre à nos enfants comment on s'aime. L'as-tu écrite avant, durant ou après #metoo?

Après. J'ai commencé avec Ta fille à la mi-février 2018. Ensuite, le reste a suivi. Plus le temps passait, plus j'écrivais des chansons lumineuses et up tempo. Ça m'aidait à aller mieux. Je pense que Printemps a été écrite en mars. Je voulais quelque chose porteur d'espoir, comme un renouveau.

Tu abordes aussi l'idée de ne plus pouvoir faillir, abandonner, mentir et te détruire, car il y a quelqu'un d'autre désormais, dans Je pourrai plus jamais. L'as-tu écrite en lien avec la naissance de ton neveu?

Complètement. Même si je ne suis pas la mère de cet enfant-là, mes priorités ont changé. Je ne peux plus me permettre d'être triste de même et de ne pas m'aimer, parce que ce n'est pas ça que je veux lui donner. Je sens que j'ai une nouvelle importance dans la vie de ma sœur et de son enfant, et je veux bien faire.

Comment vis-tu les spectacles en solo?

Je suis nerveuse comme à 14 ans. Je vais faire des premières parties de Philippe B, Safia Nolin et Philippe Brach pour partir sur la route avec mes amis, car j'aime vraiment le tripe de gang. Mais je ne serai pas capable de faire des shows solos en entier. Je me rends compte de mes limites techniques. Ma voix brise plus souvent.

À quand le retour des Soeurs Boulay?

On est à mi-chemin dans l'écriture du prochain album. On va revenir sur scène en 2019. Je suis fière de mon album solo, mais j'aime vraiment mieux être avec ma sœur. Je me sens plus forte avec elle.

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