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Stephen Harper: «Le phénomène qui a créé Donald Trump va rester avec nous»

L’ancien premier ministre se prononce sur l'écart entre les populistes et les élites, et comment le mouvement conservateur peut tirer son épingle du jeu.
L'ancien premier ministre canadien Stephen Harper s'adresse à la conférence de l'American Israel Public Affairs Committee à Washington, le 26 mars 2017.
Joshua Roberts / Reuters
L'ancien premier ministre canadien Stephen Harper s'adresse à la conférence de l'American Israel Public Affairs Committee à Washington, le 26 mars 2017.

Le mouvement populiste qui a porté le président américain Donald Trump au pouvoir n'est pas né d'hier et il restera bien vivant tant et aussi longtemps que la classe politique ne s'intéressera pas à ses préoccupations, selon l'ancien premier ministre du Canada, Stephen Harper.

M. Harper a tenu ces propos lors de sa première entrevue en français, qu'il a accordée à l'animateur Mario Dumont de TVA Nouvelles, depuis son départ de la vie politique. Il y parle de son plus récent livre, Right Here, Right Now, mais sert aussi des mises en garde aux politiciens conservateurs.

«Ma thèse est que Donald Trump représente une vraie direction de la population américaine à cause de l'échec de plusieurs politiques américaines depuis longtemps», constate l'ancien premier ministre, qui a depuis fondé sa firme Harper & Associates Consulting.

À son avis, une part de cette majorité silencieuse qui a voté pour M. Trump a vu une diminution de son niveau de vie en raison des nombreuses guerres coûteuses pour le pays, l'immigration «illégale», mais aussi des accords de libre-échange qui ont été néfastes pour les États-Unis.

On a, de plus en plus dans certains pays, un spectre avec d'un côté l'élitisme et de l'autre côté le populisme extrême.Stephen Harper, ex-premier ministre du Canada

«Il est possible que Donald Trump échoue (à améliorer la situation), précise M. Harper. Mais le phénomène qui a créé Donald Trump va rester avec nous jusqu'à ce que la classe politique s'adresse à ces préoccupations.»

Même s'il dit de façon «diplomatique» que M. Trump est «culturellement non Canadien», M. Harper estime qu'on peut bien s'opposer au président américain. «Mais on peut reconnaître qu'il parle à un grand pourcentage de la population et ses inquiétudes.»

Le Canada est selon lui une «exception», puisque le pays n'a pas cédé au populisme à l'instar de plusieurs pays occidentaux. Ce n'est pas une raison pour autant de se fermer les yeux sur des préoccupations bien réelles des citoyens, avertit M. Harper.

«Je pense que pour les conservateurs, c'est essentiel d'écouter la population, d'adapter nos politiques pour répondre à ces besoins et pour éviter des options plus extrêmes, franchement», dit-il.

Éviter la situation des «gilets jaunes»

«Je parle dans mon livre du fait que le spectre en politique est en train de changer de façon fondamentale dans plusieurs pays. Au lieu d'un spectre politique de la gauche et de la droite, on a, de plus en plus dans certains pays, un spectre avec d'un côté l'élitisme et de l'autre côté le populisme extrême», explique M. Harper.

L'exemple le plus éloquent, ces derniers jours, est sans aucun doute celui des «gilets jaunes» en France – ces citoyens «ordinaires» qui protestent contre la hausse du prix de l'essence imposée par le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Dans ce sens, M. Macron est une «élite libérale» et propose une taxe sur le carbone «massive», analyse l'ancien premier ministre canadien.

«Comme chef responsable, il est nécessaire de reconnaître les priorités environnementales, mais on doit faire ces choses de façon à ne pas causer des dommages à la population ordinaire», fait valoir M. Harper.

«On doit écouter la population. C'est la chose la plus importante.»

Parmi ces «élites», M. Harper inclut aussi les médias. Il estime que ce n'est «pas une coïncidence» si le populisme connaît une croissance, alors que les médias traditionnels sont en crise. Il surnomme ce phénomène la «révolte des téléspectateurs».

«On a maintenant des médias sociaux, des médias non traditionnels, et c'est beaucoup plus facile pour la population d'organiser ses idées politiques et d'ignorer les médias traditionnels», estime-t-il.

Ode au nationalisme

Parmi ses plus beaux souvenirs comme premier ministre, M. Harper note les Jeux olympiques d'hiver de Vancouver en 2010. Avec la récolte de 15 médailles d'or – un record –, il se souvient d'un beau moment de «nationalisme canadien».

Il se désole de voir que «l'élite moderne» est frileux face au nationalisme.

«Je pense qu'un bon nationalisme fait partie d'une société normale, dit-il. C'est normal pour des Canadiens d'être des nationalistes canadiens. C'est normal pour des Québécois d'être des nationalistes québécois.

«Évidemment, le nationalisme extrême est dangereux, mais n'importe quelle philosophie extrême est dangereuse. On veut éviter l'extrême, mais c'est normal pour des gens d'être fiers de leur société.»

Malgré ces «turbulences politiques», M. Harper se dit «fondamentalement optimiste» face à l'avenir.

«Nous sommes une société capitaliste et démocratique, et de telles sociétés démontrent depuis longtemps la capacité de gérer le changement et de s'adapter. Malgré les défis qui sont très sérieux, je sais que nos sociétés ont les meilleures possibilités de gérer ces difficultés à l'avenir», avance-t-il.

«C'est la nature de nos sociétés d'accepter les défis, de faire les débats, d'avoir de temps en temps des débats presque violents, mais époque après époque, la démocratie fonctionne mieux que d'autres systèmes.»

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