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Et si on arrêtait de stigmatiser les grosses femmes enceintes?

La grossesse est une période suffisamment angoissante pour les femmes sans qu'il soit besoin de les persécuter à cause de leur physique.
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J'aurais pu écrire ce billet lors de ma première grossesse en 2013. J'étais déjà grosse, mais je ne disposais pas alors de l'assurance suffisante pour aborder le sujet sereinement. C'est que la grossesse peut être à la fois un moment merveilleux et une période de grande vulnérabilité, aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychologique. Je ne vous apprends rien en disant qu'aborder certains sujets sur Internet peut donner lieu à des discussions enflammées et peu reposantes... La grossophobie en fait partie. Cette forme de body-shaming (humilier une personne en raison de l'aspect de son corps) peut aller de la simple raillerie à la discrimination.

Je mentirais si je disais que mon poids m'a déjà causé plus de désagréments que de ne pas fermer un pantalon. Depuis la fin de mon adolescence, je suis ronde avec des variations oscillant de la taille 42 à la taille 48. Néanmoins, j'ai toujours été bien portante : aucune maladie, aucune opération et pas d'allergie notoire à signaler. En outre, je suis sportive et je l'ai toujours été depuis ma plus tendre enfance. Je suis donc de ces personnes dont on dit qu'elles portent bien leur poids.

La société ayant fait de la minceur la norme esthétique suprême, comme tout le monde j'ai longtemps cherché à ne surtout pas m'en éloigner. Puis j'ai lutté pour atteindre cet idéal physique sans cesse vanté par les magazines féminins, au prix de régimes draconiens. Cette entreprise s'avéra ruineuse à tous les plans. Mettre ma santé en danger pour ne pas être grosse n'a jamais été pour moi quelque chose de choquant.

Lorsque nous avons décidé d'avoir un enfant avec mon conjoint, j'ai pensé qu'il pouvait être bon de consulter un gynécologue afin de faire un point santé. À l'issue de cette visite, point d'analyses et encore moins d'examen de mon dossier. Une seule recommandation sur le ton impératif : «perdez d'abord au moins 30 kilos sinon vous risquez de mourir en couches.» Véridique. Sonnée d'abord, puis révoltée, je décidais de me passer des recommandations et des services de ce Monsieur. Il suffit de lire des témoignages de femmes pour constater les dégâts de ce type d'opinion qui n'est basée sur aucune réalité médicale. Le problème, c'est qu'étant émise par un gynécologue, pour beaucoup elle a valeur de vérité incontestable.

Autre affirmation basée sur un préjugé grossophobe : les femmes en surpoids rencontreraient plus de difficultés pour procréer. Lors de premières consultations, il est donc fréquent que des femmes se voient présenter une perte de poids comme un traitement pour augmenter la fertilité ou pallier à un éventuel problème physiologique. Là encore sans examen médical préalable.

D'autres encore émettent de sérieux doutes sur la capacité des femmes en surpoids à mener une grossesse à terme. Elles encourraient un risque plus élevé de faire une fausse-couche, une pré-éclampsie ou d'accoucher prématurément. Ici encore sans aucun examen préalable. Votre grossesse étant considérée de facto comme à risque, vous vous verrez refuser l'accès à certaines maternités de type 1. Et quand bien même vous ferez mentir ces pseudos statistiques mixées à beaucoup d'a priori, vous serez chanceuse si on vous traite avec respect et dignité lors de vos consultations.

J'ai toujours en mémoire mon entretien avec l'anesthésiste lors du 8e mois de ma précédente grossesse. Il s'agit de l'ultime visite pour les grossesses qui se passent sans soucis. Cette personne est censée décider si vous êtes éligible à la péridurale. Ce monsieur qui ne connaissait de moi que les informations figurant dans mon dossier médical - témoignant d'un déroulement de grossesse parfaitement normal - jugea bon de m'enjoindre à perdre du poids après mon accouchement. Un «conseil» balancé comme un cheveu dans la soupe et que ni sa fonction ni son rôle ne justifiaient.

«La grossesse est une période suffisamment angoissante pour les femmes sans qu'il soit besoin de les persécuter à cause de leur physique.»

Attendez-vous également à être infantilisée parce que vous n'avez pas le contrôle de votre poids alors forcément beaucoup de choses doivent aller à vau-l'eau dans votre vie. Vous êtes une sorte de cas social à qui on va devoir faire une leçon de diététique à chaque visite («les féculents c'est bien trois cuillères à soupe hein!»). La logique voudrait que l'on oriente ces femmes vers un nutritionniste et que chacun fasse son propre travail.

J'entends par là qu'une grosse femme puisse bénéficier d'une échographie dans des conditions normales sans avoir à subir les remarques et les reproches désagréables, ou humiliants des praticiens. J'ai écouté avec effroi des femmes me raconter comment ce moment qui est censé rassurer sur l'état de santé du bébé que l'on porte s'est avéré être une expérience traumatisante. Florilège de remarques entendues : «mais comment voulez-vous que je vois quoi que ce soit avec toute cette graisse sur votre ventre?», «Estimez-vous heureuse que je vois un minimum parce que là...», «Vous comptez continuer comme ça?» Et d'autres d'associer sans aucun recul toute malformation ou tout problème rencontré lors de l'examen, au poids de la mère.

Loin de moi l'idée de jeter aux orties tout ce que peuvent dire les médecins aux grosses femmes aspirantes à la maternité; mais je déplore ces diagnostiques à l'emporte-pièce basés sur des «en général», alors que l'on nous rabâche que chaque grossesse - et chaque femme - est unique.

Je n'ai rencontré aucune difficulté pour tomber enceinte. Je n'ai pas pris de poids; j'en ai même perdu (13 kilos pour le premier trimestre de ma première grossesse et 10 kilos pour celle-ci). Je n'ai pas développé de pathologie liée à la grossesse. Et j'ai accouché de manière la plus classique qui soit un bébé de 3 kilos qui a trois ans pèse 13 kilos. Je le précise car il y a aussi cette idée reçue selon laquelle les mamans en surpoids font de gros bébés qui ont toutes les chances de devenir des enfants obèses.

Il est regrettable que sous couvert de prévention, le corps médical puisse avoir un discours systématiquement anxiogène à l'égard des femmes en surpoids et au-delà. La grossesse est une période suffisamment angoissante pour les femmes sans qu'il soit besoin de les persécuter à cause de leur physique.

Comment est-ce que l'on peut voir, accompagner et traiter des personnes toute la journée et nier complètement certaines d'entre elles? La grossophobie qui émane d'un troll sur Internet ou de membres du corps médical est la négation de l'autre. Humilier, maltraiter ou tout simplement se moquer d'une personne à cause de son apparence physique, c'est la déshumaniser et lui refuser le droit d'avoir une existence normale.

Ce billet a également été publié sur Best of D.

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Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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