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Suivre l’appel de Dieu: graphiste et bientôt prêtre

Huit années de formation sont nécessaires pour éventuellement être ordonné prêtre, au Québec. Denis Desautels peut en témoigner; l’expérience est exigeante, mais adaptée à la réalité d’aujourd’hui.
Denis Desautels, séminariste au Séminaire de Montréal
Courtoisie/Denis Desautels
Denis Desautels, séminariste au Séminaire de Montréal

«L’appel est venu tardivement, et par étapes, se souvient le séminariste. C’est un cheminement à l’image de ma personnalité!»

Comme pour bien des Québécois, le seul contact qu’a eu Denis Desautels avec la religion en grandissant a été lors des messes de Noël et de Pâques. Rien ne laissait présager qu’à 52 ans, il serait en train de terminer sa formation dans l’intention de devenir prêtre.

Le nombre de candidats à la prêtrise au Québec est en diminution depuis plusieurs années, c’est bien connu. Mais ce qui l’est moins, c’est le parcours que doivent traverser les séminaristes qui convoitent cette vocation de nos jours.

Devenir prêtre en 2019, c’est suivre une formation adaptée à la réalité d’aujourd’hui. Au Grand Séminaire de Montréal, on prend très au sérieux les abus sexuel commis par les membres du clergé dans l’Église catholique, et ça se traduit par un filtrage très consciencieux des candidats. N’importe qui ne peut pas être admis.

«Le séminaire, ce n’est pas une usine à prêtres, illustre Denis Desautels. Et beaucoup n’iront pas jusqu’au bout. Même s’il y a de moins en moins de candidats, on ne prend pas n’importe qui.»

Pour y entrer, chaque aspirant doit se soumettre à un processus d’entrevues et d’enquête, passer une évaluation médicale et psychologique et présenter une lettre de motivation. Puis, pendant toute la durée de la formation, les séminaristes sont suivis de près; ils sont évalués deux fois par année, et les paroissiens et tuteurs sont consultés pour s’assurer qu’ils se comportent de manière respectueuse et intègre.

«L’Église a maintenant des positions très strictes pour protéger les personnes vulnérables comme les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, assure Denis Desautels. C’est la politique de pastorale responsable. On prend tous les moyens pour éviter que ça se reproduise.»

Vocation tardive

Après des études en sciences pures au collégial puis en design industriel à l’université, M. Desautels a travaillé comme graphiste dans des agences de publicité, un métier qu’il a adoré, dans un domaine qu’il qualifie d’intense.

Malgré tout, depuis le cégep, il lisait la Bible et s’est tranquillement découvert un intérêt pour la religion. «J’ai développé un attachement, une amitié et une sympathie pour Jésus. Je trouvais ses enseignements et ses paroles très inspirants. Je voulais traduire ça dans ma vie.»

À 34 ans, Denis Desautels sent un appel se développer en lui. Il quitte son emploi et entre au monastère, à l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac, où il s’initie à la vie de prière. Et une vie de prière très intense: au moins quatre heures par jour.

«Après deux ans de cette aventure spirituelle, j’ai réalisé que ma place n’était pas là. Il fallait que je sorte pour vivre d’autres expériences et voir si je n’étais pas appelé à autre chose. Ce qui était sûr, c’est que j’étais appelé à une vie de prière régulière.»

Denis Desautels retourne finalement à ses premières amours et travaille dans un studio de graphisme pour une maison funéraire, une expérience significative. «Il y avait une dimension spirituelle parce que c’était dans le milieu du deuil et de la mort.»

Durant cette même période, il rencontre des séminaristes pour échanger sur la vocation de prêtre. Se sentant attiré par cette forme de vie, M. Desautels quitte le studio de graphisme après cinq ans. «Je voulais régler la question, savoir si c’était ma place ou non. Alors j’ai plongé.»

C’est donc en 2012 qu’il entre au Grand Séminaire de Montréal, où un parcours bien rempli l’attend. Son arrivée au séminaire à l’âge de 45 ans représentait finalement un retour aux études. La formation comprend une majeure en philosophie, un baccalauréat en théologie et une maîtrise avec stage en théologie pastorale. «Il faut une aptitude pour les études, c’est certain, parce que c’est assez long et varié.»

Et à toutes ces années d’études s’ajoutent les implications en paroisse. «On ne s’ennuie pas!» s’exclame celui qui est maintenant en fin de parcours et qui s’apprête à faire sa demande au diaconat. Une fois ordonné diacre transitoire, Denis Desautels pourra alors faire sa demande pour finalement être ordonné prêtre.

Un chemin parsemé de défis

Sept ans après le début de sa formation, le séminariste ne regrette pas d’être entré au séminaire pour vérifier si la prêtrise était sa vocation. «Une fois que j’ai pris la décision, tout a été facile.»

Malgré tout, son choix a eu différents impacts dans sa vie, comme décevoir sa famille. «Ils l’ont accepté parce qu’ils m’aiment, assure-t-il. Mais ils n’ont pas tout à fait compris. Ils ont même trouvé ça difficile. Ils avaient l’impression de me perdre.»

Évidemment, en décidant de suivre l’appel de Dieu, Denis Desautels fait le choix du célibat, une réalité que ses parents ont trouvée difficile à accepter. «Ils auraient aimé que j’aie des enfants. La famille, c’est très important pour eux. Mais moi aussi, je fais un deuil. J’aurais été content avec une famille, mais c’est un autre engagement.»

Même s’il vit bien avec sa décision – parce que même s’il a ressenti un appel, c’est un choix qu’il fait librement, insiste-t-il –, son parcours des dernières années n’a pas été absent d’embûches.

«Il y a eu des obstacles et des dépassements à faire, admet le séminariste. On est confronté à nos limites.»

“Chaque génération a sa façon d’exprimer sa foi et il y a aussi des différences culturelles dont il faut tenir compte. Il faut être ouvert à ça.”

- Denis Desautels

Dans son cas, il a dû apprivoiser le fait de prêcher devant un groupe.

«J’ai dû apprendre à surmonter la timidité et à affronter une grosse assemblée. Ça peut être intimidant, plein de monde qui te regarde.»

Il a aussi dû s’adapter au fait de devoir travailler avec toutes sortes de personnalités. «Il y a des personnes avec lesquelles on a plus de difficultés. Il faut apprendre à mettre de l’eau dans son vin.»

Pour lui, devenir prêtre en 2019, c’est aussi s’adapter à la diversité, quelle qu’elle soit. «Chaque génération a sa façon d’exprimer sa foi et il y a aussi des différences culturelles dont il faut tenir compte. Il faut être ouvert à ça.»

«Le prêtre, c’est celui qui donne sa vie pour les autres et qui les nourrit spirituellement», résume-t-il. Il estime qu’une grande partie de sa vocation sera consacrée à être à l’écoute des gens.

Son quotidien sera bien différent de ce qu’il a connu comme graphiste, mais pour lui, son passé dans un autre domaine n’est pas un problème.

«On est la somme de nos expériences, c’est ce que nous dit la sagesse monastique. Toute expérience n’est jamais perdue. Elle va servir à autre chose.»

Son cheminement l’a effectivement mené à toute une réorientation. Mais, Denis Desautels le répète, devenir prêtre, c’est avant tout une vocation.

«C’est un appel de Dieu, ce n’est pas un choix de carrière.»

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