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Mon syndrome de la Tourette, au-delà des tics

Sachez d’abord que non, je ne crie pas des insanités en public.
Andréanne Fortin
Anaïs Cadorette-Bonin
Andréanne Fortin

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

J’ai commencé à avoir toutes sortes de tics vers l’âge de quatre ans. Je serrais mes poings, je shakais beaucoup ma tête, je cognais mes genoux ensemble, je soufflais sur mes jointures, je claquais des dents et j’avais des spasmes. Tous des tics moteurs, des mouvements que je ne contrôlais pas.

À l’école, on me demandait pourquoi, par exemple, je tournais ma tête. J’inventais des histoires! Je disais à mes amis que je voyais des esprits. Je devais avoir l’air encore plus bizarre que si j’avais dit que c’était des tics… Je me suis toujours sentie différente des autres, mais je pense que mon côté candide faisait en sorte que je ne me rendais pas trop compte de tout ça. Mais c’est sûr que je voyais les questionnements dans les regards.

En sixième année, je suis tombée sur un documentaire à la télévision au sujet du syndrome Gilles de la Tourette (SGT). Des membres de la famille qu’on y voyait comptaient le nombre de marches à voix haute quand ils montaient un escalier. Et moi aussi, je faisais ça!

J’ai dit à ma mère que je voulais vérifier si j’avais le syndrome. Il faut dire que rendu à cet âge-là, mes tics moteurs étaient devenus assez intenses et j’avais aussi commencé à en avoir de d’autres sortes, comme des tics verbaux. Par exemple, je faisais un genre de bruit avec mon nez. Quand j’étais à l’école, certains pensaient qu’il y avait de petites souris dans la classe, mais c’était moi!

C’est finalement à 12 ans qu’un pédopsychiatre a posé le diagnostic. J’étais, d’une certaine façon, contente d’en avoir la confirmation. Je me disais que je n’aurais plus besoin de raconter des histoires à l’école pour expliquer pourquoi je regarde derrière moi. Je sentais le besoin de dire que j’avais un trouble et que je ne pouvais pas le contrôler. Ça me soulageait de le nommer.

“Mon meilleur traitement, c’est quand je pratique ma passion, le théâtre. Sur scène ou devant la caméra, mes tics disparaissent.”

Il y a encore beaucoup de mystère qui entoure le SGT, beaucoup de questions auxquelles on ne peut pas répondre. Donc parfois, j’avais l’impression que ce que j’avais, c’était quelque chose de super rare, comme si j’étais toute seule à vivre ça, parce que même les professionnels de la santé n’étaient pas capables de m’expliquer pourquoi j’avais ces tics-là. Pourtant, selon les statistiques, au Québec, on estime qu’environ 1 enfant sur 200 est atteint du syndrome.

Certaines choses m’ont aidée à calmer mes symptômes, par exemple des activités relaxantes comme la prise de conscience de mon corps et différentes sortes de thérapies. Il faut aussi savoir que ce syndrome-là a beaucoup de camarades! Il est souvent accompagné de différents troubles, et c’est surtout sur ces problèmes-là qu’on peut agir.

Dans mon cas, je souffre d’anxiété et d’un déficit de l’attention. Je prends de la médication pour m’aider. Moins j’ai d’anxiété et plus je suis concentrée, moins j’ai de tics. Mais encore aujourd’hui, avec ma psychiatre, on fait des essais-erreurs pour apaiser mes symptômes le plus possible sans trop d’effets secondaires. Pour un mal de tête, on prend des Advil, mais la Tourette, c’est un peu plus complexe!

Mon meilleur traitement, c’est quand je pratique ma passion, le théâtre. Sur scène ou devant la caméra, mes tics disparaissent. Aller à fond dans ma passion, c’est ce qui est le plus efficace pour moi. C’est pour ça que j’ai étudié là-dedans. J’ai vu d’autres exemples de personnes dont les tics disparaissent quand elles font ce qu’elle aime, comme un musicien quand il joue de la guitare ou un mécanicien quand il travaille dans les moteurs.

“Je ne peux pas changer ni prévoir ce que les gens vont penser, alors aussi bien rester qui je suis et l’assumer.”

Aujourd’hui, je parle ouvertement de mon syndrome, donc je suis plus à l’aise de laisser aller mes tics. Et je le sens quand ça peut être dérangeant. Si je vais au théâtre, c’est la première chose que je dis à la personne à côté de moi, avant même qu’elle ait vu mon premier tic. C’est inconcevable que j’aie des tics pendant une pièce complète à côté de quelqu’un qui ne comprend pas pourquoi je fais ça.

À cause des films ou des séries qui ont caricaturé mon syndrome, les gens pensent que la Tourette, ce sont des gens qui crient des insanités en public et que ça ne les dérange pas d’avoir dit ces choses-là, comme si elles étaient des personnes volontairement vulgaires. Cet exemple-là qu’on voit souvent, ça s’appelle de la coprolalie et ça ne touche que 10% des personnes atteintes du SGT. Dans mon cas, ça ne m’affecte pas, mais je fais de l’écholalie: je répète des mots, des nombres ou des syllabes. Si je suis à une intersection et que la lumière devient verte, je vais dire: «vert!»

Andréanne Fortin et Olivia Leclerc pour leur projet YouTube «Gilles pis la p'tite»
Anaïs Cadorette-Bonin
Andréanne Fortin et Olivia Leclerc pour leur projet YouTube «Gilles pis la p'tite»

Des fois, je me mets à crier sans raison devant quelqu’un, mais je ne contrôle pas ça. Quand on y pense, c’est tellement bizarre! Je peux pousser un cri à côté de quelqu’un dans un parc, mais après, je ne fais rien d’autre et je continue de lire mon livre, par exemple. Les gens font le saut...

Il y aura toujours une partie de moi qui sera gênée d’avoir des tics en public. Ce n’est pas mon but de faire ça, je ne les contrôle pas. Dans ce temps-là, je me rappelle que je ne peux pas changer ni prévoir ce que les gens vont penser, alors aussi bien rester qui je suis et l’assumer. J’encourage les gens qui ont le SGT à le dire. Ça évite tellement de quiproquos!

Quand j’étais à l’école de théâtre, je savais qu’après ma formation, je me lancerais dans un projet pour briser les tabous sur la Tourette. Avec une amie comédienne, Olivia, on a créé notre chaîne YouTube il y a environ un an. On propose des capsules pour démystifier le syndrome et expliquer à quoi ça ressemble au quotidien.

Avoir le SGT, c’est des montagnes russes. J’ai appris à l’assumer et à en parler. Mais ce n’est pas parce que je l’ai exposé qu’il est disparu. C’est là quand même.

Il y a des journées où c’est difficile et je pleure parce que je n’en peux plus. J’ai mal parce que je me suis grattée trop fort et je suis tannée de ne pas être capable d’écouter un film sans avoir de tics. Et j’aimerais ça arrêter de m’écorcher la voix parce que je crie et que ça me fait mal aux cordes vocales. Mais maintenant, la frustration est moins présente que l’acceptation, qui est venue avec les années.

Tous les jours, je continue d’apprendre à côtoyer mon Gilles!

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Florence Breton.

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