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Audiences publiques sur la Charte des valeurs: gare aux dérapages !

Le passage de la famille Pineault-Caron devant la commission parlementaire sur le projet de loi 60, est abondamment commenté sur les médias sociaux. Près de 200 000 visionnements pour la vidéo du témoignage, en 24 heures. Beaucoup plus que pour la clairvoyante prestation du philosophe Michel Seymour à la même commission.
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Le passage de la famille Pineault-Caron devant la commission parlementaire sur le projet de loi 60, est abondamment commenté sur les médias sociaux. Plus de 200 000 visionnements pour la vidéo du témoignage, en 24 heures. Beaucoup plus que pour la clairvoyante prestation du philosophe Michel Seymour à la même commission. Quelle tristesse de constater à quel point l'impact médiatique est inversement proportionnel à la qualité du contenu. Le positionnement de cet intellectuel contre l'interdiction du port des signes religieux n'y est pour rien. Les vidéos du célèbre sociologue Guy Rocher - pourtant fervent défenseur de la charte - sur la question de la laïcité ne font guerre mieux.

Ceci étant, il faut dire que le récit de Mme G. Caron sur son voyage au Maroc est plutôt tourné en dérision par les internautes. Son indignation d'y avoir vu des «gens prier à quatre pattes» a mis dans la gêne de nombreux Québécois et Québécoises bien que les relents racistes de ce témoignage n'engagent que son auteure. Les propos de M. C. Pineault relatifs à la violence des gangs de rue à Montréal (visiblement associés aux musulmans), qu'il juge plus dangereuse que celle que font sévir les talibans en Afghanistan, ne passent pas mieux non plus. Plusieurs partisans de la Charte des valeurs s'étonnent qu'on ait laissé ce «genre de personnes incultes» témoigner et accréditer, par là même, l'idée que ce qui est en jeu en réalité dans le débat sur la Charte des valeurs, ce n'est pas la laïcité, mais plutôt la peur de l'Autre. Surtout quand l'Autre est jugé très différent de «Nous».

Les propos tenus par la famille Pineaut-Canon relèvent de préjugés. Ils dénotent une ignorance criante des habitudes et des pratiques religieuses de dizaines de millions de personnes dans le monde. Au-delà des musulmans qu'ils ciblent précisément, ces propos trahissent la difficulté à comprendre l'Autre et ses coutumes. Habituellement, lorsque quelqu'un exprime ce genre de préjugés, on a tendance à lui conseiller de voyager, sauf qu'aux audiences de la commission parlementaire, la famille Pineault-Caron a justement relaté, à sa manière, des voyages qu'elle a effectués au Maroc et en Turquie. On peut juste la plaindre si elle ne retient de ces séjours dans ces beaux pays que la virée dans une mosquée ou les résonnants appels à la prière. Elle n'avait d'ailleurs pas besoin d'aller jusqu'à Tanger pour savoir que les musulmans prient à «quatre pattes» ni que les hommes et les femmes ne le font pas côte à côte.

Est-il étonnant de voir ce genre de préjugés s'exprimer librement dans une société avancée comme le Québec? Non, malheureusement. Ni au Québec ni aux États-Unis, ni ailleurs dans le monde. Il suffirait de tendre le microphone pour écouter la vox populi en Europe, au Moyen-Orient et ailleurs pour s'apercevoir que les propos des Pineault-Caron ne sont pas si surprenants que ça et qu'il faut les relativiser.

Par ailleurs, à ceux qui s'offusquent qu'on accepte de tels témoignages, on pourrait répondre qu'une consultation démocratique, c'est aussi de savoir tendre l'oreille à la population. Ce n'est pas seulement le fait d'écouter des universitaires aussi brillants que Michel Seymour ni des gens qui ont bien fouillé leur sujet. Même si elle a la responsabilité d'exiger que toutes les interventions se fassent dans le respect et de réagir aux dérapages, fussent-ils verbaux, on ne peut pas reprocher à la commission parlementaire d'avoir reçu la famille Pineault-Caron.

Ce qui est par contre regrettable, c'est que, pour tenter de convaincre de la nécessité d'adopter son projet de charte et surtout d'interdire le port des signes religieux aux employés de l'État, le gouvernement du Québec s'appuie, non pas sur des études fondées, mais sur l'existence, chez certains de nos concitoyens, de peurs et de crispations face à la différence. Il n'est pas trop tard pour corriger le tir.

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