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Du fanatisme

Le fanatique islamiste est une erreur, un échec, qui n'a rien au fond à voir avec l'islam.
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En ces temps troublés que nous connaissons, marqués par le terrorisme islamiste, il convient de s'interroger sur la notion de fanatisme. D'après le philosophe français Gabriel Marcel, qui nous servira de guide dans les lignes qui suivent: «Le premier devoir du philosophe dans le monde d'aujourd'hui est de combattre le fanatisme sous quelque forme qu'il se présente » (Les hommes contre l'humain, 1951). En effet, afin de combattre notre ennemi, il faut au moins le connaître pour mieux le reconnaître.

Premier point, le fanatisme constitue un mode d'être en relation avec les autres. C'est une vérité de La Palice: on n'est pas fanatique tout seul dans sa chambre, pour soi-même, puisque c'est toujours par rapport aux autres qu'on l'est. Le fanatique s'attend à ce qu'il soit incompris et calomnié par le non-fanatique. Peu importe, il fonce et défonce ses accusateurs. Puisqu'il n'est pas isolé, le fanatique carbure au fanatisme de ses semblables. Ce lien est exaltant. Il vit intensément le «nous autres».

En fait, ce «nous autres» est celui de la masse. Or, la masse fait table rase de tout ce qui est individuel, original, génial, excellent, libre, autonome, etc. Bref, médiocre et conformiste, le fanatique est l'être le plus misérable qui soit. Il est déshumanisé.

Le fanatique ne pense pas pour lui-même. Il suit servilement les directives de la propagande, celle du On impersonnel dirigeant la masse. Il est l'homme-masse. L'intelligence ou la raison de l'homme-masse se trouve pour ainsi dire court-circuitée. La «raison» devient celle des intellectuels et des imams. Les notions du bien et du mal ne font jamais l'objet de sa propre réflexion, de sa conscience personnelle, puisque sa conscience dérive de la conscience de masse fabriquée par les intellectuels. Le fanatique, l'homme-masse, se fait l'esclave au service des diktats de la masse. La «foi» de l'homme-masse n'est qu'une opinion véhiculée par la propagande.

Il n'est pas anodin de remarquer que l'homme-masse islamiste soit recrutée sur Internet. Le Toile constitue en effet le lieu par excellence où se fabrique par la propagande l'opinion de l'homme-masse.

La «foi» de l'homme-masse est donc celle que véhicule la propagande. Ce qui signifie que ce n'est pas à proprement parler une foi. Foi au sens d'engagement. Ce n'est qu'une conviction collectivisée à laquelle l'homme-masse adhère. Sa «foi» n'a, en somme, rien de personnel. À strictement parler, l'homme-masse n'a aucune croyance, sa croyance étant celle de l'autre, laquelle est celle d'un autre, et ainsi de suite.

Par conséquent, lorsqu'on dit que le fanatique se réclame de l'islam, c'est d'un islam perverti, tronqué, dont il s'agit. Le fanatique islamiste est une déjection, une erreur, un échec, qui n'a rien au fond à voir avec l'islam.

En somme, l'homme-masse islamiste se sert de Dieu pour anéantir les mécréants ainsi que les non-musulmans. Sa ruse est réussie lorsque l'Occidental accuse l'islam d'engendrer ces fous furieux. Car ce que vise l'homme-masse islamiste, c'est l'affrontement entre l'Occident et le Moyen-Orient. En se braquant, l'Occident se trompe lourdement. Au départ, il y a un détournement de l'islam, en ce que Dieu sert les intérêts de l'homme-masse, alors que c'est l'inverse qui doit être le cas: l'homme au service de Dieu.

L'islam n'a pas la prérogative du fanatisme.

Le fanatique, disions-nous au début, est un mode d'être en relation avec autrui. Étrange mode relationnel puisqu'il ne vise nullement à entrer en relation avec l'autre, le différent, mais à l'éradiquer. Le mode de relation du fanatique est donc un mode de non-relation. L'homme-masse s'engage dans un faux mode relationnel.

Puisque l'homme-masse islamiste ne pense pas, il se trouve dès lors désensibilisé. Égorgé des hommes et des femmes, voire des enfants, ne fait, pour lui, aucune différence. Son état mental est pathologique. On attribue à Joseph Staline ce mot sinistre: «La mort d'un homme est une tragédie. La mort d'un million d'hommes est une statistique.» Perce ici le On impersonnel funeste. C'est la voix du Parti (communiste) qui retentit. La conscience personnelle se terre devant celle de la conscience sociale ou collective. La personne, l'individu disparaît, s'évanouit.

L'esprit d'abstraction est le mode de pensée du fanatisme. L'esprit d'abstraction est à la source de toutes les exclusions. Gabriel Marcel n'a pas crainte de proclamer que l'esprit d'abstraction est intimement lié à la guerre. Abstraire, en effet, c'est réduire de manière dépréciative l'identité de l'autre. Ainsi en est-il lorsqu'on - remarquez ici l'usage du on - dit de quelqu'un qu'il est «catholique», «athée», «féministe», «conservateur», «fanatique», etc. On isole une caractéristique d'autrui que l'on déteste et qu'on vilipende justement pour mieux le haïr. Le fanatique se repaît d'abstractions qui déshumanisent autrui. (Marcel emploie le verbe «tétaniser» pour souligner le processus consistant à paralyser l'image de l'autre.)

D'après Gabriel Marcel, ce qui est en jeu dans le fanatisme, c'est moins la paix que la vérité. «Le fanatisme est par définition incompatible avec un souci quelconque de la vérité», lit-on. Le fanatique confisque la vérité à son avantage, afin de servir l'intérêt collectif de la masse. Tout comme la justice, la vérité devient alors affaire strictement sociale. Nous vivons à l'ère de la justice sociale. La vérité aussi n'est plus individuelle ou personnelle, elle est foncièrement sociale.

Selon le philosophe américain, Harry G. Frankfurt (1929- ), nous vivrions plutôt à l'ère du «baratin» (bullshit): «L'un des traits caractéristiques de notre culture est l'omniprésence du baratin (bullshit)», écrit-il. (De l'art de dire des conneries / On Bullshit, 1984). Ainsi, lorsque le terroriste islamiste déclare qu'il exécute la volonté d'Allah, il nous sert un plat fait pur baratin. Ce fanatique ne ment pas; il bluffe, toutefois. Le Petit Robert confirme le délit à l'entrée «bluff»: attitude destinée à en faire accroire, à intimider l'adversaire sans en avoir les moyens. Et nous donnons dans le panneau en croyant que le fanatisme islamiste fait bel et bien appel à Allah, qu'il invoque le dieu de l'islam. Foutaise! Il bluffe! Il monte l'islam contre nous. Sacré baratineur!

L'islam n'a pas la prérogative du fanatisme. À cet égard, il faudrait, pour terminer, évoquer la figure de saint Paul qui, avant sa conversion, fut un pharisien fanatique. Au nom du dieu des juifs, il pourchassait sans relâche aucune les disciples du Christ, ceux qui firent partie à l'origine de la secte juive des chrétiens. Le fanatisme de Saül de Tarse (qui changea son nom par la suite en Paulos qui, en grec ancien, signifie petit, faible, minable, etc.) révèle ce que tout fanatisme exhibe: la toute-puissance. (Il n'est pas faux de dire, à ce propos, que le fameux «péché originel» des chrétiens consiste dans la recherche de la toute-puissance.) En fait, la toute-puissance consiste à se prendre pour Dieu lui-même.

Bien sûr, le fanatisme islamiste n'a que «Allah Akbar!» à la bouche. Mais ne nous y trompons pas. Il s'agit d'une usurpation éhontée de la toute-puissance divine en contexte musulman. En changeant son nom Saül (nom royal chez les juifs) par Paulos, saint Paul voulait sans doute signifier par là qu'il avait quitté la figure de la toute-puissance divine pour embrasser celle de la faiblesse qui serait davantage proche de la nature de Dieu. Jésus-Christ, le fils de Dieu, n'est-il pas venu d'abord et avant tout, pour libérer les pauvres, les malades, les pécheurs? Et n'est-il pas mort sur une croix pour sauver les faibles que nous sommes tous et toutes par amour pour nous? C'est du moins ce que comprit saint Paul: «Car, lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort.» (2 Corinthiens 12 10).

Les fanatiques de tout acabit auraient intérêt à méditer cette parole de Dieu. Car c'est dans ma faiblesse que Dieu se fait le plus intime.

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