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Le bureau de Gabriel Nadeau-Dubois «inondé» d'appels de complotistes

Devant la popularité grandissante des théories du complot, tous les partis d'opposition à Québec ont lancé un appel à une plus grande transparence du gouvernement.
Le député solidaire de Gouin Gabriel Nadeau-Dubois affirme recevoir de nombreux appels de citoyens croyant diverses théories du complot.
Jacques Boissinot/La Presse canadienne
Le député solidaire de Gouin Gabriel Nadeau-Dubois affirme recevoir de nombreux appels de citoyens croyant diverses théories du complot.

«Depuis quelques semaines, c’est très intense. C’est du jamais vu pour mon équipe de circonscription. Beaucoup de messages agressifs, de messages haineux. Beaucoup de menaces indirectes, des espèces d’allusions. C’est pas facile pour les gens dans mon bureau de circonscription qui sont responsables de recevoir tout ça.»

De son propre aveu, le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a l’habitude de ne pas faire l’unanimité. Il voit généralement venir les critiques. Mais il ne s’attendait pas au genre de messages qui «inondent» son bureau de circonscription ces derniers temps, alors que certains adeptes de la pensée conspirationniste l’accusent de taire toutes sortes de complots plus ou moins flous desquels l’élite politique québécoise - et souvent mondiale - serait complice.

«Ça va dans toutes sortes de directions, mais un élément qui revient beaucoup c’est “comment ça vous ne les dénoncez pas”», a expliqué le député solidaire en entrevue téléphonique avec le HuffPost Québec mardi.

Selon lui, le rôle important qu’il a joué lors de la mobilisation étudiante contre la hausse des frais de scolarité en 2012 pourrait avoir mené certains Québécois à le percevoir «comme quelqu’un qui résiste, qui conteste». Il est donc incompréhensible pour plusieurs que GND ne dénonce pas les mesures sanitaires.

«Mais il ne s’agit pas d’être complice de quoi que ce soit! C’est ce que j’essaie d’expliquer. Il ne s’agit pas de perdre notre esprit critique, assure-t-il. Moi, quand je porte le masque, ce n’est pas par obéissance. C’est par solidarité envers les gens autour de moi qui sont plus fragiles, comme mes grands-parents par exemple.»

Plusieurs Canadiens croient que les autorités «exagèrent grandement» la menace de la COVID-19, selon un sondage. Le texte se poursuit sous la vidéo.


Or, il devient de plus en plus difficile de convaincre une frange grandissante de Québécois. Le mois dernier, un sondage révélait que près du quart des Québécois croyaient une théorie du complot selon laquelle le virus SARS-CoV-2 responsable du nouveau coronavirus avait été créé en laboratoire. Une étude de l’Université de Sherbrooke réalisée au début de l’été et dont les résultats ont été dévoilés lundi estimait quant à elle que 18% des Canadiens adhéraient à des idées conspirationnistes.

Le courant se fait tellement sentir que le débat s’est transporté à l’Assemblée nationale. Mardi, jour de rentrée parlementaire à Québec, la députée indépendante Catherine Fournier a déposé une motion pour que les députés reconnaissent «que la montée du phénomène complotiste au Québec est préoccupante et nécessite des actions concertées entre la société civile et les autorités publiques».

La motion, adoptée à l’unanimité, dénonçait également les menaces reçues par des scientifiques, comme le Dr Horacio Arruda, par des journalistes et par certains élus dont le premier ministre et le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé.

Plaidoyer pour la transparence

S’il a été parmi les premiers à dénoncer les théories du complot en lien avec la COVID-19, au mois de mars, Pascal Bérubé a assuré en entrevue avec le HuffPost mardi que la menace qu’il a reçue lundi était un «événement isolé». Il affirme d’ailleurs qu’il «n’ira pas plus loin» avec sa plainte à la Sûreté du Québec parce que l’individu qui avait envoyé le tweet menaçant s’est excusé et a, selon le député, appris sa leçon.

Le chef intérimaire du Parti québécois Pascal Bérubé a avisé la Sûreté du Québec d'un tweet menaçant envers sa conjointe et lui, lundi.
Jacques Boissinot/La Presse canadienne
Le chef intérimaire du Parti québécois Pascal Bérubé a avisé la Sûreté du Québec d'un tweet menaçant envers sa conjointe et lui, lundi.

Mais même si les échanges sont généralement respectueux, M. Bérubé admet que des citoyens lui envoient régulièrement des vidéos et des textes provenant de «sources alternatives» qu’ils aimeraient voir guider le comportement du politicien.

«Il y a des gens qu’on découvre sous un autre jour, dit-il. Il y en a pour qui c’est une quête de sens, être parmi les initiés qui auraient des réponses à des questions complexes.»

Quand on leur demande ce que le gouvernement peut faire pour freiner la montée du phénomène, tous les partis d’opposition évoquent la nécessité d’être transparent.

«Un des meilleurs remèdes contre la méfiance, c’est la transparence», dit Gabriel Nadeau-Dubois. «La première chose que le gouvernement peut et doit faire pour aider à la lutte contre la COVID-19, c’est d’être d’une clarté absolue et d’une transparence complète.»

Selon lui, le gouvernement de François Legault n’a pas toujours répondu à cette exigence depuis le début de la pandémie. Il cite en exemple le nouveau système d’alertes régionales par paliers de couleurs en place depuis la semaine dernière.

«On comprend quelle région est quelle couleur, mais ce n’est encore pas assez transparent sur quels sont les critères et ce que ça veut dire quand une région passe d’une région à l’autre», déplore-t-il.

La porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, Marie Montpetit, a d’ailleurs fait une sortie similaire mardi en conférence de presse, accusant le gouvernement Legault d’avoir manqué de transparence, de cohérence et de précision dans sa gestion de la pandémie. «C’est ce qui a manqué durant la première vague et c’est ce à quoi on s’attend durant cette deuxième vague qui nous pend au bout du nez», a-t-elle déclaré.

Pascal Bérubé ajoute aussi qu’il est difficile pour les députés des partis d’opposition d’évaluer la performance du gouvernement Legault puisque la teneur des échanges entre la Santé publique et le gouvernement ne leur est pas divulguée.

Un dialogue nécessaire

Tant que le tout est fait dans le respect, Pascal Bérubé est ouvert au dialogue avec les adeptes des théories du complot. «Je ne veux pas les blâmer, mais j’aimerais échanger avec eux. Parfois c’est difficile, c’est une croyance qui est bien ancrée», dit-il.

Son ton semble s’être adouci par rapport à sa sortie du mois de mars, où il avait enjoint ceux qui «s’isol[ent] du consensus scientifique» à «s’isoler de leur clavier et à cesser de nuire aux efforts collectifs».

Ce changement de ton pourrait d’ailleurs produire de meilleurs résultats, alors que des experts soulignent l’importance de ne pas aliéner davantage les adeptes de ce courant de pensée pour éviter de les radicaliser davantage.

C’est aussi la stratégie prônée par Gabriel Nadeau-Dubois.

«Il ne faut surtout pas tomber dans une dynamique où on pointe les gens du doigt et on traite de tous les noms d’oiseaux les gens qui posent des questions, qui sont sceptiques», dit-il.

«Il faut être clair dans la communication; il faut rappeler pourquoi on fait l’exercice qu’on fait. Il faut admettre que c’est pas facile; il faut admettre que les efforts à faire sont parfois désagréables. Et c’est comme ça, je pense, qu’on va limiter la montée des idées les plus farfelues et les plus dangereuses.»

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