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Comment demander à des clowns de garder un secret de Polichinelle?

En février 1998, j'ai reçu un coup de fil d'un certain photographe du nom de Daniel Ouellette, un sympathique monsieur qui recherchait des clowns pour un produit, sans toutefois plus de précisions. Au bout d'une quarantaine de minutes, il a interrompu la conversation en disant: «Frederico, c'est parfait! Je vais te révéler le secret.»
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On ne me fouettera jamais pour avoir écrit ce texte. Raif Badawi, lui, a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans prison pour avoir blogué.

Je me rappelle l'année 1982, alors que les élèves de la classe de Monsieur André Taillon avaient entrepris une collection de timbres. C'était une occasion pour nous d'apprendre l'histoire de notre pays, et je me souviens d'avoir lancé à la blague qu'un jour j'aurais un timbre à mon effigie. Cette boutade avait provoqué le rire général, moi y compris. C'est une chose impossible à s'imaginer.

Lorsque le réputé journaliste et chroniqueur philatélique Denis Masse a eu vent de notre histoire, il nous a convaincus de révéler ce qui était pour nous un secret de Polichinelle bien difficile à contenir.

C'est en ces termes qu'il fit paraître l'exclusivité à l'échelle nationale:

« Le 1er octobre 1998, la famille Iuliani a réussi un sacré tour en apparaissant comme par enchantement sur des timbres-postecanadiens. Les quatre timbres de 45 cents, consacrés au cirque, sont ornés des figures de personnages que l'on voit traditionnellement dans le fameux "cercle magique", lieu sacré où les clowns exécutent leurs numéros. Comme il se trouve que l'un d'entre eux est le père de l'autre, ce fut la première fois dans l'histoire postale canadienne que l'on a pu voir un duo père-fils sur deux timbres d'une même émission. » C'est un hommage rendu à l'art du cirque à l'occasion du 200e anniversaire... puisque le premier spectacle de cirque au Canada fut donné le 5 septembre 1797 par la troupe de John Bill Rickets.

J'étais très honoré que ce privilège puisse être considéré comme un prolongement de la démarche artistique du Cirque national des clowns, qui est de perpétuer la tradition clownesque et surtout d'en relater l'histoire. Une mention de félicitation fut aussi proclamée au Parlement du Canada, à l'initiative du député de notre municipalité de Verdun. Nous avions tous rigolé de voir des élus applaudir des clowns à la Chambre des communes.

Je vous révèle donc l'histoire qui se cache derrière cet accomplissement hors du commun et inattendu

En février 1998, j'ai reçu un coup de fil d'un certain photographe du nom de Daniel Ouellette, un sympathique monsieur qui recherchait des clowns pour un produit, sans toutefois plus de précisions. C'était confidentiel, disait-il, ce qui sema l'incertitude en moi, mais qui, surtout, titilla ma curiosité. J'ai eu quelques hésitations, pensant qu'il pouvait s'agir d'une arnaque, mais j'ai poursuivi la conversation en expliquant notre démarche artistique et notre passion pour la recherche historique circassienne, dans notre famille.

Au bout d'une quarantaine de minutes, il a interrompu la conversation en disant : «Frederico, c'est parfait! Je vais te révéler le secret. Il s'agit d'une émission de timbres consacrés au cirque.» C'est alors que je me suis ressaisi, puisque j'avais les deux pieds installés confortablement sur mon bureau, installé au sous-sol de ma demeure. J'ai écarquillé les yeux, mon cerveau s'est mis à tourner au triple tour, et mon cœur à battre la chamade. J'avais au bout du fil une occasion en or, et il n'était pas question de la perde! Je devins donc nerveux et volubile, ce qui en soi est tout un pléonasme. Il me dit que le mandat était de trouver des clowns traditionnels de cirque, des vrais. Ceux qui ont fait le métier de la piste. Je m'apprête à recommencer mon laïus, pour être certain de bien lui vendre l'idée, mais il m'interrompit denouveau. Il me dit que c'était inutile, qu'il tenait à me rencontrer le lendemain matin à son bureau... avec des photos. Je n'en croyais pas mes oreilles.

Le lendemain, je l'ai rencontré et il a tout de suite été séduit par la qualité des costumes, des maquillages, de la recherche historique, bref, il avait là de véritables clowns de cirque.

Monsieur Ouellette m'a demandé de me rendre disponible, avec mes collègues, pour une rencontre avec deux émissaires de Postes Canada, responsables de la création des nouveaux produits philatéliques. Je lui ai confirmé que nous étions disponibles, toutefois, je n'en étais pas tout à fait certain! Je suis donc sorti donner quelques coups de fil à mon père, Giovanni Iuliani (Patapouf), Sylvain Provost (Cachou) et Mélanie-Vanessa David, leur intimant de tout laisser tomber et me rejoindre sans délai, sans poser de questions et surtout sans trop intervenir dans la discussion. On nous a expliqué qu'il y avait un comité qui déterminait les sujets des émissions, et que le thème du cirque avait bien failli ne pas être retenu... que l'équipe du Québec avait remporté le mandat et que Monique Dufour et Sophie Lafortune agiraient à titre de conceptrices, Paule Tibo, d'illustratrice, et Daniel Ouellette, de photographe. S'est joint à l'équipe notre maquilleur et concepteur visuel Gary Wyatt.

En moins de quelques minutes de salutations, de discussions, et naturellement de rappel que le tout était sous le couvert de la confidentialité, ,le photographe coordonnait les séances photos. Pardon? Moi qui pensais mener la conversation, je n'avais aucune idée de ce qui venait de se produire. J'étais encore en train d'essayer de vendre ma salade, de faire des pieds et des mains pour participer à ce projet...Me voyant un peu dépassé et confus, les émissaires me regardent avec un sourire et me disent: « Frederico, c'est réglé, nous travaillerons avec vous! » Un tourbillon d'émotions m'emporta, un mélange de joie et d'un sentiment profond qu'un vent nouveau et un important jourvenaient de se lever. Un appel anodin et une rencontre bien particulière bouleverseraient donc ma carrière.

Combien avions-nous étés payés?

Le montant est dérisoire, sans aucune importance. Pensez à un chiffre, n'importe lequel... C'est encore moins que cela. Nous n'avions aucune idée du montant à facturer pour une telle utilisation de notre image, pour ce type de produit. Impossible de demander à qui que ce soit. Nos prédécesseurs, sur des timbres, étaient tous décédés ou habitaient le palais de Buckingham à Londres! J'ai plutôt opté pour obtenir la reconnaissance pour notre travail, que nos noms apparaissent dans tous les documents officiels et, surtout, que nous participions à la mise en marché et à l'opération médiatique. C'était la première fois que cela se produisait ainsi avec la Société des postes. Le tout a été rendu possible grâce à l'implication de notre député fédéral de l'époque, M. Lavigne, et du président de Postes Canada, M. André Ouellet. Toutefois, il était primordial de ne rien révélé avant le lancement officiel des timbres! Imaginez-vous combien il m'a été pénible de garder ce secret pendant huit longs mois! Une rumeur courrait que le lancement aurait lieu au Cirque du Soleil, ce qui n'était pas du tout approprié, puisqu'il ne s'agissait pas de leur travail, mais bien de celui du Cirque national des clowns. Un compromis a été trouvé et le lancement a été organisé dans les anciens locaux de l'École nationale de cirque à la gare Dalhousie, devenue depuis les quartiers généraux du célèbre Cirque Éloize.

Lors du dévoilement des timbres, de somptueuses bannières en soie de 24 pieds de haut furent déployées. Puis, les véritables clowns sont apparus. Ce fut un moment magique et unique. Un événement-satellite de séances de signature a été par la suite organisé dans le petit bureau de poste de Verdun. L'organisation d'un événement local était primordiale pour nous, afin de remercier la collectivité qui nous a soutenus depuis nos débuts. Cette aventure est unique dans une vie. De plus, nous avons été les premières personnes vivantes, outre la royauté, à apparaître sur des timbres-poste canadiens. Plus de 13 millions de timbres-poste ont été imprimés.

CONCOURS

Je vous invite à participer à un concours sur ma page Facebook, vous aurez la chance de gagner un cadre avec le feuillet-souvenir des quatre timbres autographiés par les clowns et le pli Premier Jour. D'une valeur inestimable pour tout collectionneur avisé!

Note de l'auteur Je me lance dans un projet particulier, lequel nécessite le plus grand investissement qui soit dans mon cas, celui de l'humilité. Chaque dimanche, je publierai sur mon blogue au Huffington Post Québec un texte autobiographique. Parfois, les récits et les anecdotes pourront paraître invraisemblables. Mes histoires choisies, elles, seront vraies. En fait, tout sera dans la manière que j'aurai de vous raconter ces petits bouts d'existences, d'observations et de perceptions.

En les écrivant, c'est un peu comme si je les conservais dans une capsule temporelle, afin de ne rien oublier. Juste au cas. Traduites dans plus d'une vingtaine de langues grâce à des collaborateurs, elles seront également diffusées via mon site fredolini.com et sur ma page Facebook. Ensuite, ces textes seront regroupés et publiés sous forme de livre. C'est donc une fabuleuse aventure toute en écriture que j'entreprends. J'espère qu'elle saura toucher le cœur des gens, surtout le vôtre. C'est donc un rendez-vous!

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Avril 2018

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