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L’histoire tragique d’une jeune fille de 24 ans qui souffrait intérieurement

Il doit y avoir une refonte de notre système dans les urgences afin d’hospitaliser les personnes souffrant d’une psychose avec une dangerosité plus ou moins imminente.
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Nous vivons une sorte de déshumanisation de notre système de santé, d'autant plus que présentement, notre système de santé ne suffit pas et nos urgences débordent.
Francesco Carta fotografo via Getty Images
Nous vivons une sorte de déshumanisation de notre système de santé, d'autant plus que présentement, notre système de santé ne suffit pas et nos urgences débordent.

En ce moment, une pétition émise par l'Assemblée nationale du Québec circule pour sensibiliser la population sur le fait qu'une personne atteinte d'une maladie mentale et qui souffre de psychose peut devenir dangereuse pour elle-même et pour les autres.

Cette pétition va permettre aux familles d'avoir plus de latitude pour hospitaliser leur proche en état psychotique avec une dangerosité qui, parfois, nous décide à demander une ordonnance d'évaluation psychiatrique comme la P-38 au Palais de justice de notre région pour obliger la personne à se faire soigner contre son gré.

Cependant depuis l'affaire «JF contre l'Hôpital Jean-Talon» survenue en mars 2018, il semble plus difficile d'hospitaliser quelqu'un contre son gré, car la dangerosité doit être imminente.

Voici l'histoire récente d'une mère anéantie par la mort de sa fille

«Ma fille est décédée à l'âge de 24 ans. Elle souffrait de maladie mentale et de dépendance aux drogues. Tout cela a débuté vers 18 ans et, pendant six ans, nous avons vécu des périodes difficiles.

Le cannabis pour débuter, deux ans plus tard la cocaïne, la méthamphétamine, le cristal met et, dans les deux dernières années, l'héroïne. Il faut dire que c'était des ajouts, car elle prenait ce qu'elle pouvait se procurer en dernier. Cela a lourdement affecté sa santé mentale et on a eu recours à la P-38 à deux reprises pour une évaluation psychiatrique, mais sans toutefois obtenir de succès dans cette démarche, car la psychiatre disait à Catherine «je te propose la désintoxication sur une base volontaire, car malheureusement, je ne peux bien évaluer ton problème de santé mentale en étant intoxiquée».

Après quatre reprises à l'urgence pour P-38 ou par elle-même, en détresse, elle présente des signes d'idées suicidaires, de psychose et elle mélange les drogues, ce qui amplifie ses crises... n'est-ce pas assez pour dire que c'est un danger imminent?!

Ça a l'air que non, car la même réponse revenait toujours: il est impossible de faire un diagnostic juste et clair si la personne est intoxiquée et refuse la désintox! Ok, encore là c'est logique... Mais si c'est rendu que la personne est inapte à comprendre son état et se met à risquer sa vie en consommant autant et devient de plus en plus affectée au niveau de sa santé mentale... À qui alors d'agir???

Chose qui n'a jamais été faite pour Catherine, elle a été laissée à elle-même avec son mal de vivre. Plus elle souffrait, plus elle s'enfonçait dans la drogue, car la seule chose qu'elle voulait c'était de ne plus ressentir le feu qui la brûlait à l'intérieur, c'était invivable pour elle. Pourquoi la psychiatre n'a pas fait cette démarche en six ans? Par peur de la Charte des droits et libertés?!...

Certains bons psychiatres font les démarches, mais ils ne sont qu'une minorité. Il faut qu'ils appliquent leur pratique sans passer par-dessus la sécurité pour soigner et traiter un patient à risque pour sa santé.

On parle de manque de vouloir et non de pouvoir...

Dès la première psychose de Catherine et sa tentative de suicide, il y a trois ans, si l'ordonnance de désintoxication et la thérapie fermée avaient été demandées, j'ai la certitude que son état aurait pu s'améliorer.

Au lieu de ça, trois ans se sont ajoutés avec plus de souffrance et de destruction par la drogue, deux surdoses de Fentanyl, une santé détériorée, un sentiment d'être laissée à elle-même, car malgré la multiplication de ses appels à l'aide, dont une en mai 2018, à l'urgence, on ne l'a pas référée en psychiatrie.

Elle est sortie de Charles-LeMoyne malgré ses palpitations et son état amaigri par la consommation. On lui a fait voir une intervenante en drogue pour évaluer sa consommation, type de drogue, fréquence et remis des numéros de téléphone de ressources pour une désintox volontaire! Catherine avait ce qu'on appelle les troubles concomitants.

Six ans... même réponse...

Elle est sortie de là avec le sentiment de ne pas avoir été écoutée ni prise au sérieux, se sentant abandonnée par le système: une «nobody» de la société qui se détruit... Tant de préjugés encore envers ces personnes qui souffrent!

Ceci a eu un impact déterminant sur la suite... elle a compris qu'elle ne s'en sortirait pas. Elle s'est enfoncée jusqu'à ce que mort s'ensuive une nuit du 16 août, par surdose de cocaïne et méthadone. Elle est morte seule dans sa solitude et sa souffrance au lieu d'être considérée comme un être humain tout simplement malade qui avait besoin de bons soins. Pour moi, c'est inacceptable.

Le code de déontologie est clair, les professionnels ont prêté serment et ils doivent s'assurer de la sécurité du patient et le soigner ou le référer à un collègue qui pourra le prendre en charge.

Dans La Presse du 3 septembre 2018, le Dr Jean-François de la Sablonnière, chef du service de psychiatrie au CISSS du Bas-Saint-Laurent, se dit «toujours très, très irrité» lorsqu'il lit ces histoires de «familles désespérées, découragées, tombées dans la "porte tournante"».

«Elles ont emmené leur proche visiblement psychotique, avec un problème de consommation, et se sont heurtées à l'impuissance du système médical. Mais traiter un malade qui n'est pas conscient qu'il est malade parce que sa maladie l'empêche d'être conscient qu'il est malade, pour nous, c'est juste du gros bon sens. C'est de la bienveillance.»

Les autorisations judiciaires de soins, elles, ont doublé en seulement dix ans.

Personne n'est à l'abri de la maladie mentale, surtout que les prochaines années vont apporter leur lot de problèmes de toutes sortes et qui toucheront de plus en plus de personnes dans une société fragilisée par divers problèmes de santé mentale.

Nous vivons une sorte de déshumanisation de notre système de santé. Avec la légalisation du cannabis, nous croyons que la situation va s'aggraver. D'autant plus qu'on veut élargir la façon de le consommer: muffins, bonbons ou boissons, et ce, sans tenir compte des conséquences.

Présentement notre système de santé ne suffit pas et nos urgences débordent.

On constate qu'il manque de centres de thérapie subventionnés par l'État, comme le Portage. De plus, il y a une pénurie au niveau du personnel qualifié, notamment dans les départements psychiatriques. Alors, ce sont les personnes vulnérables, fragiles et souffrantes qui écopent le plus souvent.

Nous croyons sincèrement qu'il doit y avoir une refonte de notre système dans les urgences afin d'hospitaliser les personnes souffrant d'une psychose avec une dangerosité plus ou moins imminente. Elles doivent être prises en charge même si la personne ne veut pas se faire soigner.»

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