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Trans Mountain: un gouffre financier en devenir

Après avoir déboursé 4,5 G$ pour un vieux pipeline, le gouvernement devra maintenant retourner faire ses devoirs.
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L’ironie du sort a aussi fait en sorte que le jour même où les actionnaires ont donné leur aval à la vente, la Cour fédérale d’appel rendît un jugement dans lequel elle annulait le décret d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.
Dennis Owen / Reuters
L’ironie du sort a aussi fait en sorte que le jour même où les actionnaires ont donné leur aval à la vente, la Cour fédérale d’appel rendît un jugement dans lequel elle annulait le décret d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.

De père en fils, il semble y avoir chez les Trudeau une fascination inexplicable pour le pétrole albertain. Est-ce causé par un manque d'amour des provinces de l'Ouest qui ne les ont jamais appréciés ou par l'influence néfaste d'une industrie trop puissante?

Difficile à dire, mais ce qui est certain toutefois, c'est que l'aventure de Trudeau père avec son «programme énergétique national» et la nationalisation de Petro-Canada dans les années '80 ont mené à un échec cuisant qui a coûté une fortune en fonds publics. Or, avec la décision du fils de nationaliser l'oléoduc Trans Mountain, on a la drôle d'impression que l'expérience risque de se répéter encore une fois.

Déjà, le gouvernement Trudeau a signé un contrat de 4,5 G$ avec Kinder Morgan Canada pour acquérir un pipeline dont la valeur aux états financiers n'était que de 2,5 G$. Flairant la bonne affaire face à un gain potentiel colossal, c'est donc sans surprise que les actionnaires ont accepté l'offre le 30 août dernier. Un profit faramineux pour les actionnaires, et ce, aux frais des contribuables.

Il faut croire qu'on n'a même plus le loisir de se faire avoir dans notre langue.

Pour ajouter l'insulte à l'injure, soulignons que le fameux contrat a été rédigé «in English only» alors que les politiques officielles du gouvernement fédéral obligeaient le ministère des Finances à fournir le contrat dans les deux langues officielles. Pourtant, l'engagement d'une masse d'argent public de cette ampleur sera certainement très lourd de conséquences pour les Québécois. Il faut croire qu'on n'a même plus le loisir de se faire avoir dans notre langue.

L'ironie du sort a aussi fait en sorte que le jour même où les actionnaires ont donné leur aval à la vente, la Cour fédérale d'appel rendît un jugement dans lequel elle annulait le décret d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain.

Le gouvernement n'avait pas consulté adéquatement les Premières nations et l'ONÉ avait négligé d'évaluer les effets environnementaux du trafic pétrolier sur le territoire traversé par l'oléoduc.

Le gouvernement canadien n'avait pas consulté adéquatement les Premières nations et l'Office national de l'énergie (ONÉ) avait négligé d'évaluer les effets environnementaux du trafic pétrolier sur le territoire traversé par l'oléoduc. Après s'être fait un malin plaisir à reprocher aux conservateurs de ne pas avoir suffisamment consulté les communautés autochtones dans le projet de pipeline Northen Gateway, voilà que les libéraux se font prendre à leur tour. Justin Trudeau, le prétendu ami des Premières nations, leur passe maintenant sur le corps sans ménagement.

Mieux faire ses devoirs

Ainsi, après avoir déboursé 4,5 G$ pour un vieux pipeline, le gouvernement devra maintenant retourner faire ses devoirs. Malgré tout, il refuse toujours de dévoiler ses estimations de la facture finale. Or, avant même ce revirement, des documents internes de Kinder Morgan indiquaient que le coût de construction du nouveau pipeline pourrait atteindre 9,3 G$. Il reste aussi à évaluer combien coûteront les batailles à venir avec les autochtones, les groupes environnementaux et la Colombie-Britannique. On n'a pas fini de payer.

Justin Trudeau promet à la Chambre des communes depuis trois ans qu'il va en faire plus que Stephen Harper pour le pétrole de l'Alberta.

Il faut dire que les libéraux ont tout fait pour faire monter les enchères. Accusé par les conservateurs de nuire à l'industrie des sables bitumineux, Justin Trudeau promet inlassablement à la Chambre des communes depuis trois ans qu'il va en faire encore plus que Stephen Harper pour le pétrole de l'Alberta. Cependant, face à l'abandon du projet Énergie-Est, de Northen Gateway, ainsi que devant les sérieuses difficultés de Keystone XL, le gouvernement voit les projets de pipelines canadiens échouer les uns après les autres. À un an des prochaines élections, ils n'ont plus le choix de livrer la marchandise. Maintenant qu'ils se sont peinturés dans le coin, ce sont les contribuables qui risquent d'en faire les frais.

Construire ce nouveau pipeline est carrément incompatible avec l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris.

Le premier ministre Trudeau a bien beau vouloir utiliser la Constitution et invoquer le prétexte de l'intérêt national pour forcer la construction de l'oléoduc Trans Mountain, il devrait comprendre que son nationalisme pétrolier ne sert en rien l'intérêt national et encore moins l'intérêt planétaire, tant d'un point de vue financier que d'un point de vue environnemental. Construire ce nouveau pipeline est carrément incompatible avec l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris. Être vert, ça ne se limite pas à lancer un slogan creux de temps en temps, les bottines doivent suivre les babines.

À peine entamée depuis quelques mois, la saga du pipeline de Kinder Morgan est déjà digne d'un mauvais vaudeville. On a ici la recette parfaite d'un gigantesque désastre financier. Il faut donc arrêter, pendant qu'il est encore temps, si on veut éviter un autre Muskrat Falls.

Rappelons qu'à l'origine, ce projet devait coûter 6 G$ et qu'il approche maintenant les 13 G$. Ce projet est en train de mettre Terre-Neuve en faillite et, grâce à la garantie de prêt offerte par le fédéral, c'est bientôt nous qui allons ramasser les pots cassés. L'appartenance à la fédération canadienne a décidément un prix de plus en plus élevé.

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