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Tueurs en série: la troublante relation entre leur emploi et les meurtres commis

L’occupation professionnelle et les meurtres effectués en série sont souvent reliés et certains emplois, tant à temps plein qu'à temps partiel, sont étrangement surreprésentés chez ce type de tueurs.
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Joseph James DeAngelo, 72 ans, soupçonné d'être le «Golden State Killer», responsable d'au moins une douzaine de meurtres et de 50 viols dans les années 1970 et 1980, est traduit en justice à la Cour supérieure du comté de Sacramento, en Californie. Les professions exercées par DeAngelo correspondent au profil des tueurs en série et des psychopathes.
ASSOCIATED PRESS
Joseph James DeAngelo, 72 ans, soupçonné d'être le «Golden State Killer», responsable d'au moins une douzaine de meurtres et de 50 viols dans les années 1970 et 1980, est traduit en justice à la Cour supérieure du comté de Sacramento, en Californie. Les professions exercées par DeAngelo correspondent au profil des tueurs en série et des psychopathes.

L'arrestation l'an dernier de l'insaisissable Golden State Killer, dans ce qui a été sans doute la plus difficile et troublante constellation d'affaires non résolues interconnectées de l'histoire américaine, a soulevé plus de questions que de réponses.

L'une de ces questions est de savoir comment un cambrioleur, violeur et meurtrier en série a pu agir dans de si nombreux endroits simultanément et, tout comme dans le cas de Paul Bernardo au Canada, sans que les autorités policières ne puissent faire de connexions entre ces crimes commis dans plusieurs villes différentes.

Une autre question, évidemment, est de savoir comment un policier comme Joseph DeAngelo, la personne accusée d'être le tueur du Golden State, finalement trahi par son ADN, a pu faire preuve d'une telle brutalité sadique au cours de sa carrière brève et troublée au sein des forces policières.

Des questions semblables ont été soulevées par le passé à propos d'autres criminels, tueurs en série, dont les emplois inoffensifs, voire vertueux, ont semblé dissimuler les horreurs qu'ils commettaient en se camouflant sous un vernis de respectabilité. On pense à ce Canadien tristement célèbre, le colonel Russell Williams (qui a déjà piloté un avion de dignitaires, entre autres la reine Élisabeth), et au propriétaire moins connu d'une boutique d'électronique, un homme d'affaires bien en vue de Nashville, Tom Steeples, qui a tué trois personnes pour le simple plaisir avant de se suicider alors qu'il était en garde à vue.

En fait, l'occupation et les meurtres en série sont souvent reliés et certains emplois, tant à temps plein qu'à temps partiel, sont étrangement surreprésentés chez les tueurs en série. Si bien qu'au cours des 50 dernières années, certaines tendances dominantes sont apparues.

Comme exposé dans mon livre récent, Murder in Plain English, ces occupations sont réparties en quatre catégories selon les qualifications, la formation et le roulement. Certaines pourraient vous surprendre, d'autres pas.

Répartition des emplois des tueurs en série

Trois premiers métiers spécialisés des tueurs en série: 1. Machiniste/assembleur d'aéronef; 2. Cordonnier; 3. Rembourreur automobile.

Trois premiers métiers semi-spécialisés des tueurs en série: 1. Travailleur forestier/arboriste; 2. Camionneur; 3. Gérant d'entrepôt.

Trois premiers métiers non spécialisés des tueurs en série: 1. Manœuvre (déménageur, paysagiste, etc.); 2. Bagagiste d'hôtel; 3. Pompiste.

Trois premières professions/fonction publique: 1. Agent de police/sécurité; 2. Personnel militaire; 3. Autorité religieuse.

Évidemment, toutes les personnes qui occupent ces emplois ne sont pas des tueurs en série ni sont susceptibles de le devenir!

Mais il y a quelque chose concernant ces emplois qui attire viscéralement les délinquants ou qui nourrit les impulsions des tueurs en série en devenir, ce qui fait qu'ils sont curieusement surreprésentés dans cette classe rare de meurtriers.

DeAngelo, le tueur présumé du Golden State, par exemple, a effectivement occupé trois de ces emplois au cours de sa vie: agent de police, militaire (il avait précédemment fait partie de la marine) et, de façon marginale, camionneur, bien que sa carrière après son emploi de policier (il a été congédié en 1979 pour vol à l'étalage) se soit passée en grande partie comme mécanicien pour une flotte de camions frigorifiés d'une épicerie.

Époque révolue

Après un examen plus attentif de ces occupations, on découvre une époque révolue en termes d'emplois disponibles — des occupations qui, tout en étant répandues et accessibles aux tueurs des années 60, 70 et 80 — sont maintenant largement désuètes. Le marché de l'emploi change et, par conséquent, la relation troublante, mais légitime entre le meurtre et le travail.

Le passage vers une économie typiquement contractuelle, basée sur les services et propulsée par la technologie, ce qu'on appelle souvent le travail précaire, parallèlement avec la disparition des cheminements de carrière plus traditionnels, auront évidemment des effets marqués non seulement sur les emplois occupés par les délinquants, mais aussi sur la façon dont ils s'emparent de leurs victimes.

Tel qu'abordé dans mon livre à venir, Monster City, il y a eu une hausse abrupte de meurtres en série à Nashville avec l'éclosion de la «nouvelle» musique country dans les années 80 et 90, offrant aux tueurs en devenir un accès à de nouvelles victimes.

Les tueurs en série se servaient jadis du couvert de leur emploi pour traquer et attraper une victime spécifique ou des types de victimes (Dennis Rader, Roger Kibbe et Bruce Mendenhall nous viennent tous immédiatement à l'esprit). Mais une nouvelle recherche indique que les activités de loisir comme la musique, incluant les interactions en ligne, pourraient être la nouvelle voie qu'utilisent les tueurs en série pour se tenir à l'affût de leurs victimes.

C'est aussi là où, mentalement, ils mettent en scène leurs crimes: à mi-chemin entre un espace public hors ligne et un univers professionnel en régression.

Dans ce croquis, le tueur en série Bruce McArthur comparaît par vidéo devant un tribunal de Toronto en avril 2018.
CP/Alexandra Newbould
Dans ce croquis, le tueur en série Bruce McArthur comparaît par vidéo devant un tribunal de Toronto en avril 2018.

Dans ce contexte, nous verrons probablement arriver — en revenant une fois de plus sur le tueur en série de Toronto, Bruce McArthur, qui a plaidé coupable en février et écopé de 25 ans de prison ferme —des catégories professionnelles-récréatives floues pour classifier ces tueurs. Elles impliquent des dimensions de vie à la fois en ligne et hors ligne et ce nouveau paradigme nous forcera à ajuster la liste des emplois les plus communs parmi les tueurs en série.

Le risque, évidemment, c'est que l'«occupation» en question est toujours en train de changer. Une «occupation» désigne-t-elle par exemple un poste principal, un engagement à temps partiel, ou même juste un passe-temps rémunéré?

Les passe-temps ainsi que les professions à considérer?

Peut-elle aussi comprendre un passe-temps non rémunéré par lequel une personne se définit? Une consultation rapide des principaux «influenceurs» et «réseauteurs ouverts» de LinkedIn, par exemple, révèle que plusieurs personnes inscrivent en fait leurs passions et passe-temps, et non leur emploi rémunéré, comme occupation première.

Dans le cas McArthur, nos constatons que même s'il correspond à la catégorie «manœuvre», en tant que paysagiste et non juste comme tondeur de gazon, de même que propriétaire de sa propre entreprise, il ne répond à aucune définition professionnelle claire.

Et pourtant, comme nous l'avons déjà appris par la découverte morbide du charnier sur la propriété d'un client sur Mallory Crescent à Toronto, l'occupation de l'accusé était primordiale dans la commission des crimes et dans la façon dont il a disposé des victimes — elle faisait partie intégrante de son modus operandi.

Alors que plusieurs tueurs se servent de leur emploi comme prétexte pour attraper des victimes vulnérables, obtenir de l'information ou assouvir des fantasmes de violence pour des raisons que ne nous ne comprenons pas encore entièrement, dans le cas de McArthur, l'occupation a facilité l'aboutissement de de ses crimes, et non leur inspiration, comme dans le cas du «cannibale de Milwaukee», Jeffrey Dahmer. Ce dernier a déjà admis que son travail comme opérateur dans une fabrique de chocolat avait éveillé en lui des pulsions d'homicides et de nécrophiles qu'il aurait autrement écartées.

Qu'en est-il des psychopathes?

Alors que nous commençons à redessiner la carte associant les cheminements des carrières et les meurtres en série, il peut aussi être utile d'observer une autre liste plus connue des occupations surreprésentées chez les psychopathes.

Même si les psychopathes ne sont pas tous des tueurs en série, la psychopathie — ou à tout le moins, la possession de traits psychopathes — est un dénominateur commun chez les tueurs en série, les agresseurs sexuels et la plupart des criminels violents.

Voici leurs 10 premières occupations selon un psychologue de l'Université d'Oxford:

  1. PDG ou cadre d'entreprise
  2. Avocat
  3. Personnalité des médias
  4. Vendeur
  5. Chirurgien
  6. Journaliste ou chef d'antenne
  7. Policier
  8. Autorité religieuse
  9. Chef cuisinier
  10. Divers postes de fonctionnaires (militaire, conseil municipal, service correctionnel, etc.)

En recoupant les deux listes, nous pouvons voir que même au sein d'une économie en perpétuel changement, certains emplois semblent toujours plus attirants pour des personnes au sujet desquelles nous serons stupéfaits d'apprendre plus tard qu'elles avaient réussi à s'acquitter de ce type de travail tout en étant des monstres parmi nous.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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