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Un appel en préparation pour Justin Bourque

Un appel en préparation pour Justin Bourque
CP

Radio-Canada a appris qu'une avocate québécoise se prépare à porter la cause de Justin Bourque en appel, un an après qu'il eut été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant 75 ans. Justin Bourque a abattu trois policiers de la GRC et en a blessé deux autres lors d'une fusillade à Moncton, le 4 juin 2014.

L'avocate criminaliste Me Joëlle Roy, du cabinet Gagné & Roy de Saint-Jérôme au Québec, prépare le dossier pour porter la cause en appel. Radio-Canada a joint Me Roy mais cette dernière a refusé d'accorder une entrevue à ce sujet.

Elle confirme cependant représenter Justin Bourque et l'avoir rencontré récemment.

Dans un échange de courriel, l'avocat qui représentait Justin Bourque lors de son procès, David Lutz, confirme, « avoir reçu une lettre il y a 6 à 8 mois avec la signature de Justin Bourque disant qu'il voulait [qu'une avocate du Québec] le représente ». Me Lutz lui a fait parvenir le dossier.

L'avocat criminaliste québécois Jean-Claude Hébert, qui avait déclaré il y a un an qu'il y avait eu une injustice profonde dans ce dossier, a d'ailleurs offert sa collaboration à Me Roy pour évaluer le potentiel d'un tel appel.

« Le mandat comme tel doit venir de M. Bourque et l'avocate m'a dit qu'elle a fait des démarches pour rencontrer M. Bourque au pénitencier où il est détenu et elle a éprouvé toutes sortes de difficultés administratives, de sorte que lors de la dernière discussion qu'on a eue ensemble, elle n'avait pas pu le rencontrer encore », a-t-il déclaré.

Les arguments évoqués pour faire appel, selon Jean-Claude Hébert :

1. Une loi qui permet d'imposer une peine cruelle et inusitée, en vertu de laquelle Justin Bourque a été condamné à 75 ans de prison - une loi qui est contraire à la Charte des droits et des libertés.

2. La façon expéditive dont on a judiciairement traité le dossier. La capacité mentale de Justin Bourque au moment des faits qui n'a pas été examinée.

Selon Jean-Claude Hébert, il n'est pas trop tard pour faire appel, même un an après le rendu de la peine.

« Quand on regarde la conséquence de la peine infligée, je ne pense pas que la Cour d'appel se limiterait à dire " vous auriez dû y penser avant; un an, c'est trop tard ". Je pense qu'il y a des circonstances tellement exceptionnelles dans cette affaire là », dit Me Hébert.

L'appel n'a pas encore été déposé en cour. L'échéancier pour le faire n'est pas connu, mais le travail préparatoire a commencé, selon Me Hébert.

Bataille constitutionnelle

Le criminaliste néo-brunswickois Jean Sauvageau estime que porter la cause en appel serait « une bonne nouvelle », puisque jamais un Canadien n'a été condamné à trois peines de prison à vie consécutives (75 ans).

« Je crois qu'il y a matière à explorer ça et je n'irais pas parier que la Cour suprême irait jusqu'à dire que c'est constitutionnel », affirme Jean Sauvageau.

En 2011 les conservateurs de Stephen Harper ont modifié le Code criminel pour permettre à un juge d'imposer des peines consécutives.

« On ne peut pas ignorer le fait qu'il y a une série de lois qui ont été adoptées depuis une dizaine d'années qui reposaient sur l'idéologie ou pire encore sur la séduction d'un vote d'un électorat qui correspond un peu à la base politique du gouvernement Harper », croit Me Hébert.

« C'est un énorme changement dans notre système de droit [...] et personne n'est allé en cour jusqu'à présent pour contester ça. »

— Jean Sauvageau, criminaliste

« C'est sain pour une société face à cette nouvelle donne là dans son droit pénal d'explorer plus à fond, parce que c'était loin d'être évident pour toute une série d'experts dans le domaine », explique-t-il.

Jean Sauvageau ajoute que la possibilité d'appel existe dans le système de justice canadien « pour que les juges plus expérimentés puissent réviser » une décision.

Une deuxième évaluation psychiatrique

Me Hébert réitère également que l'avocat de Justin Bourque, David Lutz, n'a pas pris les précautions d'usage pour s'assurer de la santé mentale de son client au moment des faits.

Justin Bourque lors de son interrogatoire.Justin Bourque lors de son interrogatoire.

« Ça prend des experts en santé mentale, psychiatre, psychologue, qui vont examiner l'accusé et venir rendre compte au tribunal. Ici on a escamoté complètement ce débat-là, ça ne s'est pas fait », croit-il.

Justin Bourque a subi une évaluation psychiatrique, mais seulement pour établir qu'il était apte à subir son procès.

« Pour ce qui est de la responsabilité criminelle, je ne suis pas convaincu qu'on trouve une conclusion différente. »

— Louis Thériault, psychiatre

Le psychiatre Louis Thériault n'est cependant pas convaincu que d'autres examens établiraient que Justin Bourque était non criminellement responsable au moment des faits.

« Il avait certainement eu une planification [...]. Ce sont des indices qui militeraient en la faveur que l'individu avait une connaissance qu'il avait commis un acte criminel », explique Louis Thériault.

D'après les informations de Nicolas Steinbach

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