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Un Français raconte sa nuit avec Magnotta, quatre jours après le meurtre

Un Français raconte sa nuit avec Magnotta
CP

Un Français qui a hébergé Luka Rocco Magnotta dans la nuit du 28 au 29 mai 2012 a été entendu lundi par le jury chargé de déterminer s'il est coupable du meurtre au premier degré de Lin Jun, commis quatre jours plus tôt. Jean-Christophe Robert affirme que l'accusé était « poli » et « courtois », mais qu'il l'a néanmoins senti « fébrile » par moments.

Un texte de François Messier

Le témoignage de M. Robert a été livré devant une commission rogatoire dépêchée à Nanterre le 26 juin dernier. Les 14 jurés ont donc entendu l'enregistrement de ce témoignage, dans lequel il était interrogé à la fois par le procureur de la Couronne, Louis Bouthillier, et l'avocat de Magnotta, Luc Leclair.

Jean-Christophe Robert explique être entré en contact avec Luka Rocco Magnotta vers la fin du mois d'avril ou au début du mois de mai 2012, par l'entremise du site de rencontres pour gais PlanetRomeo. Magnotta y utilisait le pseudonyme de Canadian22, mais avait demandé à son correspondant de l'appeler Luke.

Les deux hommes ont eu de cinq à sept échanges par écrit avant qu'ils ne se parlent une première fois au téléphone, vers la fin du mois de mai. Selon M. Robert, Magnotta lui avait annoncé son intention de venir s'installer en France à compter du 4 juin.

Or l'accusé est finalement arrivé beaucoup plus tôt que prévu, et lui a envoyé un message texte, le 27 ou le 28 mai. « C'est Luke. Je suis arrivé à Paris. Est-ce qu'on peut se voir? », pouvait-on y lire. M. Robert lui donne alors rendez-vous à son appartement de Clichy, en banlieue de Paris, le soir du 28 mai.

Selon M. Robert, Luka Rocco Magnotta est arrivé chez lui vers 20 h 30 ou 21 h ce jour-là. Ils ont alors pris deux apéritifs, puis partagé une bouteille de vin, en parlant de certains endroits où ils avaient habité tous deux, du moins selon ce que Magnotta disait, dont Washington, Los Angeles, Toronto et Montréal.

L'accusé lui a aussi raconté qu'il voulait travailler pour un service d'aide à domicile, et qu'il avait un ami en France qui pouvait l'aider à se placer les pieds.

Le témoin affirme que les deux hommes ont finalement cessé de discuter vers minuit. Il dit être allé dormir dans son lit, en laissant Magnotta dormir sur son canapé, parce qu'il était fatigué et qu'il avait bu. Il a assuré qu'ils n'avaient pas eu de relations sexuelles.

Le lendemain, a-t-il dit, Magnotta est partie de façon « un peu précipitée », disant avoir des rendez-vous. Jean-Christophe Robert dit l'avoir senti quelque peu « fébrile », comme il l'avait aussi constaté la veille. Il avait cependant mis cet état d'esprit sur le compte de l'alcool et du décalage horaire.

Les deux hommes ne se sont jamais reparlé.

Robert panique, mais appelle la police

Jean-Christophe Robert dit avoir appris que Magnotta était recherché pour le meurtre de Lin Jun le 1er juin 2012, lorsqu'il a consulté les nouvelles sur le site du Figaro pendant l'heure du midi. Il dit avoir « un peu paniqué » en voyant la photo de Magnotta dans l'avis de recherche lancé par Interpol.

Il a néanmoins contacté la police le soir même puisqu'il avait en sa possession deux informations qui pouvaient leur être utiles : le nom de l'hôtel où Magnotta résidait à Paris, et un numéro de téléphone qu'il avait utilisé.

M. Robert a admis qu'il n'avait pas révélé à la police que Magnotta avait couché chez lui, par crainte de ce que cela pouvait entraîner. Il a cependant précisé le tout lors de deux dépositions subséquentes.

Il a également réalisé dès le 3 juin 2012, en présence de la police, que Magnotta avait fermé son compte sur PlanetRomeo.

En contre-interrogatoire, l'avocat de Magnotta, Luc Leclair, a longuement interrogé le témoin sur ses pratiques sexuelles. Il a par exemple suggéré que le témoin, qui pratique le nudisme, avait en fait demandé à son client de se déshabiller dès son arrivée et de mettre ses vêtements dans la chambre à coucher.

« Pas dans la chambre à coucher » a alors réagi le témoin, avant de préciser par la suite qu'il ne se souvenait pas d'avoir demandé à son visiteur de retirer ses vêtements. M. Robert a également nié lui avoir demandé de se livrer à des pratiques sexuelles peu orthodoxes.

Me Leclair a également suggéré qu'il était prévu que son client couche chez M. Robert ce soir-là, mais ce dernier a nié.

Des scies et des couteaux utilisés pour démembrer la victime

Plus tôt en journée, le jury a entendu un expert en balistique, Gilbert Desjardins. Ce dernier a expliqué que les couteaux et la scie oscillante retrouvés dans les ordures de l'accusé pourraient avoir été utilisés pour démembrer l'étudiant chinois Lin Jun.

M. Desjardins, qui témoignait à titre d'expert en « marques et empreintes d'outils », dit avoir constaté des traces d'une scie sur une vertèbre de la victime. La largeur de la marque et les fines lignes qu'on y voit correspondent à ce type d'outil, a-t-il dit. Son expertise ne lui permet cependant pas de déterminer si la scie retrouvée est celle qui a été utilisée par Magnotta.

De la même manière, l'expert en balistique estime que des marques superficielles sur le corps de la victime ont été infligées à l'aide de couteaux ou d'un couteau à lame rétractable (exacto). Il ne peut cependant relier ces marques avec les couteaux retrouvés dans les ordures de l'accusé.

M. Desjardins n'a par ailleurs trouvé aucune trace d'une blessure qui aurait été infligée avec les ciseaux ou le tournevis récupérés par la police en même temps que les autres outils. Il conclut en outre que des marques constatées sur des photos du crâne de la victime pourraient correspondre au marteau qui se trouvait dans les ordures, mais il n'a pu en dire davantage.

Avant M. Desjardins, le jury a entendu le bref témoignage de Sylvie Bordelais. Cette dernière a expliqué qu'elle est la fille de Renée Bordelais, dont le nom et l'adresse civique ont été utilisés par l'accusé pour envoyer des colis contenant des parties de corps de la victime au Parti conservateur et au Parti libéral du Canada. Elle a affirmé que sa mère, octogénaire, n'avait jamais envoyé ces colis, et qu'elle ne connaît aucunement l'accusé.

Luka Rocco Magnotta est accusé du meurtre au premier degré de Lin Jun, d'outrage à son cadavre, de production de matériel obscène, d'utilisation de la poste pour le diffuser et de harcèlement envers le premier ministre Stephen Harper et d'autres membres du Parlement. Il reconnaît tous les faits de la cause, mais a néanmoins plaidé non coupable. Son avocat, Me Luc Leclair, entend le faire déclarer non criminellement responsable de ses gestes, en raison de troubles mentaux.

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