JMJ
Écolier, je me souviens, nous débutions toujours les dictées par la consécration JMJ inscrite dans la marge supérieure de chacune des pages du cahier ligné à doubles interlignes. Les sœurs tenaient à cette dédicace singulière, le Jésus Marie Joseph, à la Sainte Famille. Ce souvenir ravive en ma mémoire une évocation apaisante, sécurisante. Le cadre de référence était fixé, au rythme de l'enseignement des écoles catholiques publiques sous la gouverne des communautés religieuses. On nous inculquait déjà, enfant, l'esprit d'un cadre de vie rassurant et édifiant de la famille, par ces trois lettres majuscules JMJ.
Par cette simple évocation placée en exergue des travaux scolaires quotidiens, nous savions indirectement l'attachement que la sagesse chrétienne portait à la famille. D'élève en élève, de famille en famille, le tissu sociétal se tissait comme sur le métier les catalognes paysannes, en suivant un certain modèle identificateur...
Ce cadre éducationnel perdu, les bonnes Sœurs décoiffées - et les réformes opérant dans le sens d'un relativisme, d'un nihilisme, de l'égalitarisme, mais d'une certaine idéologie athéiste -, nous allions perdre la trame d'une histoire qui débutait par la référence aux traditions dont celles de la culture religieuse judéo-chrétienne. Ces trois lettres lumineuses et sécurisantes allaient sombrer dans la noirceur de l'ignorance du passé. Il ne faut pas s'étonner que rien ne finisse bien, et surtout de l'éphémère vie des couples désunis, quand tout tricot est laissé sur l'ouvrage sans nœud central...
La table est alors dressée pour l'éphémère, le relatif; la motivation est matérialiste, individualiste, totalement du domaine du bien consommable; que cela vacille et la terreur de l'angoisse s'installe ...
Il arrive que nous nous égarions en cours de vie, qu'une série d'évènements marquent un tournant à partir d'un point de bascule. Sans point d'amarrage, sans ancrage, le voilier individuel dérive, s'échoue, sombre...
Il y a de ces évènements qui se retrouvent à la croisée de l'histoire et de l'actualité, qui ont par leur nature même le potentiel d'influencer le déroulement de l'avenir, de sceller un destin.
... rien d'une telle séquence d'évènements n'est jamais finie, ne peut être repoussé du revers de la main en marge de l'oubli, à moins de ne point craindre qu'à terme le déroulement de l'histoire, comme celui de vies personnelles, ne soit stigmatisé de plaies de l'épreuve qui sans signification laissent en marge d'une salvatrice résilience.
Il faut bien que nous soyons brisés par la terreur des affres de la vie pour que soient appréciés la liberté et l'immense privilège de la lumière... Nous chérissons alors comme une grâce profonde les images que nous procurent les faibles facultés de nos yeux...
Il faut bien que les choses craquent pour que la lumière s'infiltre jusqu'au fond des âmes, et connaître la faim et la soif pour apprécier la valeur de la nourriture et de l'eau. Tel pour le corps, tel pour le cœur et l'âme encore...
Alors au creux de cet étrange déroulement de la vie, il arrive qu'une lueur révèle tout le bien et le bon qu'il est permis d'espérer par le truchement de repères que sont des valeurs de notre patrimoine religieux et de notre éducation.
L'indispensable référence à quelque chose de sur au milieu des cris stridents des cornes de brume est déjà évoquée par les trois lettres resurgis de la mémoire émotive de l'enfance: JMJ...
L'inscription JMJ fait une référence à la fois à des rites significatifs et à des valeurs cohésives, à des bouées de sauvetage pour que l'adulte, jeune ou moins jeune, ne sombre pas dans les profondeurs d'une eau noire et sombre...
«Le lendemain revint le Petit Prince. Le renard dit:
- Il eût mieux valu revenir à la même heure. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai à être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. À quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai: je découvrirai le prix du bonheur! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le coeur...Il faut des rites.
- Qu'est-ce qu'un rite? dit le Petit Prince.
- C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure des autres heures.»
Respecter un rite signifie que l'on accorde de l'importance aux choses ou aux êtres... aurait pu aussi ajouter le renard...
Extrait du Petit Prince de Saint-Exupéry...
S'appuyer sur des valeurs sures, c'est sortir de la solitude pour entrer dans la solidarité, c'est en tout cas en conserver l'espoir et alimenter une résilience salvatrice...
Cette «solitudarité» comporte le souhait que les jeunes aient accès dans leur bagage éducatif toute la vie durant à quelque chose profondément ancrée dans l'identité même d'un peuple.
je me souviens du temps où la tradition identitaire faisait racine de génération en génération - rien n'est immuable, mais en donne l'impression si l'évolution est lente et prend racine - pour le Bien et la certitude d'une vie significative.
Je me souviens du temps où nous allions - père et enfants - au bois, dans le boisée de la ferme familiale, choisir un sapin, le couper, le ramener en traîneau... C'est un moment où se reforge la légende d'un peuple; l'enfant s'inscrit dans le rite de la Nature, dans un ordre rassurant des choses; il suit devance la tradition, la halle jusqu'à la prochaine génération...
Je me souviens encore de la table familiale dressée à Noël comme pour certaines autres fêtes phare de la tradition judéo-chrétienne - Pâques, L'Action de Grâce -. La mère réservait une place et plaçait une assiette en attente d'un invité impromptu, d'un nécessiteux, ou dans l'espoir du retour d'un enfant prodigue. Cette tradition inscrit un espoir, l'espérance, la solidarité la compassion la communion avec sa communauté... l'ouverture aux autres... On attend toujours d'être invité, on attend toujours l'invité, on s'accroche à l'espoir d'un dialogue renoué...
Et puis voilà que le père, à l'orée d'un âge plus que certain, se met à espérer de connaître l'art d'être grand-père, que les enfants de ses enfants s'élancent vers lui dans un rire poussif et lumineux; qu'il soit le grand-père au regard plongé dans celui de l'enfant à rechercher l'espoir de l'horizon, à montrer le chemin à l'horizon, pour que l'espérance habite ces enfants, d'enfant en enfant, dans les siècles et les siècles
Santa Familia, el canto de la terrea
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