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Une vie de réfugiée: huit ans d’attente séparée de sa famille

Rencontre avec Kani Zari, une réfugiée iranienne au Danemark pour qui la migration ne s’est pas déroulée comme prévu.
Kani Zari
Camille Foisy
Kani Zari

Kani Zari a fui l’Iran pour chercher refuge au Danemark il y a huit ans. Comme plusieurs des 3800 demandeurs d’asile arrivés dans le pays nordique en 2011, elle a vécu dans différents camps de réfugiés, appris l’anglais et le danois, s’est convertie au christianisme et n’a toujours pas de permis de résidence permanent.

Notre rencontre avec Kani se déroule à l’organisme sans but lucratif Trampoline House, à Copenhague, dans un groupe de soutien pour les femmes réfugiées. Autour d’une table, ces femmes de partout confient leur histoire. On parle banalement de possible déportation, de dépression ou de difficulté à manger à sa faim.

À travers les confidences des femmes autour de nous, Kani nous raconte son parcours. Entre 2011 et 2014, elle a vécu dans différents camps de demandeurs d’asile au Danemark. Elle explique que les conditions y sont difficiles. «Ils ne nous donnent pas d’argent, raconte-t-elle. À la cafétéria, on reçoit une soupe et un pain. Plusieurs personnes arrêtent de manger pendant une semaine ou deux et commencent à boire et à fumer.»

Martin Lemberg-Pedersen, professeur assistant en étude globale des réfugiés à l’Université d’Aalborg, confiait au média danois The Local, en 2017, que certains camps sont imaginés de façon à forcer psychologiquement les gens à quitter le Danemark.

Logements sociaux à Copenhague
Camille Foisy
Logements sociaux à Copenhague

Après la crise de migrants en 2015, les lois pour restreindre l’immigration se sont fortifiées au Danemark. En trois ans, le pays est passé de 21 300 demandes d’asile à 3500 en 2018, le taux le plus faible enregistré en 9 ans selon l’organisme Refugees Welcome. Amnesty International Denmark explique ce déclin par l’implantation de mesures d’austérité et par le refus du pays scandinave de respecter les quotas de l’ONU entre 2016 et 2019. À titre comparatif, en 2018, le Canada a reçu environ 55 000 demandes d’asile selon Statistique Canada.

Séparée de sa fille

Lorsque Kani parle de sa famille, un trémolo se glisse dans sa voix. Sa fille a maintenant 17 ans. Elle vit avec sa grand-mère en Iran. Depuis son arrivée, Kani a tenté de réunir sa famille au Danemark, mais sans succès.

Une première demande d’asile a été déposée pour sa fille à l’ambassade danoise à Ankara en Turquie. Là, on a pris leurs empreintes digitales, leurs photos et fait des entrevues. La demande semblait avoir été acceptée jusqu’à leur arrivée au Danemark où on l’a finalement rejetée.

Selon l’organisme Refugees Welcome, refuser la réunification d’une famille serait une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Si les preuves pour établir un lien familial sont insuffisantes, il est possible de demander un test d’ADN, ce qu’on a refusé à Kani et sa fille. «J’ai clos le dossier, admet-elle. Je suis fatiguée. Tous les jours, j’ai visité mon avocat et je suis allée aux bureaux d’immigration. Ils refusent encore. Si ma fille doit vivre en Iran, c’est correct. Elle est en vie.»

Depuis, elle perd de plus en plus espoir en son rêve d’ouvrir un salon de coiffure avec sa fille. «Si elle avait pu venir ici, je l’aurais inscrite à des cours pour qu’elle devienne coiffeuse, comme moi, et on aurait ouvert un salon ensemble.»

Rien n’est gagné

Kani est aujourd’hui converti au christianisme. Au Danemark, il existe un ministère des Affaires ecclésiastiques et une taxe pour l’église évangélique luthérienne, payée par environ 80% de la population. «Lorsque tu changes ta religion, ils ne peuvent pas te déporter, puisque l’Iran est un pays musulman, confie-t-elle. Ils ne veulent pas de nous lorsqu’on devient chrétien.»

Bien qu’elle craint moins la déportation, Kani n’a toujours pas la tête tranquille. Depuis 2011, elle n’a pas son permis de résidence permanent. Le Danemark exige que le demandeur ait vécu au pays depuis huit ans. Il doit également passer un examen de niveau de langue danoise et avoir un emploi à temps plein pendant trois ans et demi depuis les derniers quatre ans. Ne respectant pas tous ces critères, Kani cumule les permis temporaires de résidence de deux ans depuis son arrivée.

Elle ajoute que, comme beaucoup de réfugiés, elle vit avec les impacts que son parcours a eu sur sa santé mentale. Dépressive, elle ne peut avoir d’emploi. Elle subsiste grâce aux prestations sociales. Or, selon une étude du centre d’analyse de société alternative (CASA) et la fondation Rockwool, le montant minimal qu’une personne doit recevoir par mois pour survivre lorsqu’elle vit dans un logement social au Danemark est de 6 000Kr (1 200$). Selon l’organisme Refugees Welcome, plusieurs réfugiés reçoivent seulement entre 1500 et 2000Kr (300 à 400$) par mois.

Depuis les élections de juin 2019, la situation des demandeurs d’asile et réfugiés a évolué. Le nouveau gouvernement en place, le parti social-démocrate, a annoncé cet été que le pays respecterait à nouveau les quotas de l’ONU dès 2020.

Malgré les promesses du nouveau gouvernement en place, Kani doute toujours de trouver un jour la stabilité. «Nous verrons. On ne sait ce qui peut arriver dans le futur», souffle-t-elle.

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