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Cette styliste redonne classe et dignité à tous les malades

Naest est une marque de vêtements spécialement conçus pour faciliter la vie des personnes malades et leur assurer de la bienséance.
Cette chemise permet d'ôter le dos pour que le corps soit en contact direct avec les matelas anti-escarres et éviter ces plaies.
www.naest.fr
Cette chemise permet d'ôter le dos pour que le corps soit en contact direct avec les matelas anti-escarres et éviter ces plaies.

SANTÉ - Laëtitia Turco. Retenez son nom. Cette styliste, ancienne de Bouchara, a réussi un tour de force. Elle a créé une ligne de vêtements et de blouses pour redonner de la classe et de la dignité aux personnes malades, qu’elles restent à l’hôpital ou à la maison.

L’enjeu était de taille. Qui a connu ces blouses ouvertes sur l’arrière du corps sait de quoi il retourne. Lesdits vêtements sont dénoncés depuis 2012 par plusieurs médecins, infirmiers et patients à travers des pétitions, des articles et des blogs. Des hôpitaux ont modifié leurs commandes de blouses, optant pour des modèles fermés pour les hospitalisations classiques, conservant les ouvertes pour la chirurgie.

L’habillement des personnes malades dépasse cette simple blouse. Les personnes recevant des soins quotidiens sont nombreuses. Qu’elles soient hospitalisées, en maison de retraite, en convalescence... Les vêtements classiques ne permettent pas d’atteindre facilement les zones pour faire des piqûres, poser des cathéters, nettoyer sans déshabiller totalement.

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“Pour mon père, c’était un supplice”

“Mon père a eu une maladie neuro-dégénérative, raconte Laëtita Turco au HuffPost. Ses mouvements étaient restreints, on nous a dit qu’il était ‘rétracté‘. Dès qu’on essayait de le bouger, on se faisait très mal. Les soignants se cassaient le dos, ma mère aussi. Ils ont fini par proposer de découper ses vêtements. C’était chose courante pour eux. Mais pour mon père, d’origine italienne, d’ordinaire attaché à son apparence, qu’il soignait en revêtant de beaux costumes, c’était un supplice. Ses amis venaient le visiter, il avait le tee-shirt coupé dans le dos et les jambes nues. Ils faisaient semblant de ne rien voir, mais du point de vue de ma mère et moi c’était indigne et choquant.”

Et les blouses d’hôpital que le père revêt finissent de convaincre la mère et la fille: il faut trouver une solution.

Laëtitia Turco se souvient aussi de son accouchement. “J’étais en chemise de nuit, quasi transparente, les amis et la famille défilaient dans la chambre le jour même et je devais garder cet habillement à cause des soins qui suivaient.”

“Des patrons de robe dans le rideau de la chambre de mon fils”

La styliste part ensuite à la recherche de vêtements adaptés. Elle raconte n’avoir trouvé que des vêtements amples en matières synthétiques dans lesquelles on transpire. L’année du décès de son père, Laëtitia se lance dans le projet avec sa mère, couturière amatrice. “J’ai fait des patrons de robe, dans le rideau de chambre de mon fils. On était super motivées. C’était hyper important pour ma mère, ça l’aidait à sortir du deuil.”

Laëtitia Turco ne laisse rien au hasard. Elle interviewe une quinzaine de proches, tous patients: ”Ça a été un festival. Un jeune homme m’a marquée. Il avait eu un AVC. Il ne trouvait pas de pantalon pratique. Il était obligé d’aller au rayon femme enceinte pour trouver un jean qu’il puisse enfiler d’une seule main. Faut être costaud pour faire cette démarche.”

Une amie victime d’un cancer du sein lui raconte qu’en plein été, elle ne sait plus comment s’habiller, elle ne supporte pas le moindre vêtement sur ses cicatrices, ni les bas de contention.

Blouses d'hôpital en coton bio pour enfants, fournies avec un feutre textile pour les décorer.
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Blouses d'hôpital en coton bio pour enfants, fournies avec un feutre textile pour les décorer.

Huit structures de soin associées

Laëtitia rencontre une cinquantaine de soignants. Les vêtements qu’elle dessine doivent coller aux besoins. “J’ai visité huit structures de soins, tel le service de rééducation orthopédique et soins palliatifs Cognacq-Jay à Paris, des services de soins infirmiers à domicile, un service de cancérologie, des ergothérapeutes, des kinés.”

Ensemble, ils affinent les besoins. A Cognacq-Jay, ils lui proposent de mettre au point un vêtement sans rien dans le dos, afin que les personnes alitées puissent être en contact direct avec les matelas anti-escarres.

“Je me suis dit, super, ça va ressembler à un bavoir. Mais on a pris un chemisier qu’on a découpé dans le dos. ça évite un amas de tissus dans le dos. On privilégie les bandes aimantées, cachées, on met des scratchs, des pressions.”

Anagramme du mot santé

Laëtitia crée la marque Naest, qui est à la fois l’anagramme du mot “santé” et qui se prononce “nest” comme “nid” en anglais. La styliste s’entoure de gens engagés. Sa mère d’abord, est bénévole dans une association au sein du centre hospitalier du Mans. L’un des mannequins est responsable d’une association au CHU de Nantes, qui a été le premier à acheter les blouses pour enfants en coton bio de la marque. Et sur lesquelles on peut dessiner grâce à un feutre textile.

Laëtitia a deux associés, Ingrid Robine-Lévy, son ancien binome chez Bouchara, cheffe de produit acheteuse en charge du sourcing et de la fabrication. Et Eric Lebrette, directeur commercial indépendant, a travaillé chez Mars.

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Des broches dans la jambe

La marque Naest travaille les matières naturelles. Sauf pour une jupe, on est sur du 100% coton ou 100% viscose. La maille de la marinière est 100% française tricotée en France.

Les prix oscillent entre 89 et 119 euros. Seuls quatre vêtements pour homme sont disponibles, et cinq pour femmes. D’autres modèles sont en cours de conception.

Le site de la styliste a ouvert mi-juin. Parmi les premiers retours, l’histoire de cette jeune femme sur le point de se marier permet d’envisager l’ampleur de la demande. “Son frère venait de lui annoncer sa présence à son mariage, qui devait se dérouler sous peu, raconte Laëtitia Turco, elle nous a contacté pour nous demander un pantalon qui soit suffisamment large pour passer par-dessus les broches qu’il avait dans les jambes. On avait.”

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Tout n’est pas original dans les vêtements Naest. On retrouve un pantalon typique du Viet-Nâm, par exemple. Laëtitia ne revendique pas des trouvailles pour chaque pièce, juste de pouvoir s’y sentir bien, malgré la maladie.

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