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Colombie-Britannique: la Cour suprême donne raison à la Première Nation Tsilhqot'in

Importante victoire pour les Autochtones en Cour suprême
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La Cour suprême a rendu un jugement sans précédent vendredi en accordant pour la première fois un titre ancestral autochtone sur un territoire. Les six bandes de la Première Nation britanno-colombienne Tsilhqot'in, forte d'environ 3000 personnes, obtiennent ainsi le droit de gérer un territoire de plus de 1750 kilomètres carrés, situé près de Williams Lake et Alexis Creek, de manière proactive.

Le jugement unanime de la Cour suprême infirme ainsi une décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Dans une décision rendue en 2012, la Cour d'appel avait reconnu que la Première Nation possède des droits de chasse, de pêche ainsi que le droit de commercer sur le territoire revendiqué, mais avait exigé qu'elle identifie des sites précis où elle avaient habité.

La décision du tribunal met un terme à une saga judiciaire d'une vingtaine d'années, qui avait commencé lorsque la Première Nation s'était opposée au fait que la province accorde un permis commercial de coupes de bois sur le territoire en question. Le tribunal conclut d'ailleurs que la province a « manqué à l'obligation de consultation qu'elle avait envers les Tsilhqot'in en raison du plan d'aménagement du territoire qu'elle a établi et des autorisations d'exploitation forestière qu'elle a accordées ».

Le jugement de la Cour suprême précise en outre la façon de déterminer l'existence de titres ancestraux, en particulier dans les cas de bandes semi-nomades, comme les Tsilhqot'in. Il clarifie également le processus que devront utiliser à l'avenir les gouvernements, les Autochtones et les tribunaux pour procéder à l'examen de projets de développement qui touchent des territoires sujets à des titres autochtones ou à des revendications.

La Première Nation Tsilhqot'in s'est réjouie de la décision qui, dit-elle, met un terme à une « longue histoire de déni et établit les bases d'une reconnaissance de titres ancestraux ».

Le chef de la bande Xeni Gwet'in Roger Williams, qui était le plaignant dans cette affaire, y voit l'occasion d'établir « un nouveau partenariat avec le Canada ».

Le grand chef Stewart Philip, qui dirige l'Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique, a pour sa part rappelé que la grande majorité des communautés autochtones de la Colombie-Britannique n'ont toujours pas signé de traité, et que la province est « couverte d'un bout à l'autre de terres qui n'ont pas été cédées et sur lesquelles les Autochtones ont des titres ancestraux. »

Le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien s'est contenté de rappeler dans une déclaration écrite que quatre traités avaient été signés depuis 2006 en Colombie-Britnnique et que d'autres étaient en cours.

Son gouvernement devra étudier la décision, a-t-il ajouté, pour déterminer les prochaines étapes.

Des impacts sur les projets à venir

Considérant que des centaines de communautés autochtones du pays ont des revendications territoriales, l'affaire aura sans contredit d'importantes conséquences pour des projets agricoles, forestiers, miniers ou énergétiques, comme Northern Gateway.

La construction de l'oléoduc ne traverse pas le territoire des Tsilhqot'in comme tel, mais son promoteur, Enbridge, devra sans contredit en tenir compte, puisque de nombreuses communautés autochtones s'opposent à ce projet.

Les compagnies qui convoitent des richesses sur des territoires revendiqués par les Autochtones pourront conclure des ententes avec eux. Mais à défaut d'y parvenir, les autorités qui défendent un tel projet devront prouver qu'il répond à « un besoin réel et impérieux », et qu'il est donc dans l'intérêt public qu'il voie le jour. Les gouvernements devront cependant tenir compte de l'obligation fiduciaire de consulter ou d'accommoder les Autochtones.

Le jugement de la Cour suprême précise d'ailleurs ce qu'est cette obligation fiduciaire. Elle doit tenir compte du fait que le titre (reconnu ou encore revendiqué) est un droit collectif, attribué à un groupe, et prendre en compte les habitants actuels ou les générations futures. En d'autres termes, le projet ne doit pas priver les générations futures des avantages que procurent les terres visées par le titre.

« Le gouvernement doit donc agir d'une manière qui respecte le fait que le titre ancestral est un droit collectif inhérent aux générations actuelles et futures et que l'obligation fiduciaire de la Couronne insuffle une obligation de proportionnalité dans le processus de justification », peut-on lire dans le jugement. Des critères qui doivent alors être pris en compte sont aussi établis :

  • l'atteinte au titre ancestral doit être nécessaire pour atteindre l'objectif gouvernemental (lien rationnel);
  • le gouvernement ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (atteinte minimale);
  • les effets préjudiciables sur l'intérêt autochtone ne doivent pas l'emporter sur les avantages qui devraient découler de cet objectif (proportionnalité de l'incidence).

Il est à noter que les Autochtones qui obtiennent un titre ancestral ont aussi l'obligation de les utiliser de manière qui ne priverait pas de façon substantielle les générations futures de leur utilisation.

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