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10 ans de poésie, de sandwichs et d'autres soirs qui penchent (PHOTOS/VIDÉO)

10 ans de poésie, de sandwichs et d'autres soirs qui penchent (PHOTOS/VIDÉO)

Les plus âgés se souviennent du Cabaret du soir qui penche, de Guy Mauffette. Et ces mêmes générations, et les suivantes, se saoulent depuis 10 ans des mots de Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, spectacle éclaté conçu par le fils, Loui Mauffette, tradition littéraire qu’on croyait coulée dans le béton du temps, acquise, immuable, mais qui tirera définitivement sa révérence après un ultime tour de piste d’une semaine, qui s’amorcera dimanche, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Spectacle, affirmions-nous? Disons plutôt «roadtrip», «stonerie poétique», communion, «festin de mots», «bordel de mots», délire d’imagination, collectif intime autant que débridé. Car être enfant de poète, progéniture de celui qui a fait découvrir Félix Leclerc au Québec par le biais de la radio, en lui confiant une tribune à Radio-Canada, n’a rien d’ordinaire. Pour rendre hommage à l’auteur de ses jours, en 2006, un an après le décès de celui-ci, Loui Mauffette ne pouvait donc se résoudre à monter un événement banal, facile ou convenu.

«J’ai grandi dans une espèce d’enfance surréaliste, relate Loui Mauffette. Ma mère a eu huit enfants avec ce poète, qu’on voyait rarement, parce qu’il venait à la maison seulement une fois de temps en temps. Ce n’était pas régulier. Les Français qui débarquaient à Montréal, les chanteurs, les compositeurs, les auteurs, les acteurs, venaient le saluer, parce qu’il était un ambassadeur de la chanson française.»

Même si Guy Mauffette n’était pas nécessairement un «immense papa», qu’il était souvent absent, raconte Loui Mauffette, il était néanmoins un grand communicateur, un «laboureur d’ondes». En plus de marquer son époque avec sa voix, il a aussi été réalisateur, notamment du feuilleton radiophonique Un homme et son péché. Au Cabaret du soir qui penche, il faisait jouer des musiques de partout, de tous les horizons: chansonnette française, hymnes russes, airs classiques, rock des Rolling Stones, etc. Le rendez-vous a eu lieu le dimanche soir, de 19h à minuit, pendant 13 ans, entre 1960 et 1973.

C’est cette même atmosphère éclectique, sans frontières de styles, qu’on retrouve dans Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent. Loui Mauffette, diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal en 1980, aujourd’hui attaché de presse («attaché de cœur», rectifie-t-il) au Théâtre du Nouveau Monde (TNM) depuis 25 ans, a eu un éveil en lisant, aux funérailles de son père, un autoportrait intitulé Je crois que.

L’idée de la lecture publique s’est alors imposée à son esprit. Mais pas celle d’une lecture fade et redondante, debout derrière un micro. Mauffette se voyait recréer la grande table de son enfance, où les êtres venus d’ici et d’ailleurs trinquaient joyeusement et refaisaient le monde avec leurs paroles.

«On a créé ça au Festival international de la littérature, en 2006, un an après le décès de mon père. Tous les acteurs sont autour de la grande table. Comme dans mon enfance, dans mon éducation, il y a toutes sortes de textes, qui viennent de toutes sortes d’horizons. C’est une célébration de la poésie, un happening poétique, mais ce n’est pas un récital, un concert ou un cabaret de poésie. J’ai imaginé ça comme un roadtrip, comme une pièce de théâtre.»

La vie, la jeunesse, l’adolescence, l’adulte, la vieillesse, la mort, l’au-delà forment un tout dans Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, constituent la colonne vertébrale de la présentation, au cours de laquelle une trentaine de personnalités font vivre un texte, qu’il soit d’un dramaturge québécois, d’un créateur russe ou de Jim Morrisson. Lorsque la fête lève, on peut danser sur la table ou voir des gamins courir autour et sous les chaises. À la fin, on sert vodka et sandwichs en toute convivialité, dans cette ambiance chaleureuse.

Le texte se poursuit après la galerie-photos.

Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent

Décoincer la poésie

Cette année, un noyau dur composé, entre autres, de Nathalie Breuer, Anne-Marie Cadieux, Bénédicte Décary, Maxime Denommée, Sylvie Drapeau, Francis Ducharme, Kathleen Fortin, Maxim Gaudette, Roger La Rue, Julie Le Breton, Mylène Mackay, Pascale Montpetit, Patricia Nolin, Sébastien Ricard, Catherine Paquin-Béchard et Emmanuel Schwartz sera de toutes les représentations de Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent. En alternance, des invités comme Bernard Adamus, Philippe Brach, Steve Laplante, Fanny Mallette, Ariane Moffatt, Yann Perreau, Gilles Renaud, Éric Robidoux et Mani Soleymanlou les rejoindront un soir ou l’autre.

«J’ai voulu brasser la Cinquième Salle pour que ça ne soit pas straight, commente Loui Mauffette. C’est vraiment comme une manifestation, une parfumerie où on choisit différents parfums. Il y a des poètes de différents courants.»

«Le public est pris en otage, d’une certaine façon, ajoute l’instigateur du projet. Même si le show dure deux heures quinze, deux heures vingt, tout le monde vient manger et prendre un coup avec nous.»

Loui Mauffette tenait à ce que son rassemblement ne soit pas élitiste et ne s’adresse pas qu’à une clique montréalaise bourgeoise. La porte est ouverte à tout le monde, spécifie-t-il avec empressement, même si Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent n’a rien de populiste pour autant.

«Ce n’est pas un club privé de poésie où du monde se regarde le nombril. Ce n’est pas juste pour les «théâtreux». Les «théâtreux» sont bienvenus, mais on veut rassembler toutes sortes de gens, on veut décoincer la poésie, on ne veut pas que ça soit juste pour les connaisseurs. Je me considère moi-même comme un ignorant de la poésie. Je commence à peine à apprendre. J’ai commencé à lire, à m’intéresser vraiment à la poésie au début de la cinquantaine. Je suis comme un petit ado de 58 ans!»

Et cet adolescent de bientôt 60 ans, qui a grandi dans les studios de Radio-Canada et les décors de La boîte à surprise, qui a fréquenté les planches dès l’âge de quatre ans, a de nouvelles ambitions en vue de son âge adulte. C’est pourquoi la présente édition de Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent sera la dernière. Il ne faut donc pas la rater. On sent bien dans sa voix qu’il est attaché à son concept, mais celui-ci, colossal en raison de son nombre d’artistes, est compliqué à mener à bien, et Loui Mauffette rêve d’autres accomplissements.

«J’ai envie d’aller vers la mise en scène, indique Loui Mauffette. J’ai d’autres projets de spectacles poétiques…»

Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, du 8 au 15 mai, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

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