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Ville sanctuaire: Montréal craint une pression accrue sur le logement social

Une forte proportion des 50 000 sans-papiers risque de s'inscrire aux programmes d'habitation s'ils y ont accès.
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Les fonctionnaires de Montréal craignent une pression accrue sur le logement social si la Ville ouvre l'ensemble de ses programmes aux demandeurs d'asile en vertu de la déclaration de «ville sanctuaire». La solution: plus de logements et des logements plus salubres.

Selon des documents obtenus par le HuffPost Québec en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, Montréal compterait environ 50 000 personnes sans statut d'immigration. Comme nous le rapportions jeudi, la Ville souhaite leur ouvrir l'ensemble de ses services, sans demander de documents d'identification auxquels ils n'ont pas accès, comme un permis de conduire ou une carte d'assurance maladie.

Logements sociaux inaccessibles

Depuis le mois de mars, le logement social et abordable fait partie des services offerts par la municipalité. Mais Montréal fonctionne encore avec le programme provincial Accèslogis, en attendant de mettre sur pied son propre programme. Il faut être citoyen canadien ou résident permanent pour y avoir accès.

Un premier plan d'action pour la Ville sanctuaire a été préparé en octobre 2017, sous l'administration de Denis Coderre, et mis à jour en mars 2018. On y souligne que la «pénurie de logement abordable et salubre» est un enjeu à considérer.

La première version du document indique que la Ville devrait «définir un plan d'urgence pour répondre à des afflux importants de demandes de logement qui pourraient provenir de populations sans statut légal ou à statut précaire». Cette phrase ne se trouve pas dans la version du mois de mars, mais la préoccupation concernant la suffisance du logement social et abordable demeure.

Actuellement, Montréal compte environ 60 000 unités de logement social... avec une liste d'attente de plusieurs dizaines de milliers d'individus selon un chiffre avancé par la mairesse Valérie Plante en campagne électorale.

Interpellée en marge d'une conférence de presse jeudi, la mairesse Valérie Plante n'a pas souhaité commenter le dossier.

Rappelons que la mairesse a promis d'ajouter 12 000 unités de logement social et abordable au parc locatif de Montréal, notamment en forçant les promoteurs immobiliers à inclure un minimum d'unités de ce type dans leurs projets. Son administration a aussi pris des mesures pour contrer les problèmes de salubrité dans certains quartiers.

Une obligation morale, dit un chercheur

Une recherche menée par la chaire REALISME (Recherches appliquées interventionnelles en santé mondiale et équité) de l'Université de Montréal montre l'importance des problèmes vécus par les immigrants sans papiers dans leur quête de logement. Ceux-ci se retrouvent souvent dans des appartements miteux, faute de revenus suffisants... et de moyens de se défendre contre des propriétaires insouciants.

«Une fois qu'ils savent que tu es sans statut, ils abusent de toi. [...] Je vis dans un appartement où tout est délabré. Le propriétaire promet de venir faire des réparations, mais il n'a même pas eu le temps de se déplacer que d'autres problèmes surviennent», affirme un Haïtien de 32 ans dont les paroles ont été rapportées par la chaire.

Le chercheur David Moffette, sociologue et professeur adjoint en criminologie à l'Université d'Ottawa, estime que cette recherche et les préoccupations du plan d'action démontrent que la Ville a l'obligation morale de leur permettre d'avoir accès au logement social et abordable.

«Si la Ville craint qu'en rendant Accèslogis accessible aux immigrants sans statut il y aura une demande importante, en quelque part c'est reconnaître qu'il y a 20 000, 30 000 ou 40 000 personnes à Montréal qui ont ce besoin. Mais on leur refuse le service à cause de leur statut. Donc oui, la Ville devrait leur offrir cette possibilité», dit-il.

Impossible d'être une Ville sanctuaire sans la police

M. Moffette estime que la Ville de Montréal s'en va dans la bonne direction si elle met en place l'ensemble des mesures suggérées dans les rapports obtenus par le HuffPost Québec. Elle ne pourra toutefois jamais se considérer comme une Ville sanctuaire si elle n'obtient pas une meilleure collaboration du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Jeudi, nous rapportions que le SPVM souhaite continuer à effectuer des vérifications sur le statut d'immigration d'une personne en contactant l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Le corps policier estime qu'il s'agit d'une façon d'identifier un individu qui ment sur son identité.

«C'est une ressource qu'ils n'ont pas pour quelqu'un comme moi. C'est problématique que ce soit un moyen qui puisse être utilisé pour quelqu'un qui a le teint plus basané», dit-il.

«Sans changement dans les pratiques, la police demeurera un risque pour les personnes sans statut. Dès lors, on ne peut pas dire qu'on est une ville sanctuaire parce que ça risque de créer de la confusion», ajoute-t-il.

En 2017, le SPVM a contacté plus les services frontaliers que tout autre corps policier au Canada, principalement pour des vérifications de statut.

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