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Roger Moore, victime de violence conjugale pendant 15 ans

De Tina Turner, victime de son conjoint Ike, à Rihanna, nombreuses sont les vedettes féminines à avoir brisé le silence en rendant publique les sévices qu'elles disent avoir subi. À ce jour, il était pratiquement impossible de trouver d'exemples analogues chez les hommes.
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Si, parmi les vedettes de mon enfance, je devais désigner ma favorite, ce serait immanquablement Roger Moore, dans le rôle de Simon Templar, qui allait lui faire connaître la renommée mondiale, bien avant qu'il ne troque le smoking du Saint contre celui de 007. La force tranquille, l'ironie persifleuse, l'élégance des grands félins et la décontraction insolente du héros dans les situations les plus improbables l'avaient propulsé à la première place de mon panthéon enfantin. Si le personnage de Templar doit beaucoup au naturel de Sir Roger, la réalité vécue par ce dernier lors de ses deux premiers mariages n'avait aucun rapport avec la désinvolture frondeuse du héros des années 60 qui, bien que galant et courtois avec les dames en détresse, pouvait remettre à leur place criminelles tentaculaires, manipulatrices aguerries et héritières hystériques avec la même nonchalance qu'un joueur de cricket au milieu d'une partie par temps clair.

Live and let dry...

Preuve qu'on n'est jamais trop jeune pour commettre l'impensable, c'est en 1946, à 19 ans, que Roger Moore allait convoler en premières noces avec la patineuse sur glace Doorn van Steyn, de six ans son aînée, une époque qui reste à ce jour l'une des pires de son existence. Il s'agit là de l'une parmi plusieurs confidences troublantes que le comédien de 84 ans devait dévoiler le 14 septembre 2012 à l'animateur Piers Morgan, dans le cadre de l'émission Morgan's Life Stories. Moore révèle que les épisodes de violence qu'il a subis étaient monnaie courante, affirmant qu'il a conservé des cicatrices de cette époque tumultueuse. Sa conjointe le frappait, le griffait, allant un jour jusqu'à lui taillader la main par une morsure sévère, en plus de l'avoir frappé une fois avec une théière.

Lors de l'épisode de la main blessée, la patineuse était allée jusqu'à s'en prendre au médecin qui soignait l'acteur. «Ce fut un changement, devait déclarer Moore, pince-sans-rire, normalement, c'est moi qu'elle frappait», avant d'ajouter: «Elle me griffait. Ma mère était toujours pétrifiée quand je rentrais à la maison de voir que j'avais toujours plus de cicatrices.»

La violence psychologique était également au rendez-vous. Comme si leurs problèmes monétaires ne suffisaient pas, van Steyn lui tenait des propos décourageants: «Tu ne seras jamais un acteur. Tu as l'air trop faible. Ta mâchoire est trop grosse, et ta bouche, trop petite.» L'intuition artistique et esthétique n'était pas le fort de Mme van Steyn...

Quatre trente sous pour une piastre

L'être humain a souvent la fâcheuse habitude de tomber plusieurs fois amoureux de son pire ennemi avant de comprendre la nécessité de réévaluer ses standards et priorités. M Moore n'a pas fait exception à la règle. Sitôt débarrassé de van Steyn, notre homme devait tomber sous la coupe de l'actrice Dorothy Squires, de 12 ans son aînée, en 1953. Aspirant sans doute à une vie conjugale paisible, il devait tomber sur le même type d'épouse déchaînée. Leur union, marquée de nouveaux épisodes de violence subis par l'acteur, allait durer huit ans. Cette fois, c'est avec sa propre guitare que le futur James Bond devait se voir attaqué, la recevant de plein fouet sur la tête. Moore concède cependant qu'il avait été infidèle.

C'est d'ailleurs avec sa nouvelle flamme, qui allait devenir sa troisième épouse, l'actrice italienne Luisa Mattioli, que Moore a été découvert. «Elle a jeté une brique à travers ma fenêtre, m'a agrippé par la chemise à travers la vitre et s'est coupée aux bras par le fait même. La police est arrivée et ils ont dit:"Madame, vous saignez. Et elle a dit: C'est mon cœur qui saigne.» Admettant volontiers qu'il était égoïste, Moore ne joue pas à l'innocente victime sans défense: «Je n'ai jamais dit que j'étais gentil.»

Squires allait pendant sept ans refuser le divorce à Moore, faisant des deux premiers de ses trois enfants des rejetons nés hors mariage, en Grande-Bretagne... Mais ce ne fut pas tout: l'épouse délaissée entama une poursuite judiciaire en restitution de droits conjugaux. Pour des raisons connues de lui seul, un juge trouva normal d'ordonner à Roger Moore de revenir à son ex-conjointe, mais ce dernier fit la sourde oreille. Il y a de quoi se demander comment pareil verdict peut avoir été rendu... Squires tenta enfin de publier une autobiographie dévastatrice, mais Moore et sa nouvelle conjointe obtinrent une injonction en interdisant la parution.

Le calme après les tempêtes

Moore s'est exprimé d'autant plus librement que ses deux premières femmes sont aujourd'hui décédées. Il demeure étrangement discret sur sa troisième épouse, Mme Mattioli, une femme réputée explosive et décrite par leur fils Geoffrey comme «contrôlante». Moore devait la quitter en 1996 pour sa conjointe actuelle, la Suédoise Christina Tholstrup. Leur relation serait paisible, affirme le comédien. Espérons-le...

Briser le silence...

De Tina Turner, victime de son conjoint Ike, à Rihanna, nombreuses sont les vedettes féminines à avoir brisé le silence, selon l'expression consacrée, en rendant publique les sévices qu'elles disent avoir subi. À ce jour, il était pratiquement impossible de trouver d'exemples analogues chez les hommes. Le public serait pourtant surpris d'apprendre que les comédiens Burt Lancaster et John Wayne, dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne dégagent pas l'image d'éternelles victimes, aient pu subir de la violence conjugale. On pourrait en dire autant de Roger Moore, à cette différence près que lui a décidé de se donner le droit de parole.

Dans une chronique parue dans The Independent le 13 septembre 2012, Ally Fog affirmait que c'était par le biais de rapports de police, de poursuites judiciaires et de spéculations médiatiques que l'on apprenait que des vedettes masculines pouvaient subir de la violence conjugale. Il citait le cas de Whitney Houston, qui avait avoué que c'était elle, et non son conjoint, Bobby Brown, qui faisait preuve de violence physique dans le couple. Humphrey Bogart a été poignardé dans le dos avec un couteau de boucher par sa femme, Mayo Methot, vers 1938.

Au temps de Lancaster, Wayne et Bogart, bien sûr, il n'était pas question de dénoncer pareils épisodes sans risque de passer pour une mauviette. Le préjugé voulant qu'une femme ne pouvait frapper sans une bonne raison, se voir attaquée, par exemple, n'avait sans doute pas attendu la venue du féminisme militant pour avoir droit de cité.

C'est dans cette optique que les confidences de Sir Roger Moore prennent une importance considérable. Qu'un tel homme, identifié à l'un des personnages les plus «machos» de la culture occidentale, admette, contre toute attente, avoir été maltraité par ses deux épouses, peut avoir un effet d'entraînement, exactement comme ont eu, au Québec, les dénonciations de Nathalie Simard, abusée pendant toute son enfance par son imprésario, Guy Cloutier. L'attitude de Moore rend tangible la perspective selon laquelle un homme peut admettre avoir subi de la violence sans être moins respectable pour autant, ni bourreau, ni minable. Simplement un homme, qui se tient debout en dénonçant un fléau qui dépasse sa seule personne, en toute dignité.

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