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Le visage, nouvelle empreinte digitale

La convergence de quantités de données disponibles, de solutions abordables de stockage dans le cloud, et d'outils de reconnaissance faciale nous rapprochent d'un monde où chacun aura à sa disposition un moyen d'identifier n'importe qui à partir d'un identifiant unique: le visage.
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La convergence de quantités de données disponibles, de solutions abordables de stockage dans le cloud, du data-mining et d'outils de reconnaissance faciale nous rapprochent chaque jour d'un monde où chacun aura à sa disposition un moyen d'identifier n'importe qui, online et offline, à partir d'un identifiant unique: le visage.

Du FBI à Facebook, et bientôt dans tous les cellualires

Jusqu'à la fin du 20e siècle, la reconnaissance faciale était l'apanage des agences de renseignement ou des administrations. Depuis une dizaine d'années, ces technologies ont commencé à fleurir dans le secteur privé, portées par l'essor de la photographie, d'internet et de technologies toujours plus puissantes. Les médias sociaux ont précisément ce qui manquait à la reconnaissance faciale : des milliards de photos de visages face caméra, récentes, en haute définition, et la plupart du temps liées à une identité.

Les géants du digital ont rapidement saisi les enjeux d'une telle technologie. En 2011, Google rachetait PittPatt, une start-up née sur les bancs de l'université Carnegie Mellon. Un an plus tard, Facebook faisait l'acquisition de la société israélienne Face.com, pour développer le programme DeepFace, qui ambitionne de reconnaître chaque visage sur chaque photo publiée sur son réseau. Apple n'est pas en reste, ses logiciels de photo intégrant également des briques de reconnaissance faciale depuis quelques années.

Du côté des téléphones intelligents, les systèmes iOS et Android intègrent déjà la technologie, même si elle n'est pas officiellement mise en avant par Apple ou Google, encore prudents sur les réglementations à venir en matière de vie privée.

Les machines sont devenues des physios quasi-infaillibles

Jusqu'ici, les humains ont toujours été plus fiables que les ordinateurs dans la reconnaissance des visages, avec un taux de réussite de 97,53%. Dopée par la puissance de calcul de machines en réseau, la technologie est cependant en train de combler son retard. Selon Facebook, le programme DeepFace aurait actuellement un taux de réussite de 97,25%, échouant surtout sur des photos mal éclairées ou prises dans des angles difficiles à analyser. Parfois, DeepFace se trompeaussi pour de bonnes raisons.. À l'université de Hong Kong, des chercheurs affirment avoir développé un système fiable à 99,15%, capable de travailler quelle que soit la qualité d'une image.

L'enjeu majeur de la reconnaissance faciale reste la base de données, et sa propriété. Si de nombreuses applications s'appuyant sur la technologie voient le jour, elles devront s'interfacer avec les bases de données photographiques et nominatives les plus complètes possible. Avec ses milliards de photos, Facebook pourrait endosser ce rôle d'annuaire de référence, devenant ainsi un partenaire incontournable de tous les services liés à la reconnaissance faciale.

Vers la fin de l'anonymat ?

Le visage constitue le véritable lien entre notre identité réelle et nos identités virtuelles. Il est vraisemblable que des données sur notre nom et notre visage soient déjà disponibles publiquement en ligne. Les technologies de reconnaissance faciale, couplées à l'abondance de données publiées en ligne - notamment les photos - permettront une identification détaillée de nos activités, et signeront vraisemblablement, à court terme, la fin de notre anonymat dans le monde physique.

Equipées d'une caméra et d'une connexion à internet, les Google Glasses pourraient rendre la reconnaissance faciale accessible à des millions de personnes. C'est la promesse de NameTag, application capable vous renseigner en temps réel sur la personne qui se trouve en face de vous. Pour l'instant, Google a choisi de ne pas distribuer des applications de reconnaissance faciale sur sa plateforme, en raison des nombreuses réticences dans l'opinion publique, qui considère cette technologie comme particulièrement intrusive.

Le gouvernement américain lance depuis 2014 des consultations auprès des entreprises, consommateurs et internautes en vue d'encadrer les nouvelles utilisations de ces technologies.

La publicité sur-mesure, en temps réel

À date, ce sont surtout les marques qui expérimentent la reconnaissance faciale, notamment sur les points de vente. Si ces dispositifs sont souvent testés à l'insu du consommateur, l'objectif avoué est de lui offrir un meilleur service, personnalisé et pertinent.

En Australie, Coca-Cola teste la technologie depuis le début de l'année sur une cinquantaine de distributeurs de boissons capables de relayer des messages publicitaires, collecter des données commerciales et analyser les interactions de l'utilisateur via un écran digital et une caméra. Selon Coca-Cola, ces distributeurs auraient permis d'augmenter les ventes de 12% sur la période d'essai.

Plusieurs marques de vêtements ont recours au profilage de leurs clients en boutique, afin d'identifier des comportements et analyser des flux, dans l'optique d'optimiser l'agencement de leurs points de vente. Au Royaume-Uni, la chaîne Tesco a équipé 450 stations-services d'écrans publicitaires délivrant des messages publicitaires en temps réel selon l'âge et le sexe détectés par la caméra.

On ne peut s'empêcher de penser à cette scène de Minority Report où Tom Cruise est bombardé de messages publicitaires personnalisés dans un centre commercial, en 2054. La réalité est sur le point de dépasser la fiction, beaucoup plus tôt qu'on ne l'imaginait.

Lorsque vous faites du shopping, il est peu probable que vous prêtiez la moindre attention à ces mannequins inexpressifs, principalement destinés à mettre en avant les vêtements les plus rentables. Pourtant, plusieurs sociétés se sont lancées dans la fabrication de mannequins truffés de technologie. Avec des caméras placées dans les yeux ou le nombril, ils ont la capacité de reconnaître le sexe, l'âge et les émotions du shopper. D'ici peu, ces objets connectés et communiquants viendront "enrichir" l'expérience du shopping, en poussant des informations, suggestions, ou promotions contextuelles au visiteur.

Une technologie qui se cherche de nouvelles applications

Au-delà du marketing, la reconnaissance faciale fait progressivement son entrée dans d'autres secteurs, où son expérimentation dessine petit à petit les applications et usages à venir.

SceneTap est une application qui permet de connaître en temps réel la composition de la clientèle d'un bar ou restaurant (pourcentage d'hommes et de femmes, tranches d'âge). À date, près de 500 établissements nord-américains (Chicago, Austin) sont équipés de caméras qui collectent des données sur la fréquentation, permettant aux établissements d'ajuster leurs offres promotionnelles en temps réel en fonction de leur clientèle.

En juin, Ford et Intel annonçaient le projet Mobii (PDF), qui intègre un système de reconnaissance du conducteur, pour personnaliser l'expérience de conduite (déverrouillage, chargement de réglages personnalisés, intégration de l'agenda au GPS, alertes en cas d'endormissement).

Enfin, le visage sera peut-être la future signature de paiement. La société finlandaise Uniqul développe un système de paiement utilisant la reconnaissance faciale, afin de réduire le temps de passage en caisse. Pas de carte, pas de téléphone mobile, juste une validation sur une tablette au moment de passer à la caisse.

Des enjeux de sécurité, de vie privée, et de consentement

La généralisation de la reconnaissance faciale soulève un certain nombre de questions, principalement en matière de confidentialité. Si nous acceptons volontiers de céder des informations personnelles en ligne, c'est aussi parce que la majorité des données collectées par les entreprises sont anonymisées. La reconnaissance faciale s'opère, quant à elle, dans les lieux publics, sans aucune possibilité d'opt-in pour l'individu.

La promesse sécuritaire des systèmes de surveillance publics (caméras, bases de données et logiciels de reconnaissance) fonctionne avant tout sur une utilisation a posteriori. La reconnaissance faciale en temps réel, même uniquement à des fins publicitaires, nécessitera une forme de pédagogie et des mécanismes de consentement pour être réellement admise par le plus grand nombre.

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