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Vivre le racisme à l'école québécoise

L'école québécoise n'est pas raciste. Mais le racisme y est néanmoins très présent. Combien de fois, mes enfants y ont-elles été confrontées? Je ne compte plus. Et même si elles sont fortement conscientisées à cette problématique, en tant que métisses, noires, d'origine française et sénégalaise, elles en souffrent.
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L'école québécoise n'est pas raciste. Mais le racisme y est néanmoins très présent.

Combien de fois, mes enfants y ont-elles été confrontées? Je ne compte plus. Et même si elles sont fortement conscientisées à cette problématique, en tant que métisses, noires, d'origine française et sénégalaise, elles en souffrent.

J'ai demandé à mes filles de m'aider à écrire cet article, en me racontant leurs expériences, comment elles vivent ou ont vécu le racisme et l'exclusion, au primaire et au secondaire. Il n'est pas question, ici, de diaboliser l'école québécoise, car, comme mes enfants me l'ont dit, en général, elles s'y sentent bien. Cependant, elles avaient, toutes les trois, plusieurs anecdotes à me raconter, de petites histoires pas si anodines...

Les mots qui blessent viennent souvent des autres enfants, mais que fait l'école?

« En sixième année, une remplaçante avait mis de la musique et un élève lui a demandé de l'éteindre, car c'était de la musique de nègres. Une de mes amies, d'origine haïtienne, s'est levée et l'a giflé. Ils ont tous les deux été convoqués au bureau de la directrice. » - Oumy.

Les enfants peuvent être méchants entre eux, mais l'insulte raciste n'est pas innée. Un enfant de 10 ou 11 ans qui en insulte un autre de « nègre » répète, très probablement, un terme utilisé dans sa sphère familiale. Autrement dit, le racisme des cours d'école est en grande partie, la responsabilité des parents. Néanmoins, cela ne veut absolument pas dire que l'école ne doit pas s'en mêler.

J'ai demandé à ma fille ce qu'il s'était passé après que les deux enfants soient allés dans le bureau de la Directrice. « Rien, ils ont été punis tous les deux. » Et voilà comment la Directrice d'une école primaire a transformé une agression raciste en petite « chicane » d'enfants.

J'avais déjà expérimenté cette politique de l'autruche lorsqu'Oumy était en deuxième année. Nous avions invité plusieurs de ses camarades à sa fête d'anniversaire et l'une d'elles avait répondu à ma fille qu'elle aurait bien aimé, mais que sa grand-mère (qui l'élevait) ne voulait pas. C'était « une question de race », avait-elle dit. J'avais aussitôt interpellé l'enseignante qui m'avait répondu : « Qu'attendez-vous de moi? »... J'aurais apprécié une action, peut-être une petite discussion en classe, sur la notion de race et de racisme... Évidemment, cela n'a pas eu lieu.

« Est-ce que je peux jouer avec toi? Non, parce que t'es Noire. » Voici ce qu'un petit garçon a répondu à Amy lorsqu'elle était en maternelle. Elle s'est plainte à l'enseignante qui surveillait la cour de récréation et le petit garçon a été forcé de jouer avec elle. Encore une fois, le problème a été nié...

Au secondaire, le racisme est encore très présent, mais il prend d'autres formes. Il est moins direct. Les adolescents ont appris la Charte des Droits et Libertés, ils savent qu'il est interdit de discriminer une personne de par, notamment, son origine et réfléchissent à deux fois avant de sortir certains propos. Le racisme prend alors des formes plus insidieuses et se camoufle derrière des blagues douteuses.

« À l'école, tous les garçons noirs se font appeler Mamadou par les autres », témoigne Binetou. Lorsque je lui demande qui sont les autres : « Ce sont les Blancs, évidemment. » C'est un peu comme si tous les Blancs se faisaient appeler Marc-André ou Charles-Antoine par les « autres ». J'imagine que les parents et la Direction de l'école trouveraient cela stupide et inapproprié.

Quand les enseignants véhiculent les stéréotypes

On associe souvent les préjugés ou stéréotypes à l'ignorance : « Les juifs sont radins, les Arabes sont fourbes et les noirs sont paresseux ». Voilà autant de propos inacceptables que tous, nous considérons comme racistes à partir du moment où ils catégorisent négativement tout un groupe d'origine ou de religion identique. Ce sont des paroles injustes et discriminantes que nous imaginons prononcées par des personnes de peu d'éducation, n'ayant pas voyagé et rarement confrontées à la différence.

Le corps enseignant représentant le savoir, nous pouvons légitimement nous attendre à ce que les professeurs de nos enfants leur transmettent des messages indemnes de stéréotypes. Or, il arrive parfois que nos certitudes prennent des claques.

Voici une dictée qui, le 4 septembre 2013, a créé l'émoi au sein de notre famille. Elle s'intitule « Les Français ».

C'était la première dictée de l'année et ma fille était la seule Française de sa classe... Bien entendu, nous ne sommes pas paranoïdes, mais avouez que le sujet était tout de même assez mal choisi. J'ai posté sur Facebook et mes amis français ont aussitôt réagi.

« Les Français sont différents de nous, ils parlent beaucoup. » Voici une petite phrase innocente, mais replaçons-la en contexte scolaire, dans la bouche d'une enseignante face à une classe d'élèves, tous québécois, sauf une petite fille française... Voilà comment une enseignante a stigmatisé ma fille dès le début de sa cinquième année du primaire.

En secondaire 1, c'est une enseignante de sciences qui nous a choqués en comparant les Noirs à des singes : « Ma prof de sciences nous avait parlé d'un documentaire qu'elle avait vu sur l'évolution. Elle avait dit que lors d'un voyage au Sénégal, elle avait remarqué que les Noirs avaient des traits primitifs et un crâne allongé vers l'arrière qui faisait penser à des singes... », raconte Oumy.

Lorsque nous confions nos enfants à l'école, c'est dans l'espoir de les voir apprendre, grandir et devenir des adultes éduqués et responsables. Nous nous attendons à ce que l'école transmette des valeurs d'acceptation de l'autre, de partage et de solidarité. Nous ne sommes pas préparés à ce que l'école, par le biais des enseignants, véhicule des clichés racistes et dégradants.

L'anti-racisme devrait être enseigné à l'école

Il faudrait également qu'un œil avisé se penche sur les programmes scolaires. La fameuse dictée sur les Français (tirée d'un manuel officiel) n'est pas une erreur isolée. Il m'arrive, de temps en temps encore, d'être choquée par ce que mes enfants doivent apprendre. Voici en exemple, une copie de la prise de notes d'un cours d'histoire de secondaire 3.

Les élèves devaient recopier les termes inscrits au tableau par l'enseignant. Parmi les synonymes d'autochtones : Amérindiens, Premières Nations, Aborigènes et... Sauvages et Peaux rouges. Le professeur s'est vu contraint de préciser aux élèves qu'il suivait le programme, mais n'était pas en accord avec ces termes...

Il ne suffit pas à l'école québécoise de se déclarer inclusive. Elle partage avec nous, les parents, la responsabilité d'éduquer les jeunes à la citoyenneté et notamment à l'acceptation et au respect de la différence.

« À la cafétéria, les élèves se placent par couleur : les blancs, les Asiatiques, les Haïtiens, les Arabes et les autres. Les autres, ce sont ceux qui n'ont pas de groupe, par exemple les métis ou ceux qui ne sont pas populaires. » - Binetou

On est loin de l'image idéalisée d'une école québécoise multiculturelle où tous les enfants, quelle que soit leur origine, vivent heureux ensemble. J'ai en effet appris, qu'au secondaire, les élèves se regroupent plutôt par communauté culturelle et qu'il vaut mieux que votre groupe soit dignement représenté sinon, vous vous retrouvez avec « les autres », les sans caste, les indésirables.

C'est à l'institution scolaire de savoir observer ces mouvements et de mettre en place des actions afin d'y remédier, au lieu de reproduire ce qui se passe au-delà de ses murs.

Et vous, avez-vous demandé à vos enfants s'ils avaient déjà vécu ou observé le racisme à l'école? Vous seriez peut-être surpris...

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