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La ruée vers les VUS ou comment s'appauvrir en 60 paiements faciles

La préférence des Québécois pour lesn'est pas sans conséquences. La ruée vers les VUS est un Klondike pour les constructeurs automobiles et les détaillants d'essence, mais elle provoque une saignée qui plombe l'économie et le budget des ménages.
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L'histoire m'a été rapportée par un concessionnaire automobile : « À 1,50$ le litre, je n'ai pas assez d'hybrides et je reste pris avec mes véhicules utilitaires sport. À 1,20$ le litre, je ne fournis pas pour sortir les VUS de la cour. » La baisse du prix de l'essence en 2014 a provoqué un nouvel engouement pour ces modèles. Cette préférence des automobilistes québécois n'est pas sans conséquences. La ruée vers les VUS est un Klondike pour les constructeurs automobiles et les détaillants d'essence, mais elle provoque une saignée qui plombe l'économie et le budget des ménages.

Une étude publiée au début du mois de novembre par le Regroupement national des Conseils régionaux de l'environnement nous apprenait que le Québec dépense 18 milliards $ par année pour importer des produits pétroliers et 9 milliards $ pour des véhicules automobiles, pour un grand total de 27 milliards $. En raison de ces importations, le déficit commercial du Québec atteint 5% du PIB, en hausse constante depuis 15 ans. Autrement dit, nous nous appauvrissons annuellement de 27 milliards $ pour nourrir notre soif de pétrole et de véhicules.

En creusant les chiffres, on se rend compte que plusieurs facteurs expliquent cette fuite croissante de capitaux. La hausse des cours du pétrole, qui ont plus que doublé depuis 2003, en est le principal facteur. La croissance du parc automobile québécois, qui est deux fois plus rapide que celle de la population, est un second facteur. Selon les données de la Société de l'assurance automobile du Québec, entre 2003 et 2013, il s'est ajouté 785 000 véhicules, une hausse de 21% en dix ans alors que la population ne s'accroissait que de 9% au cours de la même période. À chaque naissance, deux voitures s'ajoutent au parc automobile québécois.

Mais le problème est encore plus profond. Toujours selon les chiffres de la SAAQ, de 2012 à 2013, il s'est ajouté 70000 camions légers ou VUS au total des véhicules de promenade en circulation au Québec alors que le nombre d'automobiles diminuait de 1000. C'est donc dire que les VUS constituent présentement l'essentiel de la croissance du parc automobile québécois. Il y a maintenant 1 504 537 VUS sur les routes du Québec, ce qui représente le tiers des véhicules de promenade en circulation. Depuis 1990, les émissions polluantes associées aux VUS se sont accrues de 100% alors que celles des automobiles diminuaient de pratiquement 12% !

Voici où le bât blesse : pour accomplir les mêmes fonctions, les VUS polluent plus et coûtent plus cher. Les données du CAA Québec indiquent que le coût annuel de possession d'un VUS est de 2000 $ à 4000 $ plus élevé que celui d'une automobile de promenade. Au total, les Québécois déboursent annuellement de 3 à 6 milliards $ pour circuler dans un véhicule plus gros. La quasi-totalité de ce surcoût est versée aux constructeurs automobiles et aux pétrolières.

L'étude du RNCRE nous apprend également que les ménages québécois consacrent en moyenne 8770 $ par année au transport, ou un peu plus de 18% de leur budget annuel. Il y a quelques années à peine, cette proportion était de 15%. Le transport est désormais le deuxième poste budgétaire des ménages après le logement et devant l'alimentation ! Les Québécois dépensent annuellement 1000$ de plus en transport qu'en épicerie. Pendant qu'ils se serrent la ceinture et courent les spéciaux pour économiser 50 cents sur un pain tranché, les Québécois se paient du caviar dans leurs transports en se procurant des VUS coûteux et énergivores. Au final ce choix les oblige à se serrer la ceinture sur le loisir, le vêtement, l'alimentation, ou simplement à s'endetter plus.

Évidemment plusieurs ménages ont besoin d'un VUS ou d'un camion léger pour leur travail, ou d'un véhicule à quatre roues motrices pour affronter les routes de l'Abitibi en hiver. Mais en voyant les rutilants VUS à 45 000 $ fraîchement sortis du lave-auto s'aligner sur la rue Crescent, dans le stationnement du Carrefour Laval ou dans les entrées de résidences de la banlieue montréalaise, on peut se demander ce qui justifie l'achat d'un VUS, au-delà du marketing et du prestige.

La réalité toute crue est qu'un propriétaire de VUS épargnerait annuellement de 2100 $ à 2800 $ en passant à un véhicule intermédiaire, et de 3500 $ à 4300 $ en passant à un modèle compact. À l'heure où la classe moyenne étouffe littéralement sous le poids de l'endettement, de la hausse du coût de la vie et de salaires qui stagnent, il existe une solution simple pour lui redonner un peu d'oxygène : cesser de donner son argent aux constructeurs automobiles et aux pétrolières en délaissant pour de bon les VUS. C'est un choix écologique et économique. C'est pourquoi Québec doit adopter dès maintenant un système de bonus-malus qui taxera les VUS et les véhicules les plus énergivores et subventionnera l'achat de véhicules de plus petite consommation.

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