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WhatsApp: Facebook rachète la concurrence pour mieux la neutraliser

Racheter la concurrence et la neutraliser pour mieux régner

C’est devenu une manie chez Facebook. A chaque fois qu’un nouveau système marche sur les plates-bandes du réseau social, il le rachète. C’est vrai pour WhatsApp, l’application de messagerie qu’il a payé 16 milliards de dollars (et même 19 en comptant les 3 milliards que recevront les fondateurs en actions Facebook). C’est aussi le cas pour Instagram (acheté en avril 2012) ou encore SnapChat, qu’il avait tenté d’acquérir en novembre.

Et à chaque fois, Mark Zuckerberg y met le prix. Pour Instagram le deal était de 1 milliard de dollars (payés en actions), quant à la proposition de SnapChat c'était 3 milliards de dollars. Des montants jugés disproportionnés au moment des faits. Instagram n’avait qu’une année d’existence quand Facebook a signé son chèque mirobolant, et que dire de SnapChat dont l’utilisation concerne surtout les utilisateurs les plus jeunes. Pour cette dernière, qui permet d’envoyer des photos visibles sur une durée limitée, la société n’a même pas de modèle économique! Et le rachat de WhatsApp représente quant à lui 12,6 fois le bénéfice de Facebook en 2013…

Mais Mark Zuckerberg ne fait rien à la légère: "WhatsApp est en passe de connecter un milliard de personnes. Les services qui atteignent ce niveau ont tous une valeur incroyable". Pour légitimer son choix, il vante "un produit d'extrêmement haute qualité" et "un réseau de communication très important". Pour ceux qui ne suivraient pas dans le fond, WhatsApp est une application qui fonctionne comme les SMS, sauf que les messages passent par Internet. Gratuit, simple, convivial, tout est dit. Surtout que son propre système de messagerie, Messenger, n'a pas su convaincre les utilisateurs.

Facebook va payer 4 milliards de dollars en cash et 12 milliards en actions pour acheter cette application populaire en forte croissance. Les 3 milliards restant seront des primes en actions Facebook versées aux fondateurs et aux salariés de WhatsApp sur les quatre années suivant le bouclage de l'opération, prévu cette année. Le fondateur Jan Koum entrera aussi au conseil d'administration du réseau. De quoi faire passer la pilule de s'être fait neutraliser: depuis ce matin cet ancien employé de Yahoo! "pèse" 6,8 milliards de dollars.

Stratégie défensive: racheter sans intégrer à Facebook

Le réseau social compte avoir la même approche avec WhatsApp qu'avec Instagram: l'application conservera sa marque et continuera de fonctionner indépendamment, et en parallèle à l'application de messagerie existante de Facebook (Messenger). La marque WhatsApp est trop forte pour la faire passer sous l’écrasante étiquette bleue. Et quand on regarde Instagram 2 ans après le rachat, c’est à peine si le nom de Facebook apparaît dans les mentions légales.

Voici ce qu’avait déclaré Mark Zuckerbeg en avril 2012 pour Instagram. "Nous pensons que ces systèmes différents vont se compléter. Nous devons avoir en tête de garder et solidifier les forces et les caractéristiques d'Instagram plutôt que d'essayer de tout intégrer dans Facebook". Et en effet, techniquement parlant, il n’y a pas d’intégration, Instagram continue sa vie en parallèle.

"Pendant des années, nous nous sommes concentrés sur la mise en place du meilleur système pour partager des photos avec vos amis ou famille", expliquait Facebook dans un communiqué de presse. On peut déceler une légère pointe d’amertume dans ces mots. En effet, Facebook Camera était déjà en phase de développement lorsqu’Instagram est venu révolutionner l’application photo. Les mêmes options étaient proposées, à ceci près que Facebook Camera était tout spécialement adaptée à la publication sur le réseau social.

Pour WhatsApp c’est un peu la même chose. Facebook indique chercher à favoriser un environnement dans lequel des services complémentaires du sien peuvent progresser tout en profitant de ses ressources et de sa puissance. "Cette approche fonctionne avec Instagram, et WhatsApp fonctionnera de cette manière", explique le réseau social, cité par Clubic. La marque WhatsApp et ses différentes applications seront donc conservées, aux côtés de l'actuelle application de messagerie développée en interne.

"Facebook Messenger est largement utilisé pour discuter avec vos amis Facebook, et WhatsApp pour communiquer avec tous vos contacts et des petits groupes de personnes. Dans la mesure où WhatsApp et Messenger répondent à des besoins différents et importants, nous continuerons à investir dans les deux", complète Mark Zuckerberg. Pourtant, la description qu’il livre sur WhatsApp ressemble beaucoup à celle qu’il faisait de son service 100% maison au lancement…

Si l'on était mal intentionné, on dirait que Facebook est désormais bien parti pour racheter FlipBoard. En effet, la firme de Palo Alto a récemment présenté son application Paper, un journal mobile personnalisé dont le grand concurrent est FlipBoard. Et si Facebook choisissait un jour de développer l’aspect professionnel, il pourrait donc finir par acquérir LinkedIn pour ne pas lui faire trop d'ombre...

SnapChat: celui qui a dit "non" à Facebook

Pour Greg Sterling, analyste chez Opus Research, l'opération résulte de "la frustration de Facebook de ne pas pouvoir acheter SnapChat". Malgré les 3 milliards posés sur table, le fondateur Evan Spiegel, 23 ans, a dit "non". C'était pourtant une belle occasion pour Facebook de maquiller le fiasco de son application "Poke", aujourd'hui abandonnée. Basée sur le même système que SnapChat, elle permettait de s'envoyer des photos qui s'auto-détruisaient en quelques secondes. Une astuce qui séduit les utilisateurs lassés de l'inaltérable base de données Facebook, apte à faire resurgir inopportunément des photos embarrassantes (même longtemps après leur publication). Une caractéristique très importante pour les adolescents.

Facebook a "vraiment besoin de véhicules pour attirer les utilisateurs les plus jeunes, et Instagram ne va pas faire cela tout seul". Même s'il reste le roi des réseaux sociaux, Facebook est confronté depuis quelques trimestres à des craintes de lassitude dans le public adolescent, séduit par de jeunes rivaux, inconnus de leurs parents, comme SnapChat justement.

"C'est tentant de voir ceci comme un signe que Facebook a peur de perdre les adolescents. Et oui, l'entreprise doit travailler dur pour conserver l'attachement des jeunes. Mais la réalité, c'est que Facebook travaille dur pour maintenir l'engagement de tous ses utilisateurs, quel que soit leur âge", nuance Nate Elliott, un analyste du cabinet de recherche Forrester.

Les dirigeants de Facebook ont eux aussi assuré mercredi que WhatsApp avait "une bonne pénétration dans toutes les tranches d'âges". C'est aussi "la seule application largement utilisée qui a un engagement et un taux d'utilisateurs quotidiens plus élevés que Facebook lui-même", a relevé Mark Zukerberg: ce taux est de 70% pour WhatsApp, contre 61,5% fin décembre pour Facebook.

Entre peur de péricliter et besoin d’annihiler la concurrence, Facebook est prêt à tout pour rester "le" réseau social. Quitte à sortir 19 milliards de dollars pour une start-up de 55 employés, dont les plus 30 ans ne connaissaient pas l’existence il y a encore quelques heures…

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