Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La zone euro peut-elle survivre à un Grexit?

La zone euro est-elle assez solide pour faire face à la contagion en cas de départ de la Grèce? La réponse incertaine à cette question explique la partie de poker à laquelle se prêtent la Grèce et l'Europe.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La zone euro est-elle assez solide pour faire face à la contagion en cas de départ de la Grèce? La réponse incertaine à cette question explique la partie de poker à laquelle se prêtent la Grèce et l'Europe.

D'un côté, le gouvernement grec a parié que la crainte d'une contagion (associée à d'autres facteurs politiques plus complexes) ferait plier les leaders européens. De l'autre, de nombreux dirigeants sont persuadés que le coût d'un maintien de la Grèce dans la zone euro sera plus élevé que son éventuel retrait. Chacun fait donc preuve d'intransigeance, ce qui en a surpris plus d'un.

Or qui a raison? La zone euro est aujourd'hui nettement mieux équipée pour naviguer en eaux troubles qu'elle ne l'était en 2012. Des pays vulnérables tels que l'Espagne ou le Portugal se refont une santé, leur système bancaire est désormais largement assaini, et les réformes structurelles engagées depuis trois ans portent déjà leurs fruits.

De plus, l'architecture institutionnelle de la zone euro a été consolidée: elle s'est dotée d'un fonds de sauvetage financier, le mécanisme européen de stabilité (MES), d'une Union bancaire (encore inachevée) et de la possibilité d'activer le programme d'opérations monétaires sur titres (OMT), bazooka monétaire de la BCE, qui ont récemment été déclarées compatibles avec le droit européen.

"Si la Grèce sort de l'euro, de nouvelles failles se dessineront, et il n'est pas possible de garantir que d'autres pays du Sud pourront s'en prémunir."

Plus important encore: jusqu'en septembre 2016, la BCE s'est engagée à continuer de racheter les obligations souveraines par le biais de son programme d'assouplissement quantitatif. Jusqu'à présent, celui-ci a permis d'éviter que la crise économique grecque n'influe sur les rendements des obligations souveraines dans les pays du sud de l'Europe. Aujourd'hui, malgré l'instabilité persistante, l'Espagne et le Portugal empruntent à des taux très bas.

Mais tous ces filets de sécurité suffiront-ils à protéger la zone euro d'une contagion en cas de sortie de la Grèce? En vérité, personne ne peut l'affirmer avec certitude. Pour assurer le bon fonctionnement d'une union monétaire, il est nécessaire de s'engager de manière crédible sur son irréversibilité. Ce qui explique l'omniprésence de ce principe dans les différents traités, et pourquoi il n'existe aucune base légale prévoyant une sortie de la zone euro.

Si l'irréversibilité de l'union monétaire n'est plus acquise, l'euro deviendra un système de taux de change fixes dénué de toute crédibilité, que tout pays sera libre de quitter afin de dévaluer sa monnaie, voire même de réintégrer.

"De nombreux dirigeants sont persuadés que le coût d'un maintien de la Grèce dans la zone euro sera plus élevé que son éventuel retrait."

Dans ce cas, dès que les investisseurs auront un doute sur la viabilité de la dette de tel ou tel pays (le Portugal, par exemple, dont la dette représente 125% du PIB), ou sur les compromis que gouvernement est prêt à faire pour respecter les règles fiscales de l'Union (par exemple si Podemos était au pouvoir en Espagne), ils auront tendance à ne pas prendre de risques. Ce qui pourrait entraîner une vague spéculative : les primes de risques augmentent, les taux d'intérêt aussi, la solvabilité du pays est remise en question, et l'on en revient à une crise souveraine qui se termine soit par un plan de sauvetage, soit par une sortie de la zone euro.

Certes, la zone euro est aujourd'hui mieux armée pour répondre à ces vagues spéculatives. L'Eurogroupe s'est quant à lui déclaré "prêt à tout" pour maintenir la stabilité de l'Union européenne. Mais certains de ces mécanismes devront probablement faire face à des contraintes structurelles ou politiques. Premièrement, l'assouplissement quantitatif risque de se révéler insuffisant, étant donné qu'il n'est pas destiné à régler les crises spéculatives, mais à lutter contre une inflation trop basse. La BCE doit acheter des obligations en fonction de la contribution de chaque pays aux capitaux qu'elle détient : si elle devait en acquérir davantage, elle miserait donc sur des obligations allemandes (très sûres), et probablement pas suffisamment sur celles émises par l'Italie ou l'Espagne.

L'Union européenne pourrait également activer l'OMT afin de lui faire jouer son rôle de prêteur en dernier recours. Le problème, dans ce cas, est d'ordre politique. Pour activer l'OMT, le pays bénéficiaire doit réclamer un plan de sauvetage auprès du MES, ce qui est politiquement inconcevable à l'approche des élections au Portugal et en Espagne. Ces pays seront confrontés à des scrutins très serrés, et un plan de sauvetage nourrirait encore le soutien aux forces populistes, comme Podemos en Espagne, qui seraient alors en position de remporter les élections.

"Bien que la zone euro soit mieux armée que par le passé, son union monétaire reste largement imparfaite."

Une troisième option serait de promettre un coup de pouce significatif en matière d'intégration fiscale et financière. Les contribuables du Nord sont cependant fatigués de payer l'addition, le populisme se porte bien, et les mesures de transfert de fiscalité ou de partage des risques à l'échelle de la zone euro ne trouvent plus d'écho auprès des dirigeants européens. D'autant qu'une intégration fiscale plus poussée impliquerait de modifier les traités, ce qui est aujourd'hui inenvisageable.

Bien que la zone euro soit mieux armée que par le passé, son union monétaire reste largement imparfaite. En réalité, si la Grèce sort de l'euro, de nouvelles failles se dessineront, et il n'est pas possible de garantir que d'autres pays du Sud pourront s'en prémunir. Tout cela devrait pousser les deux parties à parvenir cette semaine à un accord autorisant la Grèce à demeurer au sein de la zone euro. Le contraire risquerait de signer la fin de la monnaie unique.

Ce blogue, publié à l'origine sur le HuffingtonPost.com, a été traduit par Aurélie Montaud-Pernaudet pour Fast for Word.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

La récession frappe l'Europe

Le club européen des pays en récession

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.