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Cannabis au volant: les policiers inquiets

Cannabis au volant: les policiers inquiets

Si la marijuana à des fins récréative est légalisée, les policiers seront confrontés à des défis de taille. Les représentants des forces de l'ordre préviennent qu'ils n'ont pas tous les outils pour lutter efficacement contre la drogue au volant. Ils ont l'intention d'exprimer leurs inquiétudes à Ottawa.

Un texte de Louis Blouin

La conduite avec facultés affaiblies par les drogues est l'une des principales menaces à la sécurité du public si la marijuana récréative est légalisée. C'est du moins l'avis de l'Association canadienne des chefs de police (ACCP).

Contrairement à l'alcool, aucun dispositif n'a encore été approuvé au Canada pour détecter rapidement la présence de drogue chez un conducteur.

Le surintendant Paul Johnston de la police d'Ottawa, « anticipe une augmentation » des cas de cannabis au volant. Celui qui siège au Comité sur l'abus des drogues de l'Association canadienne des chefs de police rappelle que c'est ce qui s'est produit dans les États américains où la marijuana a été légalisée.

« Nous sommes inquiets parce que nous devons être prêts. »

— Paul Johnston, membre du Comité sur l'abus des drogues, Association canadienne des chefs de police

L'Association canadienne des policiers (ACP) partage aussi ces craintes et souligne que le Canada doit être mieux préparé. Les deux organisations seront donc présentes à Ottawa au cours des prochains mois pour exprimer leur point de vue et participer au processus de consultation du gouvernement.

Légalisation du cannabis: Pour ou Contre?
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Faut-il mettre fin à la guerre contre le cannabis? Retrouvez les cinq raisons invoquées par les partisans d'une dépénalisation, voire de la légalisation du cannabis et les cinq arguments contre. (credit:Alejandro Forero Cuervo/Flickr)
POUR: parce que la répression n'empêche pas la consommation(02 of11)
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Les partisans de la légalisation jugent que la répression de la consommation et de la vente du cannabis n'empeche pas la production de cannabis. (credit:AFP)
CONTRE: parce que le cannabis reste une drogue(03 of11)
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S'il n'existe pas de cas de mort par overdose de cannabis, sa consommation peut entraîner des troubles psychiques, anxieux ou dépressifs. (credit:AFP)
POUR: parce que fumer à des vertus thérapeutiques(04 of11)
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L'usage de la marijuana à des fins médicales remonte à l'Égypte ancienne. Autorisé dans plusieurs pays ou États, dont la Californie, il serait efficace pour lutter contre l'épilepsie et les effets secondaires des traitements cancéreux (nausées, vomissements). Le cannabis a également des propriétés anti-douleur. (credit:AFP)
CONTRE: parce que fumer au volant est mortel(05 of11)
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Les conducteurs sous influence du cannabis ont 1,8 fois plus de risques d’être responsables d’un accident mortel que les conducteurs négatifs (ce sur-risque est de 15 en cas deconsommation conjointe d’alcool). L'alcool est donc près de sept fois plus dangereux que le cannabis lorsqu'on prend la route. (credit:AFP)
POUR: afin de court-circuiter les dealers(06 of11)
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Réguler la consommation et la vente de cannabis permettrait de couper l'herbe sous le pied des dealers.Mais les opposants rappellent que légaliser un marché ne fait pas disparaître les trafics pour autant, comme le montre le boom des cigarettes de contrebande (cigarettes algériennes en Tunisie). (credit:ukhomeoffice/Flickr)
CONTRE: parce que légaliser doperait le trafic de drogues dures(07 of11)
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C'est un des arguments massue des détracteurs d'une légalisation du cannabis: les consommateurs de cannabis évolueraient plus facilement vers la consommation de drogues dures. La théorie dite "de la porte d'entrée" n'a toutefois jamais été prouvée scientifiquement, les déterminants de la toxicomanie étant à une immense majorité sociaux ou familiaux. (credit:Acid Pix/Flickr)
POUR: afin de garantir la qualité du produit(08 of11)
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La légalisation permettrait de mieux contrôler la qualité des produits distribués voire d'imposer une baisse du taux de THC (la propriété active du cannabis). (credit:AFP)
CONTRE: parce que les gens n'en veulent pas encore(09 of11)
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En France par exemple, l'opinion a toujours été hostile au principe de la dépénalisation. Si l’adhésion à la légalisation est plus répandue chez les jeunes, elle y demeure néanmoins minoritaire, chez les personnes âgées.En revanche, les trois quarts des Français se disaient favorables à l’usage thérapeutique du cannabis en 2002. (credit:AFP)
POUR: Parce que l'État y gagnerait financièrement(10 of11)
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Selon des chiffres en France, une légalisation du cannabis, avec une taxe fixée par l’État comme pour le tabac, rapporterait 1 milliard d’euros à la collectivité.Par ailleurs, le coût d'une interpellation pour usage de cannabis est estimé à 3.300 euros (temps de travail des policiers, procédures, etc.). Tant et si bien que la dépénalisation pourrait faire économiser "300 à 400 millions d’euros par an". Autant d'argent qui pourrait être réorienté vers la prévention. (credit:Wikimedia Commons)
CONTRE: Le contre-exemple des Pays-Bas(11 of11)
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Les expériences étrangères en matière de dépénalisation n'ont pas apporté la preuve qu'elles étaient une solution miracle contre la drogue. Selon la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue), les Pays-Bas, face aux limites de leur politique dite "de tolérance" en matière de cannabis, ont annoncé un durcissement de leur législation et prévoient de restreindre drastiquement l'accès aux Coffee Shops en les transformant en clubs privés réservés aux seuls résidents réguliers. (credit:Jamie Lantzy/Flickr)

Les besoins

À l'instar de l'alcootest, les forces de l'ordre ont besoin d'un dispositif pour « déterminer de façon précise le niveau d'intoxication » d'un automobiliste en bordure de la route explique M. Johnston. Le gouvernement du Canada doit approuver un appareil dont l'efficacité sera reconnue par les tribunaux souligne-t-il. Des produits développés par différentes entreprises sont déjà à l'étude.

Certains de ces appareils mesurent le niveau d'intoxication avec un échantillon de salive, d'autres avec l'haleine. L'organisme Les mères contre l'alcool au volant (MADD) estime que ces dispositifs sont essentiels pour établir une établir une preuve plus solide.

« Les tests salivaires ça existe, c'est courant présentement en Europe. »

— Marie-Claude Morin, Les mères contre l'alcool au volant (MADD)

Actuellement, lorsqu'un conducteur est soupçonné d'être sous l'influence d'une drogue, l'agent doit mener une série de tests de coordination en bordure de la route. Si l'automobiliste éprouve des difficultés, un échantillon d'urine, de salive ou de sang sera exigé et un agent évaluateur fera des vérifications plus poussées.

Pour l'ACCP et MADD, il est urgent d'amender le Code criminel et fixer des seuils d'intoxication comme on l'a fait avec l'alcool en fixant la limite à 80 milligrammes par 100 millilitres de sang.

Les États de Washington et du Colorado aux États-Unis ont fixé la limite de THC à 5 nanogrammes par millilitre de sang.

L'ACCP ajoute que les corps de police au pays devront s'adapter. Ils auront besoin de plus de ressources et davantage d'entraînement.

Le combat d'un père

Le combat de Gregg Thomson contre la drogue au volant arrive à un moment charnière. En 1999, son fils de 18 ans, Stan a été tué dans un accident de voiture avec quatre de ses amis. La collision impliquait un jeune conducteur qui avait consommé de la marijuana avant de prendre le volant.

Depuis, M. Thomson milite au sein de MADD et d'après lui, la légalisation pourrait mieux encadrer la consommation de marijuana. Cependant, il a été « effrayé » par la plateforme électorale libérale. Le père de famille a été choqué par l'absence d'engagements détaillés du gouvernement en matière de sécurité publique.

« C'est sa responsabilité [Justin Trudeau] de protéger toutes nos familles. »

— Gregg Thomson, bénévole, Les mères contre l'alcool au volant (MADD)

Pour M. Thomson, il y a énormément de travail à faire pour changer les mentalités quant à la drogue. « Nous sommes au point où nous étions il y a 25 ans en matière d'alcool au volant. » Marie-Claude Morin de MADD souligne l'importance de la sensibilisation auprès des jeunes. Selon elle, les sondages indiquent « que le cannabis est utilisé aussi fréquemment que l'alcool avant de conduire », mais que les accusations sont beaucoup moins nombreuses. « C'est déjà inquiétant, alors imaginez si la chose devient légale. »

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