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De l'intervention de la Russie aux guerres syriennes : la paix impossible

Le bien et le mal ne s'expriment pas dans des formes aussi simplistes que l'Occident d'un côté et l'EI de l'autre, car au milieu il y a la Syrie, les Syriens, Bachar el-Assad, l'Irak, les Kurdes, l'Iran, la Turquie, Al-Qaïda et tant d'autres.
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Le conflit civil qui a émergé en 2011 entre le régime et les forces rebelles s'est mué en un véritable nœud gordien. Il n'y a pas une seule guerre en Syrie, mais plusieurs et l'intervention de la Russie ne fait que complexifier un peu plus le jeu sur le terrain.

Après trois ans d'un conflit civil qui a fait près de 300 000 morts et 7 millions de déplacés, l'internationalisation du conflit est loin d'avoir aidé à paver la voie d'une sortie de crise. Au contraire, à mesure que le nombre d'acteurs augmente, les jeux de rivalités et de pouvoir se complexifient également. Sur le terrain, l'issue n'a jamais paru aussi obscure.

Si Washington et Paris sont en froid avec Assad, elles ne le combattent pas directement, ayant échoué à mobiliser leurs parlements respectifs et l'ONU à l'automne 2013 après que l'armée régulière syrienne ait employé des armes chimiques contre sa population. Pour autant, la France et les États-Unis soutiennent les rebelles contre le régime de Bachar el-Assad tout en bombardant les positions de l'État islamique (EI). De son côté, Moscou est rentré en guerre pour soutenir Assad contre l'EI et les rebelles, mais pas pour combattre l'État islamique à proprement parler. Pour Moscou, toutes les forces rebelles qui s'opposent au régime de Bachard el-Assad sont des terroristes. Si Assad n'est pas le chef d'État le plus irréprochable, Moscou rappelle que son régime a toujours condamné le terrorisme islamique et l'a toujours combattu. Dès les premiers soutiens des Occidentaux aux rebelles, Poutine rappelait que l'Europe et les États-Unis commettaient une grossière erreur d'analyse, car, selon le Kremlin, tout le monde savait qu'Al-Quaïda se battait au côté des rebelles. Selon lui, en soutenant les rebelles dans leur combat contre le régime d'el-Assad, l'Occident faisait ainsi le lit des organisations terroristes. Entre deux maux, Moscou choisissait celui qui lui paraissait le moins dangereux pour la sécurité régionale et internationale : le régime autoritaire de Bachar el-Assad.

L'ennemi de mon ennemi est mon ennemi

Dans ce conflit qui n'en finit plus, chaque groupe en vient à combattre l'ennemi de son ennemi. Sur le terrain, l'armée syrienne (Bachar el-Assad) combat les rebelles, les Kurdes et l'EI. De leur côté, les rebelles combattent l'EI et l'armée syrienne alors que l'EI combat les deux autres. Et puis les Kurdes combattent l'EI et le régime de Bachar el-Assad au côté des rebelles, alors qu'Al-Qaïda et le front Al-Nosra qui participent à former les rangs des premiers combattent les Kurdes, l'EI et le régime d'el-Assad. D'aucuns diraient que l'ennemi de mon ennemi est mon ami, mais pas en Syrie. Tous se combattent et la superposition des puissances régionales et internationales vient largement compliquer la donne. Les rivalités sont trop nombreuses pour penser à une sortie de crise rapide.

Matrice des guerres et des rivalités en Syrie

En rouge foncé : les groupes en guerre

En rouge clair : les rivalités de pouvoir entre groupes.

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Entre menace commune, idéalisme et réalisme...

La matrice des combats en Syrie permet d'identifier un point commun à tous les acteurs : la lutte contre l'État islamique. Mais les rivalités de pouvoir sont si nombreuses et si conflictuelles qu'il est difficile d'envisager une résolution de conflit sans que les puissances étrangères acceptent de laisser de côté leurs intérêts nationaux. Dans le cas inverse, l'Occident, le conseil de coopération du Golfe (CCG) et les rebelles signeraient une trêve avec le régime syrien et engageraient toutes leurs forces contre l'ultime menace commune : l'État islamique. Par ricochet, l'Europe paverait la voie à la résolution de la crise des migrants tout en stabilisant son pourtour méditerranéen.

Sacrifier la Syrie pour la sécurité régionale.

Mais la politique internationale est rarement aussi primaire et manichéenne. Le bien et le mal ne s'expriment pas dans des formes aussi simplistes que l'Occident d'un côté et l'EI de l'autre, car au milieu il y a la Syrie, les Syriens, Bachar el-Assad, l'Irak, les Kurdes, l'Iran, la Turquie, Al-Qaïda et tant d'autres. Ce n'est pas que les États sont indifférents au sort des Syriens, mais c'est que ces États sont surtout très intéressés par l'après-conflit. Si demain tous les groupes combattants impliqués en Syrie faisaient converger leur force dans le combat contre l'EI, rien n'indique que la guerre civile ne reprendrait pas après, que le Moyen-Orient en sortirait renforcé et que les rivalités de pouvoir seraient atténuées. La montée en puissance des mouvements terroristes et la déliquescence des États irakien, syrien et yéménite après le printemps arabe ou aux opérations militaires américaines ne font qu'attiser les craintes des puissances régionales et internationales d'une propagation de ces risques à leurs frontières.

Devant cette précarité sécuritaire, l'intervention de la Russie, elle aussi inquiète du renforcement des mouvements terroristes à proximité de ses frontières, ne devrait pas réellement améliorer la situation de la région. Si cela ajoute de la pression sur l'EI, sur le terrain, la Syrie est condamnée à la destruction.

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