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Démocratie à vendre

Ce n'est pas l'accord de libre-échange qu'il faut rejeter. Ce sont les clauses de protection des investisseurs qui sonnent le glas de nos institutions démocratiques.
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Depuis une semaine, on voit les agriculteurs manifester leur crainte de perdre la gestion de l'offre dans le cadre de la signature de l'accord sur le Partenariat transpacifique. Dans les faits, il s'agit de beaucoup plus que ça. Tout comme dans la poursuite de 250 M$ de la compagnie Lone Pine Resources, les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États [ISDS] donnent à des investisseurs étrangers un droit de véto sur toute loi promulguée par un gouvernement élu et légitime qui veut protéger les intérêts de ses citoyens.

Souvenons-nous. En juin 2011, le gouvernement Charest a voté la loi 18 qui interdisait le forage dans le lit du Saint-Laurent. Un des claims de Lone Pine était situé dans le fleuve à l'est de Trois-Rivières. Cette compagnie poursuit le Canada (une province n'a pas droit de parole à l'Aléna) en vertu du chapitre 11 de l'Aléna en invoquant qu'elle aurait possiblement pu retirer 250 M$ si elle avait découvert une quantité de gaz commercialement exploitable, si elle avait investi dans un forage, si le prix du gaz était élevé (et une demi-douzaine d'autres «si»).

La logique de Lone Pine, c'est d'acheter un billet de loterie d'un dollar et ensuite de réclamer le gros lot de 250 M$ sans aucun effort de sa part! Pourtant, le gouvernement Charest était très favorable à l'exploitation du gaz de schiste, mais il a répondu de façon minimale à la logique scientifique et à l'absence de consensus social en interdisant le forage dans le lit du fleuve.

Pour Lone Pine, la protection de la santé et de la sécurité des citoyens et le respect des intérêts économiques d'une population et de la volonté populaire, défendus par un gouvernement élu, ne sont qu'un «caprice arbitraire».

Le 4 octobre, l'émission Backlight de la télévision néerlandaise VPRO a traité des clauses de protection des investisseurs. Selon le professeur Van Harten, de la Osgoode Law School, cité dans cette émission, le Canada est le pays industrialisé qui a le plus abdiqué sa souveraineté dans ce genre de clauses. Depuis 20 ans, le Canada serait le plus exposé à des poursuites bâillons comme celle de Lone Pine Resources. Nous aurions également l'honneur peu enviable d'être parmi les pays les plus poursuivis parce que nos dirigeants n'ont pas mis leurs culottes avant de signer.

Le commerce est une chose souhaitable, mais pas au prix d'un renoncement à des valeurs fondamentales. L'économiste Ha-Joon Chang fait le parallèle avec un argument économique largement utilisé au 19e siècle: l'abolition de l'esclavage était jugé économiquement irréaliste. La démocratie et le droit, fondés sur les valeurs humanistes, n'ont pas de prix: ce sont plutôt ces principes qui confèrent une valeur à tout. Les bases légales de la poursuite de Lone Pine Resources sont aussi incompatibles avec les principes d'une société démocratique que l'esclavage.

En cette période électorale, le gouvernement de M. Harper vient d'annoncer la conclusion d'un accord de libre-échange entre douze pays de la zone du Pacifique. Ce n'est pas l'accord de libre-échange qu'il faut rejeter. Ce sont les clauses de protection des investisseurs qui sonnent le glas de nos institutions démocratiques.

Tout avocat vous le dira: dans un contrat, il faut toujours lire ce qui est écrit en petits caractères si on ne veut pas se faire avoir. Dans sa conférence de presse, M. Harper a affirmé que la Canada entre dans cet accord «sous ses propres conditions».

Les conditions fixées par le Canada? Ou celles des investisseurs étrangers? Malgré ses défauts, notre démocratie ne doit pas être vendue à des intérêts étrangers.

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10 questions sur le Partenariat transpacifique
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Un accord historique de libre-échange a été annoncé lundi 5 mars 2015, ce qui devrait provoquer des débats politiques enflammés dans plusieurs pays.Voici des réponses à 10 questions entourant le Partenariat transpacifique (PTP).Source: La Presse canadienne (credit:Getty Images)
Quels sont les pays impliqués?(02 of11)
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Le Brunei, le Chili, la Nouvelle-Zélande et Singapour ont mis le projet sur la table il y a plusieurs années. Les États-Unis, le Canada, le Mexique, le Japon, le Vietnam, l'Australie, le Pérou et la Malaisie font grimper à 12 le nombre de pays impliqués. D'autres pays, comme la Colombie, la Thaïlande ainsi que la Corée du Sud avaient aussi exprimé un intérêt pour se joindre aux discussions. (credit:Associated Press)
Quel est l'ampleur de cet accord?(03 of11)
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Il s'agit de la plus grande zone de libre-échange dans le monde, qui comprend quatre continents et 40 pour cent de l'économie mondiale - bien plus que l'Union européenne (UE). (credit:Jupiterimages via Getty Images)
Est-ce que le PTP est plus important que l'UE?(04 of11)
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Vraiment pas. L'Europe a ouvert ses frontières, facilitant ainsi la circulation des personnes et des marchandises d'un pays à l'autre. Le PTP réduit les barrières tarifaires dans une zone plus élargie. (credit:Roslan Rahman via Getty Images)
Quels sont les effets?(05 of11)
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L'accord réduit ou élimine les tarifs douaniers sur une multitude de produits canadiens exportés à l'étranger, dont au Japon. Cela s'applique à la machinerie, en passant par le boeuf et le porc ainsi que les produits forestiers. Il procure également un nouvel accès au marché canadien équivalent de 3,25 pour cent de la production de lait canadien aux pays signataires. Le PTP facilitera également l'arrivée en Amérique du Nord de pièces automobiles fabriquées à l'étranger. (credit:Bloomberg via Getty Images)
Pourquoi est-il important?(06 of11)
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Cela entraîne dans la sphère d'influence américaine des économies qui se développement rapidement. Il introduit ainsi de nouvelles règles dans ce qui est considéré comme le terrain de jeu de la Chine. L'accord représente un précédent pour de futures ententes, notamment sur l'implication de la Chine et de ses sociétés d'État. Le PTP met en place de nouvelles règles pour l'économie numérique du 21e siècle. (credit:sigurcamp via Getty Images)
Quel est le problème?(07 of11)
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Il expose des travailleurs de la classe moyenne à une concurrence étrangère où les coûts de production sont bas, notamment dans le secteur automobile. Il pourrait aussi avoir un impact négatif sur la profitabilité des fermes laitières, même si le gouvernement promet une aide de plusieurs milliards de dollars étalée sur 10 ans pour les aider. Ces décisions gouvernementales pourraient être renversées par des tribunaux spéciaux, comme dans l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et devant l'Organisation mondiale du commerce, lorsque des compagnies contestent certaines lois adoptées par les gouvernements. (credit:Phil Walter/Getty Images)
Est-ce que l'entente entre les 12 pays est une décision finale?(08 of11)
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Non. Les parties impliquées, comme le Canada après la campagne électorale, devront ratifier l'entente. Un vote qui s'annonce difficile devrait avoir lieu au Congrès américain l'an prochain. (credit:Shutterstock)
Est-ce qu'il est possible de lire le texte complet de l'entente?(09 of11)
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Pour le moment, les détails ont été fournis par différents gouvernements. Un responsable canadien a dit souhaité que les parties impliquées soient en mesure de dévoiler l'entente au cours des prochains jours. Il n'est pas encore certain que les Canadiens pourront prendre connaissance du texte avant de se rendre aux urnes, le 19 octobre. (credit:Getty Stock)
Est-ce que le PTP met fin à l'Accord de libre-échange nord-américain?(10 of11)
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Non. Cet accord existe toujours, mais le PTP devrait avoir préséance sur certains aspects. Dans un sens, c'est ce que le président américain Barack Obama avait promis lors de sa première course présidentielle en affirmant vouloir réviser l'ALÉNA - ce qui avait suscité la controverse en 2008. (credit:Associated Press)
Est-ce la fin de Postes Canada et de Radio-Canada?(11 of11)
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Il y a eu des rumeurs à cet effet, en raison de certaines règles imposées à des sociétés d'État. Diverses sources ont insisté pour dire que ces rumeurs émanaient de la Chine. (credit:CP)

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