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Le Gary Bettman de la culture au Québec est une matante

Solange Drouin gagne assurément plus d'argent en donnant une entrevue de 30 minutes à titre de directrice générale de l'ADISQ, qu'un artiste québécois qui génère 147 000 écoutes en streaming.
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« L'argent existe, mais il ne retourne pas dans les poches des créateurs.» - Solange Drouin, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l'ADISQ.

Solange Drouin gagne assurément plus d'argent en donnant une entrevue de 30 minutes à titre de directrice générale de l'ADISQ, qu'un artiste québécois qui génère 147 000 écoutes en streaming.

L'ADISQ représente les producteurs, qui, volontairement, font la mise en marché de l'art. Les vrais créateurs ce sont les bands qui pratiquent dans leur local et qui valent déjà quelque chose avant même que les producteurs s'en mêlent. On conditionne les artistes, je l'ai souvent exprimé publiquement, à croire qu'ils ont de la valeur seulement lorsque l'industrie chiffre leur réussite à coups de palmarès et de trophées.

La plus grosse dépense d'un label, c'est souvent les salaires

Dans l'article de Samuel Larochelle publié le 3 novembre sur le Huffington Post Québec, quand Solange Drouin parle des revenus insuffisants reliés aux services de streaming et des organisations qui tentent de changer les choses, il n'est pas question d'organisations d'artistes, mais bien de producteurs, qui eux doivent impérativement vendre plus d'albums pour non seulement payer leurs dépenses de mise en marché, mais le loyer, l'électricité, les assurances, les cotisations et, évidemment, les salaires.

Or, ceux qui peuvent réellement «vivre » de la musique, modestement, mais quand même, ce sont les employés de l'industrie. Le débat public est orienté sur les acheteurs vs les artistes. Malaise. Les artistes, en majorité, ont un revenu lié à un emploi en marge de leur carrière musicale. Rares sont ceux qui reçoivent l'équivalent d'un salaire minimum par année provenant exclusivement de leur musique. Mais pisteurs, bookeurs, éditeurs, demandeurs de subventions, relationnistes, directeurs artistiques, comptables, ça oui, au salaire minimum, Y'EN A. 15 salaires minimums dans un seul label, ça fait 300 000 $ par année plus les cotisations salariales. Il faut vendre 60 000 albums physiques en magasin seulement pour payer annuellement les masses salariales.

La représentante des producteurs en est bien consciente en ajoutant ceci :

« En raison des pertes de revenus, le personnel a diminué, les salaires sont moins élevés, les entreprises sont plus petites, et plusieurs ont l'impression de travailler deux fois plus fort pour moins de résultats qu'avant. Je trouve que la nouvelle génération de producteurs travaille par passion et avec des attentes plus réalistes que leurs prédécesseurs. Par contre, je me demande combien de temps certains jeunes peuvent vivre avec un salaire limité. Avec le temps, nos besoins évoluent. »

Voyez-vous ici comment le débat s'est rapidement tourné vers les non-artistes? Solange Drouin protège les producteurs passionnés. Les attentes, les familles, les besoins, oui, mais de qui? Des producteurs. C'est son travail.

Elle ajoute:

« Les jeunes artistes et producteurs vont peut-être se décourager un jour. Cela pourrait entraîner une perte de diversité musicale. Les gens vont continuer d'écouter de la musique, mais le Québec aura peut-être moins d'artistes sur le marché. On perdrait énormément en tant que société. »

Ça ressemble à des menaces, ça sent le désespoir. Les artistes n'ont jamais pu se fier à la santé du marché, alors ils ont l'habitude de baisser les bras face à la possibilité de revenus, mais trouvent toujours un moyen de créer. Ceux qui résistent, ce sont ceux qui peuvent s'attacher à des acquis. Les changements ont surtout multiplié la quantité d'artistes disponibles et augmenté la diversité. Depuis Napster et Kazaa, depuis Myspace et Bandcamp, des plateformes qui ont donné légalement et illégalement la musique, l'accès à des nouveaux artistes n'a cessé d'augmenter. Ce n'est pas Rdio, Deezer et Zik qui vont renverser le mouvement.

Alors c'est quoi? J'en ai aucune idée!

Je ne sais même pas pourquoi on s'en fait avec le streaming

L'article semble dire qu'il faut augmenter les revenus en streaming légaux pour que les artistes aient leur juste part. Si les revenus augmentent, tout le monde va ajuster son salaire avant que l'artiste reçoive les mautadines de mêmes peanuts à la fin.

Permettez-moi d'abuser de ma métaphore favorite: si les équipes de la LNH font plus d'argent avec les droits de diffusion, ma saison de hockey cosom au Cegep Ahuntsic ne sera pas moins chère. Si Geoff Molson génère plus ou moins de millions par année, ça ne changera pas la quantité de kids dans la rue avec un bâton et une balle. Il y a un écart massif dans les perceptions. Solange Drouin représente l'équivalent de Gary Bettman et l'association des équipes de la LNH. Elle protège l'avenir du sport professionnel alias, l'élite culturelle qui vend des «records».

Dans une salle membre de réseaux comme RIDEAU ou ROSEQ, la fille qui déchire les billets, le gars du vestiaire, la sécurité et le gars du ménage, font souvent plus d'argent que les musiciens sur la scène. Quand on parle d'industrie, on parle aussi de ces gens-là. Gérant, bookeur, soundman, éclairagiste, band gear, camion loué chez Légaré et hôtel sont payés avant que le band à 25$ le billet puisse s'offrir une poutine à 3h du matin après le show, avec ce qui reste. Pendant ce temps, dans une industrie en marge, un band punk rock DIY arrive à faire des bars à 8$ à la porte et peut quand même réussir à se payer la même poutine que l'autre.

Les matantes tentent de vous faire croire que plus de revenus en streaming vont soutenir les artistes. Non. Déjà en frais d'avocats pour chaque cause, des milliers de dollars sont dépensés pour servir les salariés de l'industrie à moyen/long terme et non les artistes à court terme. Même si on bougeait à 1 $/1000 spins au lieu de 10 cennes/1000 spins, les artistes vont quand même travailler à 10$ de l'heure dans un resto pour payer leur 50$ de local de pratique par mois; pas demander à son public d'écouter maladivement ses chansons sur Spotify.

On fait juste nourrir l'intermédiaire entre l'artiste et le public

La réalité c'est que l'argent sert à payer le salaire de celui qui t'appelle deux fois par semaine à coup de grief pour récupérer les tarifs et cotisations Guilde + UDA dus pour des artistes qui n'ont jamais reçu de cachet.

Oui, vous avez bien lu, il y a des artistes pas payés, qui sont redevables de cotisations parce qu'eux, ou leur producteur sont membres d'associations avec des conventions vieilles de 15 ans, qui ne prennent pas en considération les deals comme :

Le (cache le nom du festival rock réputé pour ses lacs de pisse) appelle pour dire: «Viendrais-tu jouer dans mon fest sur mon terrain de balle-molle, il va y avoir 200000 personnes (bullshit), des headliners gigantesques, une opportunité, je t'offre 500$, mais tu dois payer ton staff, ton gaz, ta van, pis non je vais pas payer ta SOCAN.» Et l'artiste québécois accepte, parce qu'il veut faire des shows. Si ce même artiste fait partie du système à «Matante Bettman», il y a un employé de la place (qui reçoit au moins le salaire minimum), qui va t'appeler pour exiger que l'artiste paye ses crédits d'union, même si les cinq gars du band ont splitté les derniers 13,47$ qui restaient à la fin. Un paquet d'gomme et de la visibilité : NICE!

La joke, c'est que tout le monde se bat pour que les revenus augmentent en streaming, mais cette année, LE soi-disant PLUS GROS festival ROCK DU CANADA doit payer pour des infrastructures d'urinoir qui valent la peine, alors on va couper sur le nombre de guestlists pis le catering de l'artiste. Surement pas le salaire de l'organisateur qui se vante d'avoir des retombées de plusieurs millions dans la région.

C'est quoi la masse salariale des 20 employés de l'ADISQ et combien d'écoutes en streaming faut-il générer pour rembourser cette charge?

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