Chrystia Freeland l'a entendu bien clairement de la bouche des électeurs indécis, en faisant du porte-à-porte au centre-ville de Toronto.
"Beaucoup de gens me disent qu'ils vont soutenir le parti qui, selon eux, pourra battre le plus efficacement les conservateurs", a rapporté la candidate sortante dans la nouvelle circonscription University-Rosedale.
La néo-démocrate Mira Oreck a entendu la même chose dans Vancouver Granville.
"Nous avons une très forte impression que les gens veulent du changement, ça ne fait aucun doute", a-t-elle indiqué, ajoutant être surprise du fait que des gens sont prêts, pour la première fois, à changer d'allégeance même après 20 ou 30 ans de fidélité à un parti.
Avec le week-end de la fête du Travail qui marque le début de la seconde moitié de la campagne, et en quelque sorte d'une nouvelle course électorale, plusieurs sondages d'opinion montrent que les trois grands partis _ libéral, conservateur et néo-démocrate _ sont pratiquement à égalité.
C'est la première fois, dans une élection générale canadienne, que trois chefs ont autant de chances d'être élus.
"Je sens une plus grande instabilité, un plus grand potentiel d'instabilité, dans cette élection que dans toute autre auparavant", a affirmé David Coletto de la firme de sondage Abacus Data. Dans le dernier sondage de la compagnie, le Parti conservateur (PCC), avec 30 pour cent des intentions de vote, était coincé entre le Nouveau Parti démocratique (NPD), qui avait 31 pour cent des intentions, et le Parti libéral (PLC), 28 pour cent.
Selon M. Coletto, deux élections se jouent en ce moment: l'une pour les 40 pour cent d'électeurs qui disent qu'ils vont au moins considérer voter pour Stephen Harper; l'autre pour les 60 pour cent de répondants qui veulent absolument un changement de gouvernement.
L'instabilité est plus flagrante au sein du bassin qui se dit prêt à voter tant pour les libéraux que les néo-démocrates, indique de son côté un autre sondeur, Nic Nanos de Nanos Research. Sa firme place le NPD en tête avec 30,8 pour cent des votes, suivi du PLC à 29,7 pour cent et du PCC à 28,8.
Les sondeurs s'accordent sur le fait que les conservateurs ont la base la plus inébranlable. Les deux tiers de leurs partisans interrogés dans le plus récent sondage téléphonique de Nanos ont dit ne considérer qu'un seul parti. Chez les libéraux, ces supporters inflexibles ne sont que 40 pour cent, et 37 pour cent chez les néo-démocrates.
Si les conservateurs peuvent s'en réjouir, il n'y a pas de quoi sabrer le champagne, a dit M. Nanos, parce qu'il n'y a que peu de place à l'amélioration. "Ce serait difficile pour (les conservateurs) d'avoir une campagne absolument désastreuse, mais ce serait aussi très difficile pour eux de gagner une majorité."